Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 18h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Je suis heureuse de vous présenter ce projet de loi, concrétisation d'un travail de plus de deux ans. J'ai effectué un tour de France à la rencontre de celles et ceux qui, au quotidien, agissent au service de nos concitoyens et les représentent : maires, présidents d'intercommunalités, de départements et de régions, membres des assemblées concernées ; j'ai aussi discuté avec des représentants de la société civile, notamment des membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux. Tous m'ont fait part de leurs besoins concrets. Plus de vingt membres du Gouvernement ont été mobilisés pour y répondre – pour les sujets qui nous occupent, la ministre de la transition écologique, le ministre délégué chargé des transports et la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.

La vision que je défends est celle d'une loi utile, concrète, de terrain : simplifier, partout où c'est possible, l'exercice des pouvoirs locaux, lever les normes trop contraignantes ou trop aveugles aux réalités des territoires. C'est une vision assez éloignée de celles et ceux qui, adeptes du big bang, du retour en arrière ou de la fuite en avant, veulent remettre sur le métier le grand Meccano institutionnel, mais je l'assume.

Le présent projet de loi s'articule autour de quatre axes : la différenciation, qui doit permettre aux élus d'adapter au mieux la règle aux réalités locales, dans le respect du principe constitutionnel d'égalité ; la décentralisation, que nous poursuivons par des mesures concrètes et que, dans certains domaines, comme les routes, nous parachevons ; la déconcentration, qui est depuis quarante ans le corollaire de la décentralisation et doit aboutir au renforcement de l'État local à travers la figure du préfet ; la simplification, afin d'alléger les procédures et les normes qui entravent encore trop souvent l'action publique locale.

J'ai présenté en juillet le projet de loi aux sénateurs, lesquels, à l'issue d'un examen exigeant mais constructif, ont fait passer le texte de 84 à 217 articles, sans supprimer aucune de ses mesures phares. Il y a néanmoins des points de divergence – je pense en particulier au rôle des intercommunalités. La discussion a aussi ravivé le sempiternel débat sur l'eau et l'assainissement. Ma conviction est qu'en la matière, nous ne pouvons pas tergiverser : un cinquième de l'eau est aujourd'hui perdu du fait d'infrastructures vétustes – la proportion grimpant jusqu'à 60 % dans certains territoires. Un cinquième, c'est aussi la quantité d'eau qui pourrait manquer d'ici à trente ans à cause du changement climatique. Il y a urgence, et je suis convaincue que l'échelle intercommunale – et j'inclus dedans les syndicats dont le périmètre dépasse celui des intercommunalités – est la seule à même de préserver la ressource et la qualité des services publics dans l'ensemble du territoire national. Nous avons apporté des assouplissements et de nouvelles possibilités dans la loi de 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique – dite « engagement et proximité » –, et je crois que le moment de la stabilité est venu.

Votre commission doit discuter au fond de plusieurs articles.

En matière de mobilité, le projet de loi entend renforcer la capacité des collectivités à piloter le réseau de petites lignes ferroviaires ; il s'agit d'une attente forte de la part des élus et de nos concitoyens, pour qui ces lignes du quotidien sont parfois aussi des lignes de vie. Le texte permet en outre le cofinancement public de l'aménagement des accès autoroutiers afin d'améliorer la connexion des autoroutes avec les territoires qu'elles traversent. Il clarifie le dispositif de protection des alignements d'arbres qui bordent les voies et la procédure d'autorisation d'abattage en cas de nécessité.

En matière de biodiversité, les régions se verront confier la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres. Le texte atteint, je crois, une forme d'équilibre, grâce à une clarification des compétences, nombre de sites étant déjà, dans les faits, pilotés par ces collectivités.

Sur d'autres articles, votre commission est saisie pour avis.

Nous proposons d'aller jusqu'au bout du processus de décentralisation du réseau routier engagé il y a plusieurs décennies. Plus de 10 000 kilomètres de routes, soit la moitié du réseau national actuel, pourront être transférés aux métropoles, aux départements et, pour la première fois, dans le cadre d'une expérimentation, aux régions. Notre boussole est d'assurer un meilleur pilotage local du réseau, de faciliter les continuités et de mettre fin aux incohérences d'itinéraire. La décentralisation se fera sur la base du volontariat – uniquement si les collectivités en font la demande. L'expérimentation de la gestion des routes par les régions soulève des interrogations, mais leur intervention dans le champ des mobilités justifie que l'on réfléchisse à leur compétence en matière de grands axes routiers ; c'est pourquoi le Gouvernement propose cette expérimentation, en vue d'une éventuelle évolution progressive. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet et le Premier ministre a pris soin d'engager une concertation avec les présidents de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de Régions de France afin que cela se fasse de façon harmonieuse, à l'issue d'une décision collégiale. Nous avons abouti à une conclusion positive.

L'unité d'action de l'État et de ses opérateurs fait l'objet d'une forte demande de la part des élus locaux. J'ai assisté la semaine dernière à l'assemblée générale de l'association des maires de l'Aude, et la question était au centre des discussions. Nous présentons une réforme de la gouvernance de l'ADEME – l'Agence de la transition écologique –, très attendue par les élus locaux. Le préfet de région en deviendra le délégué territorial, ce qui lui permettra de donner des instructions générales à la direction régionale de l'ADEME et de participer à l'évaluation de son directeur. S'il s'agit du préfet de région, c'est parce que l'ADEME est organisée selon une structure régionale. Pour d'autres établissements publics – l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) –, c'est le préfet du département qui tient ce rôle. Le préfet de région est responsable devant le Gouvernement de la cohérence de l'action de l'État, mais il n'a pas les moyens d'exercer effectivement cette responsabilité s'agissant des activités de l'ADEME. Il avait été prévu que cette décision soit prise dès 2012, mais, pour une question de niveau des normes, la réforme n'était pas allée à son terme. Il faut aujourd'hui renforcer l'unité de la parole de l'État dans les territoires.

En amont de l'assemblée générale de l'association des maires, le préfet de l'Aude a organisé, en accord avec le président de l'association, une réunion sur l'ingénierie départementale. L'ingénierie est en effet un sujet très important : en complément de l'action de l'ANCT, le projet de loi fait du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) un outil partagé entre l'État et les collectivités.

En matière d'urbanisme, le texte comporte des mesures concrètes au bénéfice des élus en vue de faciliter le renouvellement des petites centralités, qui est une priorité de mon ministère et de l'action de l'ANCT. Je pense à la généralisation des opérations de revitalisation de territoire (ORT) ou à la réduction du délai de récupération des biens sans maître, autre mesure très attendue qui permettra de recycler les friches, donc de promouvoir un développement urbain sans artificialisation excessive des sols, dans le prolongement de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – dite « climat et résilience » –, pour laquelle votre commission a beaucoup œuvré.

Quarante ans après les premières lois de décentralisation, nous entrons dans l'âge de la maturité. Plutôt qu'un énième bouleversement des compétences, les élus locaux nous demandent de la stabilité, des moyens, de leur faciliter le travail et de les accompagner en ingénierie. C'est ce que nous essayons de faire. C'est aussi ce que je défends au quotidien, à travers les programmes de l'ANCT, pour lesquels l'État se fait accompagnateur – Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services ou encore France très haut débit. Avec le projet de loi « 3DS », je vous propose de prolonger cette nouvelle donne territoriale par une action législative concrète, pragmatique et ambitieuse. Je ne doute pas que nos échanges seront très riches – vos amendements illustrent votre engagement, que je partage, pour faciliter l'exercice des pouvoirs locaux.

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