Intervention de Maina Sage

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs aux affaires maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

Nous sommes réunis pour examiner les crédits consacrés aux affaires maritimes, comprenant l'action 43 « Ports » du programme 203, relative notamment au dragage des ports, et le programme 205 qui traite en particulier de la sécurité maritime, des normes sociales applicables aux gens de mer, du financement de l'enseignement maritime et des exonérations de cotisations sociales et patronales. Les crédits relatifs aux ports du programme 203 sont stables par rapport à 2021, d'environ 100 millions d'euros. Le programme 205 connaît une forte augmentation, de + 24 % en autorisations d'engagement (AE) et + 21 % en crédits de paiement (CP). Au total, les autorisations d'engagement comme les crédits de paiement représentent 192 millions d'euros pour 2022. La hausse est liée notamment à la création très attendue d'un nouveau fonds d'intervention maritime.

Il faut aussi souligner la création du ministère de la mer en faveur d'un meilleur accompagnement du monde maritime. Je salue le travail de mes prédécesseurs, M. Jimmy Pahun et Mme Sophie Panonacle, qui ont œuvré à l'augmentation de ces budgets et à la consolidation des politiques maritimes.

Dans cette dernière année de la législature, je souhaiterais mettre l'accent sur deux sujets liés d'une part au traitement, au contrôle et à la gestion des pollutions et d'autre part, à la décarbonation de la filière du transport maritime. Le programme 205 ne reflète qu'une partie d'un ensemble de moyens en faveur d'une politique de soutien et de développement à l'un des moteurs de l'économie française. La filière maritime représente 97 milliards d'euros en valeur de production, 360 000 emplois et un moteur d'activité mondiale car 90 % des échanges sont réalisés par voie maritime.

Près de la moitié des crédits du programme 205 sont consacrés à la compensation d'exonérations de cotisations sociales patronales à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et à Pôle emploi. Ces mesures peuvent s'apparenter à un dispositif de salaire net (netwage). Elles servent à financer une aide exceptionnelle aux ferrys. Si certains segments de la flotte comme les porte-conteneurs se portent bien, le secteur des ferrys a été durement affecté par la crise sanitaire qui a provoqué des tensions sur le marché, une très forte chute du transport de passagers et la déstabilisation de ses activités.

Le secteur de la croisière, très touché par la baisse du tourisme mondial, reste perturbé. Aux Antilles, les acteurs attendent des réponses sur les perspectives de réouverture et la reprise du trafic et des escales. Le programme 205 finance aussi la gestion des registres du pavillon français, notamment celui de Wallis-et-Futuna auquel les navires de croisière sont immatriculés. S'ils sont soumis aux mêmes règles de sécurité, de sûreté et de prévention de la pollution que les navires immatriculés au premier registre ou au registre international français (RIF), il faut toutefois sécuriser la situation sociale des personnels, notamment hôteliers, qui souhaitent intégrer l'ENIM. Quoique l'établissement soit en difficulté, il est urgent d'apporter une solution viable et pérenne à ces employés, de manière à stabiliser le personnel recruté. De la même façon, il faut harmoniser leur situation fiscale avec celle des marins du RIF.

Par ailleurs, 18 % des crédits du programme 205 contribuent au financement de la formation, notamment par les lycées professionnels maritimes et l'École nationale supérieure maritime (ENSM). Lors du « Fontenoy du maritime », le Gouvernement s'est engagé à doubler le nombre d'officiers formés à l'ENSM. L'augmentation des crédits est notable, mais il faudra veiller à pérenniser ces moyens, en adéquation avec cette ambition.

Les formations dispensées montrent la nécessité de renforcer le volet environnemental, très lié aux enjeux du littoral. En ce sens, je propose un projet pilote d'un lycée littoral qui puisse aborder les questions maritimes, comme les activités terrestres, dans le cadre d'un partenariat entre le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère de la mer.

