Il me revient de vous présenter les crédits du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA).
La situation financière du transport aérien est particulièrement grave car ce secteur a été le premier touché par la crise sanitaire du fait de la fermeture des frontières et sera certainement l'un des derniers à en sortir puisque toutes les restrictions n'ont pas été levées. Le trafic aérien a connu une chute stratosphérique – 69 % de baisse entre 2019 et 2020. Malgré une légère amélioration en 2021, les répercussions de la crise devraient se faire sentir jusqu'en 2027.
Le budget annexe retrace principalement les activités et prestations de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Il est alimenté par des redevances – les redevances de navigation aérienne à hauteur de 1,3 milliard d'euros qui ont, elles aussi, subi une chute vertigineuse faute d'avions dans le ciel ; les redevances de surveillance et de certification, qui correspondent aux agréments attribués aux compagnies aériennes ; les taxes d'aviation civile, qui sont assises sur le nombre de passagers, ainsi que le nombre d'avions et de marchandises qui circulent.
Les dépenses du BACEA sont estimées à 2,3 milliards d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2022 contre 2,2 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2021, la différence s'expliquant par la hausse du remboursement des emprunts pour résorber les déficits accumulés d'une année sur l'autre. Alors que la DGAC était parvenue à purger une grande partie de sa dette début 2020, celle-ci devrait atteindre à la fin de l'année 2022 le montant record de 3,3 milliards d'euros.
On aurait tort de penser que ces chiffres pénalisent uniquement le transport aérien ; toutes les compagnies, mais aussi toute la filière – les aéroports, les services qui s'y logent ainsi que les constructeurs d'avions – souffrent. Or, la France est non seulement le premier constructeur d'avions au monde mais elle compte aussi la première entreprise de gestion de plateformes aéroportuaires avec Aéroports de Paris (ADP) ainsi que la troisième compagnie aérienne mondiale avec Air France-KLM. Le secteur contribue à 4,3 % au produit intérieur brut et génère 1,16 million d'emplois directs ou indirects. Dans le monde entier, la France est scrutée pour savoir si le secteur aérien parviendra à se remettre ou pas de la crise économique et sanitaire.
Le premier défi que nous avons su relever et qui était le plus immédiat était celui de la survie du secteur de l'aviation civile. Les pouvoirs publics sont intervenus massivement, par le biais du dispositif d'activité partielle, des prêts garantis par l'État ou encore de moratoires sur le paiement des taxes et des redevances, sans parler du soutien financier à Air France mais aussi à des compagnies régionales qui assurent une mission de service public en desservant l'outre-mer. N'oublions pas que ces aides ont été complétées par des mesures de licenciement et parfois par des départs négociés.
Si nous avons sauvé l'aviation civile d'un grand naufrage, le secteur restera en convalescence pour longtemps. Il ne sera pas possible de « débrancher » brutalement le malade de toutes les aides sans le tuer. Il est donc indispensable de prolonger les nombreux dispositifs de soutien et de les adapter intelligemment en fonction des compagnies, de leurs sous-traitants ou des aéroports.
Une récrimination fait l'unanimité : le niveau des taxes d'aéroport, qui sont les plus élevées d'Europe. Celui-ci est un paramètre déterminant dans le choix des compagnies aériennes d'ouvrir ou non une ligne aérienne. La chute du trafic contraint les aéroports à augmenter ces taxes, ce qui affectera la compétitivité et donc l'attractivité de notre territoire. De manière plus générale, on peut s'interroger sur la pertinence du modèle français en vertu duquel le financement des dépenses régaliennes de sûreté et de sécurité repose entièrement sur les taxes d'aéroport.
Le second défi, le plus important mais qui ne peut être relevé sans avoir franchi le premier avec succès, est celui de la révolution des esprits et de la révolution technologique.
S'agissant de la première, il faut cesser de croire que l'avion est le plus polluant et le plus élitiste des transports en commun – je prends l'avion une fois par semaine, non par plaisir, mais simplement pour venir vous présenter ce rapport par exemple.
Le secteur aérien ne représente en 2020 que 2,8 % des émissions de CO2 du secteur des transports et 0,8 % des émissions de la France. Pourtant, il fait l'objet de ce que l'on appelle le « plane bashing » ou l'avion bouc émissaire, souvent injustifié.
La révolution technologique concerne d'abord le renouvellement de la flotte, qui est le premier instrument pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Les avions neufs consomment en moyenne 20 à 30 % de moins que les modèles qu'ils remplacent. Il est donc nécessaire d'accompagner le mouvement de renouvellement des avions, à l'instar du dispositif prévu par le projet de loi de finances pour les navires utilisant des modes de propulsion propres, que nous avons évoqué ce matin.
Il faut également amplifier le mouvement de remplacement des carburants en utilisant des SAF – « sustainable aviation fuel » ou carburants durables d'aviation –, des carburants qui ne produisent pas de dioxyde de carbone.
Enfin, des avions seront propulsés à l'hydrogène, mais pas avant 2035.
Face à de tels défis, ne serait-il pas plus simple d'interdire les avions ou de limiter leur usage au strict nécessaire ? Cela aurait pour effet d'abaisser instantanément les émissions de gaz à effet de serre. Cette idée est présente dans de nombreux écrits et discours, mais elle reste très européocentrée. Si sur le continent européen, la continuité territoriale est largement assurée par le transport ferroviaire depuis un siècle, ce n'est pas le cas dans le reste du monde où il faut traverser les océans, se déplacer d'un continent à l'autre. Les liens et le travail en commun, grâce aux déplacements, constituent une richesse. Si vous interdisez l'avion ou si vous renchérissez son coût, vous limitez les déplacements dans tous les pays du monde, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud.
Avec près de 90 aérodromes en métropole et dans les collectivités d'outre-mer, la France dispose d'un maillage aéroportuaire important et diversifié. Elle doit jouer un rôle dans la transition vers de nouveaux avions et de nouveaux carburants.
Certaines liaisons avec des territoires français dans le monde entier sont essentielles. À La Réunion par exemple, quatre compagnies se partagent un marché très concurrentiel. La crise a exacerbé la concurrence entre les compagnies qui viennent compléter l'offre d'Air France. Un équilibre précaire s'est installé. Je souhaite rappeler mon attachement à une concurrence saine et non faussée. Il faut éviter que les compagnies supportent des hausses de taxes qui entraîneraient la disparition de certaines d'entre elles et par conséquent une hausse du coût du transport aérien par rapport au reste du monde, ce qui pénaliserait de très nombreux territoires en France.