Je veux, avant de vous répondre, dire combien je suis reconnaissant à la langue française, celle-là même qui m'a fait connaître Camus, Hugo, de Funès, Bécaud et Aznavour. Elle m'a donné à voir tout ce qui fonde la richesse de votre pays et qui n'est pas perdu, qui continue à croître et à susciter l'admiration du monde – ne l'oubliez pas. Je le dis en tant qu'étranger qui a eu la bonne fortune de pouvoir vivre et étudier dans votre pays. J'ai compris à quel point la France tenait lieu d'exemple pour le monde entier.
Les transports représentent un enjeu considérable. Les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur augmentent au lieu de diminuer ; nous sommes donc confrontés au défi supplémentaire de l'aider à réduire ses émissions. Cela commence par la généralisation des transports en commun, qui appelle des investissements. Tous les projets des États membres destinés à construire l'après-covid comprennent des mesures dans ce domaine. Le plan de relance pour l'Europe et les projets de reconstruction doivent opérer main dans la main avec le Pacte vert. Nous devons veiller à réaliser les investissements adéquats dans les transports en commun. Les villes, surtout, ont besoin de transports complètement neutres – et il est possible de les mettre au point.
La fiscalité a certainement un rôle à jouer. Les gouvernements nationaux, dont celui de la France, ont les moyens d'agir ; pour ma part, je me tiens à votre disposition pour étudier cette question à l'échelle européenne. Les revenus tirés du système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne – son prix actuel s'établit à plus de 85 euros par tonne – permettent non seulement d'encourager la transition des transports, notamment celle des transports en commun, mais aussi de stimuler le marché des véhicules à faibles émissions ou à zéro émission.
La Commission européenne assume une position de neutralité technologique. Concernant l'objectif de neutralité carbone des véhicules à l'horizon 2035, le choix technologique appartient à l'industrie automobile. Celle-ci a remarquablement évolué ces dernières années, toujours dans la même direction. L'industrie automobile européenne, essentielle à l'emploi d'un grand nombre de nos concitoyens, a enfin l'occasion de prendre de l'avance, elle qui est restée un temps en retard par rapport aux industries automobiles asiatique et américaine. En transformant notre industrie automobile, grâce au développement des nouvelles technologies et à l'usage des batteries, nous avons la possibilité de montrer combien elle est performante et indispensable à l'Europe.
Quant au marché carbone, il fonctionne très bien dans l'industrie. Pourquoi avons-nous choisi de créer un marché pour les transports et le bâtiment ? Si l'on fait peser l'obligation sur les producteurs d'énergie, il est possible que ces derniers reportent le fardeau sur les consommateurs. Toutefois, et nous en avons fait l'expérience dans d'autres domaines, ils s'efforceront également de réduire les coûts pour eux-mêmes ; cette logique va donc dans le bon sens. Le Fonds social pour le climat, alimenté par les recettes du marché carbone, a été évalué à 70 milliards d'euros. Mises à la disposition des États membres, ces recettes permettraient d'éviter le risque de la pauvreté énergétique, de soutenir la transition énergétique des bâtiments et de favoriser la mobilité zéro émission des citoyens. Le marché carbone est aussi une chance pour les PME, puisqu'elles font partie de l'écosystème industriel de l'automobile et de l'énergie. Du reste, il reviendra aux États membres de faire chacun leurs choix, leurs situations n'étant pas toujours comparables.
La semaine prochaine, nous présenterons une proposition portant réglementation du calcul du stockage de carbone. Le système, pour qu'il puisse fonctionner, doit être fondé sur une méthode de calcul fiable et acceptable par tous les acteurs qui opèrent au sein du marché. Le secteur agricole a l'occasion de jouer un rôle en ce domaine, dont les règles doivent être contrôlables.
Vous m'avez interpellé sur le financement de la transition écologique et sur le calcul des règles budgétaires européennes. Le niveau d'investissements requis pour la transition est considérable : nous n'avions jamais connu la nécessité d'investir de telles sommes dans un temps si contraint ! Les règles du traité de Maastricht sont désormais anciennes ; le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont été créés pour le monde de 1945, qui a depuis disparu. Nous devons donc donner à ces institutions les instruments qui leur permettront d'affronter les enjeux d'aujourd'hui. Le fait de mobiliser un capital énorme dans une période limitée remet en cause l'application des règles européennes de concurrence, ainsi que la réglementation des aides d'État. La Commission a d'ailleurs indiqué comment celles-ci pourraient être appliquées de manière différente. Du reste, le débat sur l'ingérence économique se poursuivra ; il évoluera probablement vers la facilitation d'un niveau d'investissements bien plus élevé que prévu.
Enfin, concernant la pauvreté énergétique, nous devons donner la possibilité aux États membres de compenser, au profit des citoyens, les coûts inévitables de la transition énergétique. L'éternelle question politique est celle de la redistribution des moyens que nous avons en commun. De ce point de vue, les choix faits à l'échelon européen doivent permettre aux États membres non seulement de compenser les coûts de la transition, si cela est nécessaire, mais aussi de stimuler la transition énergétique et industrielle.