Intervention de Sophie Panonacle

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Panonacle, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la protection de l'environnement et la prévention des risques de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

En 2022, les crédits consacrés à la prévention des risques dépasseront pour la première fois le milliard d'euros. Nous pouvons tous en être satisfaits au sein de notre commission. Toutefois, nous sommes aussi inquiets face au dérèglement climatique. Si nous consacrons davantage de moyens à la prévention des risques, cela signifie que nous sommes déjà confrontés à une situation qui se dégrade bien plus rapidement et fortement que nous ne l'avions imaginé.

Le programme 181 « Prévention des risques » est doté de 1,065 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 1,072 milliard en crédits de paiement (CP). Ces derniers augmenteront de 8,5 % par rapport à l'année dernière. Les AE ne doivent pas se lire dans le projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022) comme diminuant par rapport à 2021 : il a été nécessaire, pour cet exercice, d'intégrer et d'ajuster les crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, dans l'action 14 du programme.

Le champ du programme 181 est large, puisqu'il couvre la prévention de nombreux risques, qu'ils soient naturels, technologiques, industriels, nucléaires ou miniers. Tous ces risques sont surveillés et gérés par la direction générale de la prévention des risques (DGPR), dont je tiens à saluer la mobilisation.

La structure du programme est restée inchangée par rapport à l'année dernière. Le programme contient sept actions, dont certaines sont relativement nouvelles, à savoir l'action 12 portant la subvention versée à l'Agence pour la transition écologique (ADEME), l'action 13 portant la subvention versée à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et l'action 14 qui, je l'ai dit, a intégré en 2021 le fonds Barnier au budget de l'État.

Par la diversité des risques qu'il vise à identifier, prévoir et prévenir, ce programme est à la fois ambitieux, cohérent et essentiel.

Cette année, pour la première fois, aucune des actions ne voit ses crédits de paiement diminuer. Cela témoigne de l'effort budgétaire que l'État consent pour préserver les moyens d'action des administrations et opérateurs, afin de mieux protéger la population et les équipements des collectivités locales.

Je souhaite appeler votre attention sur plusieurs éléments.

Des efforts constants sont réalisés pour que les zones où des risques industriels sont identifiés soient couvertes par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Une partie des crédits de l'action 01 est dédiée à l'élaboration de ces PPRT. Si l'on recense heureusement peu d'accidents industriels graves en France, les risques n'en demeurent pas moins présents, comme nous l'a rappelé le grave accident survenu en septembre 2019, à Rouen, au sein de l'entreprise Lubrizol. Cet accident a incité l'État à renforcer les exigences de contrôle pour certaines industries utilisant des substances dangereuses.

L'année 2021 a également été marquée par la création du Bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI), dont le fonctionnement est assuré grâce aux ressources du ministère de la transition écologique.

Travaillant depuis longtemps sur les questions de transport maritime et de développement durable des grands ports maritimes (GPM) français, je souhaite appeler l'attention des services de l'État sur la présence et le stockage de produits dangereux dans le périmètre des GPM.

Le contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) est également un point de vigilance. En 2020, le confinement provoqué par l'épidémie de covid-19 a fortement entravé le fonctionnement courant d'un grand nombre de sites, ce qui n'a pas empêché les contrôles sur place. La DGPR indique qu'il en a été de même en 2021.

Les crédits de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sont également maintenus, le contrôle des installations constituant un impératif de sûreté et de maîtrise du risque. Le budget de l'ASN en CP est en très légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2021. Un montant de 900 000 euros sera consacré au renforcement des moyens informatiques et de télécommunication de l'autorité. Le plafond d'emplois sera porté quant à lui à 445 équivalents temps plein (ETP).

La prévention des risques naturels constitue l'autre pan majeur de la prévention des risques. Parmi ces risques, on compte les inondations, les submersions marines, les incendies, les mouvements de terrains, les risques sismiques et volcaniques ou encore les avalanches. L'occasion m'est encore donnée de rappeler qu'un autre phénomène naturel, qui n'est pas considéré comme un risque naturel majeur, fragilise les côtes littorales et met en danger les biens, les personnes, les infrastructures collectives et les activités économiques et touristiques. Il s'agit de l'érosion côtière, qui est responsable du recul du trait de côte.

Selon les climatologues, la survenance des différents risques sera de plus en plus fréquente et les catastrophes naturelles, de plus en plus sévères, en raison du dérèglement climatique. C'est pourquoi l'effort financier doit être maintenu ou mieux, renforcé. Ce sera le cas en 2022, puisque les crédits de paiement de l'action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » augmenteront de 3,6 % par rapport à l'année précédente.

Le PLF 2022 marque aussi la deuxième année de la budgétisation du fonds Barnier, qui a été géré jusqu'à la fin de l'année 2020 par la Caisse centrale de réassurance. Dans la loi de finances de 2021, le fonds avait été doté de 205 millions d'euros en CP. Dans le PLF 2022, 235 millions sont inscrits en AE et en CP ; 30 millions sont spécifiquement réservés à la prise en charge financière des dégâts provoqués par la tempête Alex.

