Intervention de Barbara Pompili

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 10h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Je suis heureuse de vous présenter les grandes lignes du budget 2022 de mon ministère. Le projet de loi de finances qui va être soumis à votre vote est historique. Actant la dynamique verte enclenchée depuis cinq ans, il a pour objectif de faire entrer définitivement l'écologie dans la vie des Françaises et des Français.

Dans ce combat permanent, mon ministère est évidemment en première ligne et, pour l'année qui vient, ses moyens sont en hausse de 1,5 milliard d'euros. Cela signifie que, sans compter le plan de relance, le budget de mon ministère s'élèvera en 2022 au niveau historique de 49,9 milliards. Le budget consacré aux transports augmentera de 3 %, celui qui est consacré au logement de 7 %, et le budget consacré à la transition écologique, hors service public de l'énergie, de 13 %. Entre le plan de relance, de 30 milliards d'euros sur deux ans, et ce nouveau budget, le Gouvernement n'a jamais autant investi pour la transition écologique.

Ce budget, résolument à la hauteur des vastes défis auxquels nous devons faire face, permettra à tous les Français de franchir un pas supplémentaire dans la transition écologique. On ne le répète jamais assez : l'objectif du ministère n'est pas d'interdire, de contraindre ou d'empêcher mais d'entraîner tout le pays dans ce mouvement vers la transition écologique en soutenant les uns et en incitant les autres à faire davantage. Au cours de ce quinquennat, nous aurons franchi un palier pour préparer le futur de notre planète, grâce à des lois essentielles, à un investissement sans précédent et à notre action au niveau européen.

Avec ce budget, nous nous donnons d'abord les moyens de restaurer et de protéger la biodiversité. Les publications récentes de l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN, et de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) montrent que près d'une espèce sur trois est désormais menacée d'extinction ; il est temps d'agir, nous ne pouvons plus fermer les yeux quand tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge. Aussi, en 2022, les budgets consacrés à la biodiversité augmentent. La stratégie nationale Biodiversité est dotée de 5 millions d'euros supplémentaires ; l'Office national des forêts (ONF) obtient 2 millions d'euros en plus, le Conservatoire du littoral 1,5 million. En tout, le programme « Paysages, eau, biodiversité » aura bénéficié d'une hausse de 60 millions d'euros entre 2020 et 2022, soit plus de 30 % en deux ans – c'est colossal.

Le changement climatique, directement responsable de la perte de biodiversité, multiplie aussi la fréquence et l'intensité des inondations et des incendies, qui devraient augmenter significativement ; leurs conséquences financières pourraient être multipliées par 1,5 d'ici trente ans. Pour cette raison, la politique de prévention des risques et de santé-environnement franchit cette année le cap décisif du milliard d'euros avec une augmentation de 82 millions. Les moyens du Fonds Barnier sont portés à 235 millions d'euros, pour 137 millions il y a deux ans, avec de nouvelles mesures en faveur des victimes de la tempête Alex d'octobre 2020. La subvention de l'Agence de la transition écologique (ex-ADEME) augmentera de 51 millions pour permettre le déploiement encore plus rapide de la transition écologique sur nos territoires.

Ce budget est aussi et surtout à la hauteur des défis que rencontrent nos concitoyens dans la vie quotidienne. Il est de notre responsabilité d'accompagner les Françaises et les Français confrontés à la hausse du prix de l'électricité. Aussi augmentons-nous le budget consacré au chèque énergie de 105 millions d'euros, si bien que 965 millions d'euros soulageront 6,2 millions de ménages. De plus, le Premier ministre l'a annoncé, nous enverrons dès cette année un deuxième chèque énergie de 100 euros pour aider les ménages dont la situation est la plus précaire à faire face aux hausses des prix de l'énergie. Et, pour protéger l'ensemble des ménages, nous bloquons tout l'hiver à son niveau d'octobre 2021 le prix du gaz, dont la facture aurait pu sans cela augmenter de 30 %. Pour l'électricité, les tarifs de vente réglementés augmenteront au maximum de 4 % par rapport à 2021, soit environ 5 euros par mois pour un Français qui se chauffe à l'électricité. Nous proposerons au Parlement d'ajuster la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité à cet effet.

Non, nous ne « cramons pas la caisse », et oui, nous sommes responsables et transparents ! Quand les prix du gaz baisseront, sans doute à partir du printemps, nous diminueront progressivement les tarifs afin de revenir à la normale. S'agissant de l'électricité, toute baisse de fiscalité éventuelle sera financée par des recettes exceptionnelles tirées de la vente de l'électricité française.

Mais protéger nos concitoyens des hausses des prix de l'énergie, c'est aussi les aider à consommer moins en encourageant des travaux de rénovation thermique. Le dispositif MaPrimeRénov' rencontre toujours un vif succès : cinq cent mille dossiers étaient déposés à la mi-septembre, déjà bien plus que notre objectif initial pour 2021. Cette politique ayant trouvé son public, le budget intègre 2 milliards d'euros pour ce dispositif, trois fois le montant prévu avant la crise sanitaire.

