Intervention de Vincent Thiébaut

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Thiébaut, rapporteur :

Mes chers collègues, je suis ravi de vous retrouver pour conclure nos travaux sur la régulation de l'impact environnemental du numérique. Le numérique, désormais omniprésent dans notre quotidien, permet certes des gains environnementaux – les visioconférences, par exemple, contribuent à limiter les mobilités – mais il représente près de 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde et 2 % des émissions de CO2 en France. À politiques constantes, la croissance des émissions de GES dues au numérique devrait être de 60 % d'ici 2040. Il faut aussi prendre en compte l'impact du numérique sur les ressources nécessaires à la fabrication des smartphones, des tablettes ou des ordinateurs.

Le législateur s'est emparé du sujet. Après la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi « AGEC »), qui a introduit la notion de réemployabilité et l'affichage des indices de réparabilité, la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (dite loi « REEN ») a été promulguée le 15 novembre dernier. Je salue le travail qu'ont effectué les sénateurs : les avancées inédites de cette loi, qui comporte trente-six articles, permettent de concilier le développement du secteur numérique et la préservation de l'environnement. Une formation à la sobriété numérique, dès le plus jeune âge et lors des études supérieures, permettra de sensibiliser les utilisateurs à l'impact environnemental du numérique. L'observatoire des impacts environnementaux du numérique, qui sera placé auprès de l'ARCEP et de l'Agence de la transition écologique (ADEME), permettra de disposer d'une information fiable et accessible. Plusieurs dispositions visent à limiter le renouvellement des appareils numériques en rendant plus opérationnel le délit d'obsolescence programmée ou en renforçant la lutte contre l'obsolescence logicielle. Afin de limiter le gaspillage, l'obligation de fournir des écouteurs avec les téléphones portables neufs a été supprimée. Cette loi prévoit également la mise en place d'un référentiel d'écoconception des services numériques avec des critères de conception durable des sites internet. Première loi du genre en Europe, elle traduit une ambition forte et sans précédent en matière de réduction de l'empreinte environnementale du numérique.

La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui vient parfaire cet arsenal législatif. Adoptée en première lecture au Sénat le 2 novembre dernier, elle a deux objets principaux.

L'article 1er vise à rétablir les dispositions de l'article 16 de la loi dite « climat et résilience » du 22 août 2021, censuré par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 45 de la Constitution. Il renforce le pouvoir de régulation de l'ARCEP en matière environnementale en donnant à l'Autorité la faculté de recueillir les informations relatives à l'empreinte environnementale du numérique auprès des acteurs du secteur : fournisseurs de services de communication au public en ligne, opérateurs de centres de données, fabricants d'équipements de terminaux, équipementiers de réseaux et fournisseurs de systèmes d'exploitation. L'article 1er confère aussi à l'ARCEP le pouvoir de préciser les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition d'informations relatives à l'empreinte environnementale du numérique. Ce pouvoir de recueil des données devrait servir de support à l'application de la loi REEN : l'observatoire des impacts environnementaux du numérique sera notamment chargé de définir des référentiels.

L'article 2 vise à corriger des incohérences légistiques liées à l'absence de coordination entre la loi REEN du 15 novembre 2021 et l'ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques. Face aux conséquences environnementales indéniables de l'expansion du secteur numérique en l'absence de législation, les sénateurs ont souhaité adopter le 2 novembre la proposition de loi REEN dans des termes conformes à la version adoptée par l'Assemblée nationale, le 10 juin. Cette version ne tient donc pas compte de l'ordonnance, publiée dans l'intervalle, qui réécrit intégralement les dispositions relatives aux mises à jour de logiciels, lesquelles sont aussi modifiées par les articles 9, 10 et 11 de la loi REEN. L'article 2 rétablit donc les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction issue de l'ordonnance, tout en intégrant les apports de la loi REEN.

Notre volonté de mettre en place dans les meilleurs délais une régulation environnementale du numérique efficace et inédite a conduit à inscrire ce texte à l'ordre du jour de notre commission.

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