Cette dotation ne présage pas totalement de l'utilisation du fonds, qui pourrait être davantage sollicité par les collectivités locales. On pourrait s'interroger à terme sur la prise en charge financière des actions de prévention des risques naturels et donc de réduction de la vulnérabilité grâce à une augmentation des recettes, c'est-à-dire des crédits que l'État peut y consacrer. Un relèvement de 12 % à 15 % de la taxe sur les primes des assurances comprenant une protection contre les catastrophes naturelles pourrait être envisagé. On pourrait aussi s'interroger sur une intégration, dans le champ du fonds Barnier, du risque d'érosion côtière associé au risque de submersion marine.

Le programme 181 apporte également, depuis 2018, un soutien à l'économie circulaire et au développement des énergies renouvelables à travers le financement de l'ADEME. La subvention pour charges de service public versée à l'ADEME s'élèvera à 598 millions d'euros en 2022, contre 550 millions en 2021. L'agence disposera donc d'un budget important. Par ailleurs, elle bénéficie de 1,3 milliard d'euros pour la période 2020‑2022 dans le cadre du plan de relance.

Le thème qui a retenu plus particulièrement mon attention cette année est la gestion du risque de submersion marine et, plus généralement, du risque d'inondation. C'est un sujet important : en France, dans l'Hexagone comme dans les outre-mer, le risque d'inondation est le premier risque naturel par l'importance des dommages qu'il provoque et le nombre de communes et d'habitants concernés. Au total, 17,1 millions de personnes vivent dans des zones inondables.

La submersion marine touche bien sûr moins d'habitants que les inondations, quoique la pression démographique soit de plus en plus forte sur les littoraux. Le risque est présent sur toutes les côtes littorales françaises, sableuses et rocheuses. La tempête Xynthia, survenue le 27 février 2010, a frappé violemment la commune de La Faute-sur-Mer, faisant quarante-sept morts. La preuve était naturellement faite que la submersion marine accompagnée de phénomènes météorologiques violents pouvait avoir de graves conséquences sur la vie des populations dans des secteurs de plus en plus urbanisés.

Ce risque est aggravé par le changement climatique et ses conséquences directes, à savoir la montée du niveau de la mer et l'érosion côtière. Pour y faire face, il existe un large éventail de dispositifs de prévision, de prévention et d'alerte, qu'il s'agisse des plans de prévention des risques naturels (PPRN) ou des programmes d'action pour la prévention des inondations (PAPI).

Plusieurs points sont ressortis des auditions que j'ai menées et de l'étude des dispositifs existants.

Un point positif, d'abord : nous disposons de systèmes de qualité pour la détection et la prévision des risques, qu'il s'agisse des outils météorologiques et marégraphiques, des modèles de prévision à court terme ou de la cartographie des risques. Néanmoins, les différents organismes compétents, entre autres Météo-France, le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), cherchent à améliorer leurs outils de calculs et de modélisation, ce qui nécessite évidemment des moyens importants. C'est pourquoi je présenterai tout à l'heure un amendement visant, d'une part, à renforcer les moyens de Météo-France pour financer l'achat prioritaire de trois houlographes – un pour le Pertuis Charentais, deux pour La Réunion –, d'autre part, à prévoir l'entretien des houlographes qui existent outre-mer.

De nombreux dispositifs permettent aux acteurs chargés de la prévention et de la gestion du risque d'inondation ou de submersion – services de l'État, élus locaux, acteurs de terrain – de disposer d'informations sur les risques correspondant à leur territoire. Je tiens à mentionner Vigicrues et Vigicrues Flash.

Si ces informations sont indispensables pour alerter et anticiper, elles doivent impérativement être complétées par une politique de sensibilisation du grand public, en priorité des populations exposées au risque d'inondation ou de submersion. Or, malgré les informations disponibles en mairie ou sur internet, les campagnes de prévention et les exercices grandeur nature, de nombreux acteurs auditionnés déplorent un manque de « culture du risque » en France. Il me semble que la sensibilisation des citoyens dans l'Hexagone et dans les outre-mer passe par l'entretien de la mémoire des événements passés, par des actions en milieu scolaire, par la formation des élus et des agents des collectivités territoriales.

Pour finir, je souhaite insister sur la mobilisation croissante des collectivités territoriales dans la politique de prévention du risque d'inondation. En élaborant des PAPI, outil en plein développement, les collectivités s'engagent dans des démarches de prévention aux côtés des services de l'État. De plus, les intercommunalités ont, depuis 2018, la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), qui comprend aussi la politique de lutte contre la submersion marine. Les intercommunalités chargées de la GEMAPI – il peut s'agir d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), d'établissements publics ou de syndicats mixtes à fiscalité propre – sont conduites à devenir gestionnaires des systèmes d'endiguement et porteurs des PAPI.

Au vu du nombre d'ouvrages de protection, de leur état et des besoins futurs en la matière, cet engagement des collectivités territoriales devra s'accompagner d'un effort financier important. On peut s'interroger sur le caractère adapté de la taxe GEMAPI par rapport aux besoins. Il importe donc qu'à travers le fonds Barnier et l'action des administrations de l'État, les collectivités soient soutenues pour l'expertise et la formation et qu'elles aient accès à des moyens financiers qui complètent leurs ressources propres.

Restons vigilants, mobilisés et actifs pour financer la prévention des risques. Cela relève de notre responsabilité.

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