Enfin, parce que se déplacer ne doit plus signifier polluer, nous continuons à soutenir nos concitoyens qui s'orientent vers l'achat de véhicules moins polluants. Le bonus écologique et la prime à la conversion, qui devraient représenter en tout 2 milliards d'euros sur 2021 et 2022, visent à inciter les Français à acquérir des véhicules moins polluants.

Plus généralement, face au réchauffement climatique, diversifier nos sources d'électricité est devenu une nécessité vitale. Aussi, 6,1 milliards d'euros seront consacrés aux énergies renouvelables en 2022. Ce mouvement est conforme aux objectifs ambitieux fixés à l'horizon 2030 par la loi relative à l'énergie et au climat et aussi dans la programmation pluriannuelle de l'énergie. En tout, le budget consacré au service public de l'énergie a augmenté d'un quart depuis le début du quinquennat, et il a doublé depuis 2012.

Alors que l'hiver approche, le budget 2022 de mon ministère est au rendez-vous de la solidarité. Le budget consacré au logement, à l'aménagement et à l'hébergement sera de 17 milliards d'euros en 2022, en augmentation d'un milliard : 500 millions d'euros supplémentaires sont déployés pour l'hébergement d'urgence, autant pour les aides personnalisées au logement, pour 13 milliards d'euros en tout. Surtout, pour faire face à la crise sanitaire que traverse le pays, le niveau historiquement haut du parc d'hébergement d'urgence, avec 200 000 places, sera maintenu jusqu'à la fin de la période hivernale. La solidarité est indissociable du modèle français et je suis fière qu'elle soit au cœur de l'action de mon ministère sur tous les plans : énergie, logement, transports.

D'autre part, nous poursuivons la transformation de nos politiques de mobilité. Presque 8 milliards d'euros sont prévus pour cela, en progression de 240 millions. Je ne m'attarderai pas sur ces chiffres dont M. le ministre Jean-Baptiste Djebbari vous a parlé hier.

Pour réussir notre transition écologique, les moyens financiers sont bien sûr essentiels, mais rien ne peut être accompli sans l'action d'hommes et de femmes engagés. Aussi suis-je particulièrement satisfaite de vous annoncer qu'un coup de frein sera mis en 2022 aux baisses d'effectifs que mon ministère a connues depuis de longues années. Cette tendance concerne tous les programmes. Elle se traduira par une réduction, limitée par rapport aux années passées, de 0,6 % de nos effectifs, avec 350 emplois en moins pour l'ensemble de mon ministère au lieu de 1 200 emplois en 2021, soit presque quatre fois moins. Ce seront autant d'emplois qui pourront être redéployés dans les territoires, où ils doivent être le plus nombreux possible pour réaliser la médiation, le travail de pédagogie et d'accompagnement qui s'impose auprès de nos concitoyens, des entreprises et des élus locaux.

Depuis quinze ans au moins, l'effectif des agences de l'eau diminuait de 2,5 % chaque année ; nous mettons fin à cela. Quarante emplois seront créés dans les parcs nationaux en deux ans. Ceux de l'Office français de la biodiversité (OFB) et du Conservatoire du littoral seront pérennisés. Les emplois de l'ADEME, de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), de l'École nationale des ponts et chaussées et de l'École nationale des travaux publics de l'État augmenteront ou resteront stables. C'est la reconnaissance de l'importance de nos missions ; c'est aussi un témoignage fort de la volonté du Gouvernement de déployer une écologie de terrain qui ne se limite pas à prescrire ou à contrôler d'en haut mais qui accompagne les acteurs.

Mais la transition écologique n'est pas uniquement un combat mené au niveau national ; c'est aussi un intense travail diplomatique, puisque tous les efforts que nous accomplissons n'ont de sens que s'ils existent aussi à l'étranger. Je vous dirai donc quelques mots de notre action sur le plan international, qui s'accélère ces dernières semaines en prévision des prochaines COP. En dépit de la crise sanitaire qui a paralysé le monde entier, la France a organisé en 2021 deux grandes manifestations internationales en faveur de la biodiversité. Ce fut d'abord le One Planet Summit de janvier, le premier consacré à la biodiversité ; il a permis le lancement de multiples initiatives qui portent déjà leurs fruits, dont PREZODE, qui vise à prévenir de nouvelles pandémies d'origine animale, dont on a compris qu'elles sont souvent liées à la perte de biodiversité. Puis a eu lieu il y a quelques semaines, à Marseille, le congrès mondial de l'UICN, un succès. Cette rencontre a permis à l'ensemble des acteurs d'affirmer leur ambition commune en faveur de la biodiversité, notamment la nécessité de faire prévaloir des solutions fondées sur la nature. Je salue les parlementaires qui ont œuvré à la réussite de ce sommet international et qui ont permis de faire entendre la voix essentielle des Parlements dans l'action internationale en faveur de la biodiversité.

Ces deux sommets ont joué un rôle crucial dans la préparation de la COP15 sur la biodiversité qui se tiendra à Kunming au printemps 2022. La France y défendra la nécessité d'adopter un cadre ambitieux, avec des objectifs et des moyens. Nous porterons notamment l'objectif de 30 % d'aires protégées, objectif que la France défend déjà avec la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples qu'elle préside avec le Costa Rica et qui réunit déjà plus de 70 pays et non plus une dizaine comme il y a quelques mois encore.

