Intervention de Barbara Pompili

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 10h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre :

Une question est en train de monter sur le fonds de réparation prévu dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) pour la filière des équipements électriques et électroniques (EEE). Le projet de cahier des charges de la filière des EEE, tel que soumis aux parties prenantes, prévoyant 100 millions d'euros pour le fonds de réparation, ne constitue nullement un recul au regard de l'ambition exprimée lors du vote de la loi. Je rappelle que 100 millions d'euros représentent 20 à 25 % de l'écocontribution de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) d'EEE, soit un montant très supérieur à celui prévu par le législateur pour les fonds de réemploi.

Le premier décret sur les filières REP adopté en fin 2020 prévoyait effectivement un taux de 20 % des coûts de réparation des produits pour le fonds de réparation, car, et Mme Véronique Riotton l'a indiqué dans son intervention, la direction générale de la prévention des risques (DGPR) s'était basée sur une étude de 2014 de l'ADEME, qui estimait que ces 20 % équivalaient à 70 millions d'euros. Or depuis, l'ADEME a publié une étude actualisée montrant que 20 % ne correspondent pas à 70 millions d'euros, comme on l'a dit dans les débats, mais à 220 millions ! L'enveloppe était donc bien supérieure et nous devions corriger le décret pour fixer un taux plancher correspondant au montant envisagé. Nous avons décidé de fixer le taux plancher à 10 % des coûts estimés de la réparation et, en contrepartie, nous avons obtenu d'aller au-delà des 70 millions d'euros prévus. Nous avons donc revalorisé l'enveloppe globale à 102 millions d'euros d'ici à six ans pour la seule filière des EEE. Contrairement à ce que j'entends dire dans des polémiques qui enflent, les moyens consacrés au fonds de réparation seront plus importants que ceux initialement prévus dans la loi AGEC. C'est donc plutôt une avancée. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un taux plancher et que les cahiers des charges des filières REP pourront définir des financements supérieurs.

J'assume le fait que nous sommes dans un moment historique. Nous faisons face à un certain nombre de crises, au premier rang desquelles la crise climatique, qui nous obligent à opérer – je n'ai pas peur des mots – une véritable révolution industrielle. Nous avons besoin de mettre des moyens à la hauteur des enjeux. Ils sont en train de monter. N'oublions pas que le budget du ministère non seulement est en forte hausse mais est accompagné de crédits du plan de relance, à hauteur de 30 milliards d'euros pour la seule transition écologique. C'est du jamais vu, et tant mieux. Contrairement à celui de 2008, c'est la première fois qu'un plan de relance tient compte du fait que la transition écologique va être un moteur de développement économique. Nous pouvons donc trouver un consensus sur le mot « historique ».

Vous dites que les émissions de gaz à effet de serre vont baisser en raison de la crise de la covid. En réalité, la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France avait commencé à s'accélérer en 2019, donc avant l'arrivée de la covid, notamment grâce au dispositif de remplacement des chaudières à fioul.

Mettre des moyens en adéquation avec nos besoins pour faire face à la lutte contre le réchauffement climatique, sujet essentiel, est l'essence même de ma mission. Mon travail de ministre en charge de l'énergie, c'est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de veiller à ce que nous ayons, dans l'avenir, une production d'électricité suffisante pour faire face à la demande.

Pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, il faut s'attaquer à notre consommation de pétrole ou d'énergie fossile en général. Contrairement à une idée répandue et à l'opinion erronée de certains analystes, l'énergie ne se limite pas à l'électricité. Les deux tiers de notre consommation d'énergie proviennent encore du pétrole. Pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, il faut commencer par s'attaquer à cela. Nous disposons de deux grands moyens : d'une part, faire des économies d'énergie, donc agir pour l'efficacité énergétique et la sobriété, comme nous le faisons avec le dispositif MaPrimeRénov' ; d'autre part, faire basculer des utilisations de l'énergie fossile vers l'électricité qui, en France, est très majoritairement bas carbone. C'est pourquoi nous faisons la promotion des véhicules électriques et agissons pour la décarbonation des process industriels et sur le logement. Moyennant quoi, nous aurons mécaniquement besoin de plus d'électricité.

Le rapport de Réseau de transport d'électricité (RTE) qui sera publié le 25 octobre et présentera plusieurs scénarios, prend pour hypothèse, fait nouveau, une augmentation de la demande de l'ordre de 20 % d'ici à 2035, pouvant aller jusqu'à 50 % d'ici à l'horizon 2050. Pour faire face à cette hausse de la demande d'électricité, nous devons mobiliser tous les moyens nécessaires. Il serait absurde de subir des pénuries d'électricité dans les années à venir.