Dix-sept pour cent des crédits du programme 205 servent à financer l'action de l'État dans les domaines de la sécurité et de la sûreté maritimes. Ils servent notamment à financer les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) et les centres de sécurité des navires ainsi qu'à apporter un soutien à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Il est à noter que la SNSM est présente dans l'ensemble de la France, sauf en Polynésie française. J'ai donc demandé que l'État, compétent en la matière, soutienne le plan de formation des sauveteurs bénévoles de la Polynésie française, qui œuvrent sur une superficie maritime équivalente aux deux tiers de l'Europe.

Les crédits de l'action 04 « Action interministérielle de la mer » représentent 14 % du programme 205. De 13 millions d'euros dans la loi de finances de 2021, ils passeront à 28,77 millions d'euros en 2022, avec la création du fonds d'intervention maritime, auquel près de 18 millions d'euros sont alloués. Sa création facilitera la réalisation d'actions concrètes pour mettre en œuvre la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Néanmoins, cette dotation de quelque 18 millions d'euros reste faible : devant l'immense chantier des problèmes qui affectent nos littoraux, le renforcement de cette structure paraît inévitable. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement au programme 205 et à la mission « Cohésion des territoires » pour bâtir un véritable plan « Avenir littoral ». Il est nécessaire d'avoir une vision nationale des moyens, coordonnés à l'échelon des collectivités territoriales, pour soutenir des mesures d'urgence, comme de prévention – protection des littoraux, formation des élus, information du public –, ainsi que d'amélioration de la gestion de la crise et de la culture du risque et, avec le vote des plans littoraux, de les aider à redessiner leur avenir. Tout cela demande un accompagnement et une volonté marquée au niveau national. Or, au-delà de la stratégie, on manque encore beaucoup de moyens.

Enfin, les crédits de l'action 04 servent également à financer, d'une part, le dispositif de contrôle et de surveillance et, d'autre part, le dispositif POLMAR/Terre. Les crédits de paiement attribués s'élèvent respectivement à 7,8 millions d'euros et à 2,62 millions d'euros. D'après les personnes que nous avons auditionnées, cela reste insuffisant en matière de contrôle. Nous proposons que le dispositif POLMAR soit étendu à tout type de pollutions. La filière est à la croisée des chemins, avec un développement croissant des échanges et la nécessité de relever les défis climatiques de protection de nos océans.

S'agissant du traitement des pollutions, il manque dans notre droit des obligations plus fermes sur le traitement des eaux de ballast et le nettoyage des coques ainsi que sur les pertes de conteneurs en mer, estimées à 1 500 par an, voire le double, selon un récent rapport. C'est une bombe à retardement.

Pour ce qui relève des pollutions du passé, nous avons besoin de déclassifier des zones d'immersion et de traiter les munitions, conventionnelles et chimiques, des deux dernières guerres, qui ont été déposées tout au long des côtes françaises. J'ai donc déposé un amendement en ce sens.

Enfin, comme le disait maître Christian Huglo, spécialiste de ces sujets, gérer les pollutions, c'est bien, mais les prévenir, c'est encore mieux. Sur le plan de la décarbonation, nous avons fait voter lors des débats sur la loi de finances pour 2019.un dispositif de suramortissement, désormais défini à l'article 39 decies C du code général des impôts. Nous défendrons des amendements pour bonifier le taux de la propulsion vélique auxiliaire à au moins 85 %. Nous demandons aussi à pérenniser le dispositif au-delà de 2024 et à réduire les durées d'amortissement, pour donner de la visibilité aux acteurs. Le gaz naturel liquéfié (GNL) doit bénéficier d'un mécanisme de garantie d'origine dans les ports français, pour renforcer la compétitivité de ces derniers. Enfin, il nous faut poursuivre nos efforts sur la réduction des pollutions à quai, avec le déploiement des zones de contrôle des émissions atmosphériques (ECA) de soufre et d'azote.

Eu égard aux augmentations des crédits consacrés aux affaires maritimes, j'émets un avis favorable à leur adoption.

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