L'année 2021 était également celle de l'anniversaire de l'entrée en vigueur, il y a 60 ans, du traité de l'Antarctique, et de la signature il y a 30 ans du protocole de Madrid relatif à la protection de l'environnement en Antarctique. La réunion consultative des parties au traité sur l'Antarctique qui s'est ouverte à Paris en juin dernier a été l'occasion de prendre exemple sur ce modèle unique de réserve naturelle consacrée à la paix et à la science tout en rappelant son exposition marquée au changement climatique.

Plus généralement, nous nous investissons dans la diplomatie maritime et la diplomatie des pôles, notamment dans le cadre des négociations en cours sur l'accord dit « BBNJ » qui vise à protéger la biodiversité marine dans les zones ne relevant pas des juridictions nationales, et le Président de la République a annoncé la tenue du One Ocean Summit qui se tiendra en janvier prochain. La France est donc, en 2021 comme les années précédentes, à la pointe de la diplomatie environnementale.

S'agissant du climat, l'échéance clé, cette année, est bien sûr la COP26 qui aura lieu en novembre à Glasgow. La réunion préparatoire qui s'est tenue à Milan la semaine dernière a enclenché une dynamique positive pour les négociations à venir. De nombreux points sont encore en discussion – financements, instruments de mise en œuvre de l'accord de Paris, mesures d'atténuation avec les contributions déterminées au niveau national –, mais nous progressons.

L'enjeu est crucial : il faut maintenir la cible fixée dans l'accord de Paris en limitant le réchauffement climatique à 1,5 degré d'ici la fin du siècle, sans atteindre, ce qui serait catastrophique, le réchauffement de 2 degrés, voire plus, prédit par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, si nous continuons sur la trajectoire actuelle. De nombreux pays, notamment des pays émergents du G20, doivent encore être convaincus de rehausser leurs contributions nationales. À cet égard, je suis très heureuse que notamment grâce à notre travail, la Turquie ait ratifié, hier, l'accord de Paris. Nous allons redoubler d'efforts avec nos partenaires pour faire du sommet de Glasgow un succès. Je me suis à nouveau entretenue mardi matin avec M. John Kerry, l'envoyé spécial des États-Unis pour le climat, et fin septembre avec M. Michael Bloomberg, l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l'action climatique.

La COP26 est la plus importante depuis la COP21 et je me suis résolument investie pour faire porter la voix de la France lors de cette grande échéance. La dynamique de négociation internationale a été enclenchée dès la réunion ministérielle « Environnement » du G7 puis au sommet de Carbis Bay en juin dernier. Au nombre des avancées notoires, je mentionnerai l'engagement de mettre fin à tous les financements export des pays du G7 concernant les centrales à charbon. Nous avons encore progressé à la réunion ministérielle du G20 à Naples, pour que tous s'engagent à faire cesser l'aberration qu'est le financement du charbon. Cela a porté ses fruits : à la dernière assemblée générale des Nations Unies, le Président M. Xi Jinping a annoncé que son pays ne construira plus de centrales à charbon à l'étranger. C'est un tournant majeur, et la France y est nettement pour quelque chose.

Enfin, une grande partie de notre action se joue au niveau européen. La France est bien sûr en première ligne pour accélérer la mise en œuvre du Pacte vert et du paquet « climat » de la Commission européenne, et notre responsabilité sera grande lors de notre présidence de l'Union, qui commence en janvier prochain, pour la négociation des propositions législatives du « Fit for 55 » – « Paré pour 55 » –, qui visent à traduire l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030. Je pense notamment à la réforme ambitieuse du marché carbone, au verdissement de nos transports, à l'instauration tant attendue d'une taxe carbone aux frontières et aussi aux directives sur l'efficacité énergétique et les renouvelables.

Tout l'enjeu est d'assurer une transition juste, en offrant des solutions à nos concitoyens et surtout en ne laissant personne au bord du chemin. Il faudra soit faire aboutir ces textes, soit faire progresser les négociations au maximum car le temps nous est compté. Notre responsabilité est considérable, de devoir ainsi mettre l'Union européenne sur la voie qui nous permettra d'atteindre les objectifs fixés à horizon 2030 et, in fine, la neutralité carbone en 2050. Cette décennie est décisive et, vous le voyez, notre action en Europe et à l'international est à la hauteur des enjeux, comme il le faut puisque tout ce que nous faisons en France est étroitement lié à ce que nous faisons ailleurs.

L'écologie est au cœur de l'action de l'État et au cœur du budget 2022. Le projet de loi de finances pour 2022 finalise un édifice résolument et patiemment construit au cours des cinq dernières années en faveur de la transition écologique. Notre activité diplomatique, particulièrement intense cette année, est orientée dans la même direction. Pour notre Gouvernement, l'action écologique implique d'agir fort, avec passion, en faisant usage de tous les leviers. J'y suis déterminée.

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