Une hausse de 20 % de la demande d'électricité d'ici à 2035 implique une production plus importante d'électricité. Or les spécialistes s'accordent à dire qu'on ne peut, dans les quinze ans à venir, produire plus d'électricité d'origine nucléaire, puisque nous ne pouvons pas construire une centrale, de quelque type que ce soit, qui soit prête avant 2035. L'idée n'est pas de recourir de nouveau au gaz ou au charbon, ce qui serait un recul et ne permettrait pas d'atteindre nos objectifs. La seule énergie décarbonée utilisable pour faire face à cette demande dans les dix ans à venir, et uniquement pour cette période, ce sont toutes les énergies renouvelables. RTE montre que quels que soient les scénarios retenus pour 2050, même s'il est choisi de faire beaucoup de nucléaire, il nous faudra énormément de renouvelable. Par conséquent, pour faire face à l'urgence, mon travail est de développer massivement toutes les énergies renouvelables techniquement au point. Cela étant, on doit continuer à faire de la recherche, ce qui fera l'objet d'annonces dans le plan d'investissement

Dans ces conditions, je conçois mal qu'au lieu de chercher des solutions pour développer ces énergies renouvelables, certains essaient de repousser l'échéance en disant qu'il faut attendre, attendre que ce soit mieux accepté, attendre je ne sais quoi. Nous ne pouvons plus attendre. Nous devons dès maintenant prévoir plus d'énergie d'origine renouvelable. Massifier les énergies renouvelables doit être notre combat à tous, faute de quoi, nous nous heurterons à de graves difficultés.

Pour développer les énergies renouvelables, les services d'instruction doivent avoir les moyens d'agir vite, c'est pourquoi nous redéployons des effectifs sur les territoires. Il faut associer davantage populations et élus et corriger des erreurs commises par le passé, non seulement dans le domaine de l'éolien, mais aussi, plus récemment, pour d'autres types d'énergie, comme la méthanisation, afin d'avancer plus vite et forts d'une meilleure acceptabilité.

C'est pourquoi j'ai pris un certain nombre de dispositions dans la loi « climat et résilience ». C'est pourquoi nous avons annoncé des mesures visant à renforcer l'acceptabilité et les contrôles pour l'éolien, certaines installations pouvant, comme toute installation, avoir des effets sur la biodiversité. C'est un travail de longue haleine qui nécessite d'en finir avec les bêtises que j'entends dans les débats, qui brouillent le message vis-à-vis de nos concitoyens. À cet égard, j'ai répondu à M. Raphaël Schellenberger qui disait de grosses bêtises sur le sujet.

Face à un enjeu aussi crucial, nous devons être responsables, raisonnables, pragmatiques. Nous devons l'être tous ensemble, parce que si dans dix ans, nos concitoyens n'ont pas suffisamment d'électricité pour faire face à leurs besoins, ils ne le reprocheront pas seulement à la ministre que je suis, mais à toute la classe politique qui n'aurait pas pris ses responsabilités. Je pense à tous ceux qui votent contre ce que nous faisons pour les énergies renouvelables ou qui ont voté contre la loi « climat et résilience », qui prévoit des outils pour mieux les développer.

De même que je réfléchis sur les énergies renouvelables, j'essaie d'être le plus pragmatique possible au sujet du nucléaire. Il s'agit surtout de sortir des polémiques idiotes entre ceux qui ne veulent plus jamais de nucléaire et ceux qui ne veulent plus jamais de renouvelable. C'est absurde. Nous avons besoin de nous fonder sur des faits et sur des projections, d'où l'importance du travail fait par RTE. Tous les scénarios qui seront proposés le 25 octobre respectent l'objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Ils permettront de regarder cartes sur table les choix proposés, entre un mix incluant plus d'énergie renouvelable et un mix incluant plus de nucléaire, et si oui, de quel type. Laissera-t-on vieillir plus longtemps les centrales ? Fera-t-on du nouveau nucléaire ? Quelles énergies renouvelables développer le plus et quelle part de chacune d'entre elles ? De plus, comme RTE va chiffrer ces scénarios, nous connaîtrons le coût, les avantages et les inconvénients de chacun ; nous aurons la vérité des coûts.

Quand ces scénarios seront sur la table, quand nous aurons tous les éléments pour faire des choix, le Gouvernement prendra ses responsabilités et dira vers lequel il lui semble bon d'aller. J'espère que cela permettra un débat de qualité, à la hauteur des attentes de nos concitoyens, c'est-à-dire avec moins de bla-bla et plus d'efficacité.

Je remercie Mme Frédérique Tuffnell pour son engagement de longue date ainsi que pour le très bon travail qu'elle a réalisé avec le groupe de parlementaires engagés pour la nature à l'occasion du congrès mondial de la nature de l'UICN, à Marseille. Je n'ai rien à ajouter à son rappel exhaustif de nos engagements pour la biodiversité. Je confirme que nous allons pousser, dans le cadre de la réunion de la commission pour la conservation de la faune et la flore marine de l'Antarctique (CCAMLR), pour que les partenaires russes et chinois évoluent sur le classement des nouvelles aires marines protégées en Antarctique et en mer de Weddell.

