Intervention de David Lorion

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Lorion, rapporteur pour avis :

Si la DGAC enregistre un tel niveau d'endettement, c'est parce que ses recettes sont liées à des taxes dont le niveau dépend du trafic aérien. Celles-ci sont de trois types : les redevances de navigation aérienne, les redevances de surveillance et de certification et la taxe de l'aviation civile. Évidemment, quand il n'y a pas d'avion qui circule, ces taxes ne sont pas perçues et la DGAC est contrainte de recourir à l'emprunt pour équilibrer son budget. Le problème, c'est que la dette va s'accumuler d'année en année, puisqu'on ne retrouvera probablement pas le niveau de trafic de 2019 avant 2027, et qu'elle finira par prendre des proportions gigantesques – et la charge de la dette aussi. Vous avez donc raison de vous inquiéter, monsieur Zulesi.

Comme on ne retrouvera pas, ou seulement très tardivement, le niveau de trafic aérien antérieur à la crise, notamment pour l'aviation d'affaires, et cela entre autres parce que les habitudes de travail ont changé – on privilégie désormais les visioconférences –, l'État n'a pas fini de financer le transport aérien ! Mais ce n'est pas seulement une dette d'État : elle reposera aussi sur l'ensemble des sous-traitants de l'écosystème aérien.

L'École nationale de l'aviation civile (ENAC), qui a toujours été un point de fragilité budgétaire, bénéficiera cette année d'une enveloppe à peu près stable. La situation est relativement satisfaisante, grâce à un bon niveau de trésorerie.

La réduction des effectifs de la DGAC est la conséquence, non pas de la crise, mais d'un rapport de la Cour des comptes qui avait émis une dizaine de recommandations, parmi lesquelles la suppression des subventions aux syndicats – ce que je trouve assez cocasse. Aurait-on besoin de dispositifs complémentaires pour les compagnies aériennes et les différents prestataires ? Oui, je le crois : tous, à commencer par les aéroports, s'inquiètent de la fin prochaine du dispositif actuel d'activité partielle. En 2022, le niveau de trafic sera inférieur d'un tiers à celui de 2019, et cela en dépit d'un léger rebond. Si l'on coupe les aides à l'écosystème aéronautique, on risque de le plonger dans une cruelle désillusion quant à la possibilité d'une reprise. De surcroît, il lui faut aussi rembourser les reports de paiement des taxes et les prêts garantis par l'État (PGE), et si les recettes ne sont pas à la hauteur des attentes, il ne pourra évidemment pas honorer les échéances.

À cet égard, je veux appeler votre attention sur la taxe d'aéroport, prélevée sur les billets d'avion et qui sert à financer le contrôle et la sécurité dans les aéroports. Il est bien évident que même si l'on vend moins de billets d'avion, on doit continuer à assurer la sécurité. Il faut donc augmenter la taxe pour compenser la diminution du trafic, et cette augmentation est répercutée sur le coût des billets : on entre dans un cercle vicieux. Qui plus est, les aéroports se livrent une concurrence féroce et la taxe française est déjà l'une des plus élevées d'Europe. Dans ces conditions, il est évident qu'une compagnie assurant une liaison entre les États-Unis et l'Europe préférera atterrir à Francfort ou à Milan plutôt qu'à Roissy. Attention donc à cette taxe, qui est un frein important au développement des compagnies et des aéroports.

La suppression des liaisons aériennes sur de courtes distances – par exemple pour rallier Bordeaux, Lyon ou Nantes –, prévue par l'article 145 de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », aura-t-elle réellement un effet bénéfique sur l'environnement ? Dans un monde idéal, dans lequel les villes seraient toutes reliées entre elles par le train, avec une interconnexion assurée à la gare, ce serait assurément le cas, madame Beauvais. Hélas, on sait qu'en l'état des choses, on va émettre davantage de gaz carbonique en empruntant la voie ferroviaire parce qu'il faudra utiliser la voiture pour les trajets non interconnectés, en particulier pour rejoindre et quitter la gare. Autre difficulté, une grande partie des compagnies aériennes, notamment celles qui assurent la liaison avec les outre-mer, continuent à atterrir à Orly ; la desserte de ces villes depuis Orly étant supprimée, cela contraint les voyageurs en transit à prendre la navette pour changer d'aéroport ou le bus pour rejoindre la gare. Bref, cette mesure va provoquer une rupture de la continuité territoriale car il faudra désormais, pour effectuer de tels déplacements, utiliser plusieurs moyens de transport au lieu d'un seul.

Cela étant dit, la décision a été prise et l'alternative ferroviaire pour les trajets d'une durée inférieure à deux heures trente, lorsqu'elle existe, peut avoir un intérêt, à condition d'organiser la continuité territoriale et d'assurer l'interconnexion des différents moyens de transport.

Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES), le renouvellement des flottes est le choix le plus payant. Changer les moteurs permet de réduire instantanément leur consommation de 20 à 30 %. L'idée est d'aider les compagnies aériennes à les acheter, sur le modèle des dispositions adoptées par notre commission pour le transport maritime : je défendrai un amendement visant à créer un mécanisme de suramortissement pour le transport aérien. Une période de transition d'au moins cinq ans est nécessaire.

Le Président de la République a décidé que les recherches sur l'avion à hydrogène seraient financées dans le cadre du plan « France 2030 » ; je me réjouis de ce choix. Les premiers avions entreront en service dans les années 2030 sur de petites distances, pas avant les années 2050 pour les longues distances.

Il est déjà possible de recourir aux carburants durables d'aviation, les SAF, qui ne sont pas issus de produits alimentaires, mais de déchets, notamment agricoles. Techniquement, nous savons les produire, mais pas en quantité suffisante. Leur coût est donc quatre à six fois celui du kérosène classique. Il s'agit de l'une des solutions les plus sûres pour diminuer les émissions de GES.

En septembre, l'administration Biden a dévoilé un plan d'aide massive à la production des SAF, qui portera la production annuelle à 11,4 milliards de litres d'ici 2030, et qui alloue une enveloppe 4,3 milliards d'euros à la recherche. La France, pays pionnier de l'aviation, ne s'est pas engagée avec autant de force dans ce secteur et risque d'être nettement dépassée par les États-Unis. Nous pourrions développer l'usage de ces carburants, compatibles avec tous les moteurs d'avion, bien plus rapidement que la loi ne le prévoit, et atteindre un taux de 50 % en quelques années. Il est regrettable que nous ne parvenions pas à les produire en quantité suffisante et à un coût acceptable.

Les aéroports et les compagnies investissent massivement et font un travail remarquable pour se conformer aux normes en matière de diminution des émissions de GES. Faire de l'avion un bouc émissaire est une erreur, induite par une vision du monde limitée à l'Europe, voire à l'Hexagone. Pourtant, il ne faut pas être grand géographe pour comprendre que la France est d'abord une France-monde, dont les territoires lointains doivent être desservis.

Nous avons tort de considérer que le train est le seul transport collectif de demain. Dans de nombreux pays, qui ne sont pas toujours des pays riches, et même dans ceux qui se préoccupent du respect de l'environnement, les gens doivent utiliser l'avion pour se déplacer.

Madame Panot, votre intervention portait sur le transport ferroviaire, qui n'entre pas dans le champ de mon rapport.

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