Cette audition me donne l'occasion d'expliquer le travail accompli par la Commission européenne au seuil de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, laquelle revêt à nos yeux une importance majeure. Nous n'avons pas de temps à perdre. Votre pays est convaincu de la nécessité de cibler tant la crise climatique que l'écocide qui nous menace.
Le plan que nous avons mis au point est issu d'une évaluation économique détaillée. Il est notamment fondé sur plusieurs outils de modélisation qui nous fournissent des informations précises sur les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre produits par l'ensemble des secteurs de l'économie. Ainsi, nous avons pu déterminer le potentiel d'atténuation de chaque secteur, en tenant compte du fait que certains d'entre eux peuvent, plus rapidement que d'autres, réduire leurs émissions. Il apparaît dès lors que les secteurs couverts par le système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SCEQE-UE), tels que le secteur de l'électricité, seront capables de réduire leurs émissions de 61 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. En revanche, les secteurs soumis au règlement sur la répartition de l'effort (RRE) – transport routier, construction, agriculture – ne seront en mesure de réduire leurs émissions que de 40 % au même horizon.
Au sein du Conseil, les discussions les plus avancées portent sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et sur l'initiative ReFuelEU Aviation. Il y a eu également de bonnes avancées en matière d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique. Du côté du Parlement européen, les progrès ont été plus lents ; la répartition des travaux entre les commissions n'a été finalisée que le 20 octobre dernier. Gardez à l'esprit que des liens étroits existent entre les différents éléments du paquet « Fit for 55 », qu'il conviendra de faire évoluer parallèlement.
La présidence slovène a fait du bon travail pour lancer les discussions. Toutefois, la majorité des efforts pour parvenir à une approche généralisée de l'ensemble du paquet devra être accomplie durant la présidence française. Avant que celle-ci n'arrive à son terme, nous espérons que le Conseil et le Parlement pourront finaliser leur position.
J'en viens au nucléaire. En tant que source d'énergie bas-carbone, il aura son rôle à jouer dans la transition et continuera de faire partie du mix énergétique européen. Cela ne fait que refléter les choix des États membres : certains d'entre eux sont particulièrement favorables au nucléaire, d'autres ne veulent pas y recourir. Quoi qu'il en soit, l'exploitation de cette énergie relève d'un choix souverain. La question qui m'a été posée sur la taxonomie verte est plus spécifique. Comment classer les investissements ? La taxonomie est un outil de transparence pour le marché de la finance durable. Elle servira de référence, notamment pour l'application du standard européen pour les obligations vertes, proposé par la Commission. Le nucléaire, en tant que tel, n'émet aucun gaz à effet de serre. Pour autant, il ne peut être considéré comme une énergie strictement verte, le stockage des déchets ayant un impact sur l'environnement.
En avril dernier, la Commission a présenté une liste des secteurs éligibles aux investissements verts, parmi lesquels ne figuraient pas encore le nucléaire et le gaz naturel. Concernant ces énergies, une décision sera prise avant la fin de l'année. La taxonomie n'a qu'un seul objectif, celui de garantir la transparence aux épargnants et aux investisseurs qui souhaitent voir leur argent contribuer utilement à la réalisation des objectifs environnementaux. Encore une fois, le choix de recourir au nucléaire relève uniquement de la volonté des États membres ; la Commission soutiendra ceux qui le font. Ce n'est pas sur cette question que porte le débat de la taxonomie, lequel est, en fin de compte, plus spécifique.
Les négociations qui se sont tenues dernièrement à Glasgow ont montré que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières fonctionne déjà, alors qu'aucune décision formelle n'a été prise quant à son utilisation. Le monde a réagi : la Turquie, qui a ratifié l'accord de Paris, a ouvertement déclaré souhaiter ne pas être touchée par ce mécanisme ; la Russie s'est exprimée dans le même sens ; les États-Unis ont dit vouloir trouver avec l'Union européenne un chemin permettant d'éviter une concurrence fondée sur des produits qui n'ont pas été rendus plus durables. Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est essentiel non seulement pour assurer la promotion des intérêts de l'industrie européenne, mais aussi pour pousser les autres pays du monde à aller dans notre direction, c'est-à-dire à décarboner leur industrie en mettant un prix sur le carbone.