On ne peut parler de manque d'ambition en matière d'aide à l'acquisition de véhicules propres. Le budget est stable mais on ne peut le mesurer sans voir tout ce qui est mis à côté dans le cadre du plan de relance. Quand nos concitoyens perçoivent de l'argent au travers des bonus écologiques ou des primes à la conversion, ils ne regardent pas d'où il vient ; ils voient qu'ils peuvent réduire fortement leur reste à charge pour l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion. On le sait peu, mais même pour les véhicules électriques, celui-ci peut être de 1 000 à 2 000 euros. Je rappelle que l'État peut ajouter des aides quand les collectivités en accordent elles-mêmes, notamment dans les zones à faibles émissions (ZFE). Quand certaines collectivités donnent 1 000 euros, l'État peut ajouter la même somme. Je m'emploie à simplifier la communication, afin que nos concitoyens aient facilement accès à l'information. Je leur dis d'ores et déjà que leurs concessionnaires savent très bien faire ces additions.

La baisse de l'enveloppe consacrée à la qualité de l'air n'est qu'apparente, puisqu'il y avait eu, en 2021, une enveloppe d'urgence qui, par nature, n'avait pas vocation à perdurer. Le niveau d'aide est très supérieur à l'enveloppe pré-crise, puisque le montant passera de 18 millions d'euros en 2019 à 23 millions en 2022.

Vous dites qu'on ne peut parler de hausse historique dans la mesure où le ministère a changé de périmètre. Or, pour le seul périmètre de la transition écologique, hors contribution au service public de l'électricité (CSPE), la hausse est de 3 % pour les transports et de 14 % pour l'écologie : même à périmètre constant, le budget est en hausse.

Ce ministère a contribué très longtemps et à un très haut niveau à l'effort de réduction du nombre de fonctionnaires. Le très net coup de frein à cette baisse d'effectifs est une reconnaissance de son importance, y compris par les services de Bercy, et du fait que l'effort devait cesser. Grâce à la revue des missions, nous procédons avec tous les services à une réorientation en direction des politiques qui nous paraissent prioritaires. Nous opérons notamment un redéploiement vers les territoires afin que le lien avec tous les acteurs soit renforcé et que les politiques soient bien comprises, bien accompagnées, bien acceptées. Des réformes structurelles portent leurs fruits qui permettront, après le coup de frein, d'affecter les personnels aux politiques qui nous paraissent essentielles. Certaines baisses d'effectifs traduisent des économies de constatation. Ainsi, du fait de la crise, il y a moins d'avions et moins d'investissements dans les matériels, donc moins de besoins spécifiques pour la direction générale de l'aviation civile (DGAC), mais cela évoluera dans les années qui viennent.

Concernant le ralentissement de la baisse, la diminution de 2,5 % depuis quinze ans dans les agences de l'eau s'arrête. L'Office français de la biodiversité (OFB), l'ADEME, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), les écoles, l'INERIS, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), tous ces établissements employant des gens sur le terrain voient leurs effectifs stabilisés ou en augmentation, après des années de baisse. Au niveau départemental, les effectifs sont stables. En revanche, aux niveaux régional et central, ils sont divisés par trois.

Nous avons fait de gros efforts pour la rénovation avec le dispositif MaPrimeRénov'. Son succès montre que la dynamique est enclenchée et qu'il répondait à une attente, mais nous ne sommes pas encore au bout de la simplification. C'est pourquoi, dans la loi « climat et résilience », nous avons créé l'accompagnateur Rénov' qui aidera tous nos concitoyens désireux de rénover leur logement à obtenir le plus d'aides possible. MaPrimeRénov', les certificats d'économies d'énergie (CEE) et d'autres aides peuvent être fournis par les collectivités. Cet accompagnateur aura pour rôle de simplifier la vie de nos concitoyens, de les aider à réaliser les meilleurs investissements possible et à trouver les meilleurs financements possible. Je crois beaucoup à cet accompagnateur qui remet de l'humain dans ce domaine.

Pour certains diagnostics de performance énergétique (DPE) concernant des bâtiments construits avant 1975, nous avons constaté que des calculs n'étaient pas convenablement calibrés. Avec le concours des professionnels, nous sommes en train de corriger les erreurs. Le problème devrait être résolu le 1er novembre, soit au plus vite pour ne pas pénaliser la profession et tous ceux qui voudraient faire des transactions.

Les prix de l'énergie sont en hausse, notamment à cause de la hausse du prix du gaz liée à une forte reprise de la demande mondiale. Cela n'a strictement rien à voir avec des situations locales. D'ailleurs ce matin, M. Fatih Birol, le président de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), a mis fin une bonne fois pour toutes aux idées reçues en expliquant que cette hausse n'avait strictement rien à voir avec notre politique. Nous devons toutefois réagir pour protéger nos concitoyens. Nous avons décidé d'octroyer, dans l'urgence – il y a des aides d'urgence et des politiques structurelles de long terme – une aide sociale supplémentaire de 100 euros à presque six millions de foyers sous la forme d'un chèque énergie exceptionnel qui sera dans leur boîte aux lettres avant la fin de l'année, sans qu'ils n'aient aucune démarche à faire. Je rappelle que d'avril 2020 à avril 2021, les bénéficiaires du chèque énergie auront reçu 400 euros pour payer leurs factures. Les 150 euros sont une moyenne, mais les 100 euros sont fixes. Donc, en moyenne, ce sont 150 euros, plus 150, plus 100, soit 400 euros pour soulager nos concitoyens qui en ont bien besoin.

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