L'hydrogène jouera un rôle primordial dans la transition énergétique ; l'hydrogène bleu dans un premier temps et, bien sûr, l'hydrogène vert. L'hydrogène s'avère indispensable pour les transports lourds, mais aussi pour stocker l'énergie renouvelable. Le niveau d'énergie produite par les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques n'est pas toujours le même. Il est donc nécessaire de stocker l'énergie. Pour ce faire, nous devons recourir à la fois aux batteries et à l'hydrogène, d'autant que le prix des énergies renouvelables est en baisse : je leur prédis un futur favorable. Bientôt, en Europe, nous produirons de l'acier vert grâce à l'hydrogène. Voilà qui sera déterminant pour assurer notre autonomie industrielle et qui aura, in fine, une influence considérable sur les marchés mondiaux. Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'hydrogène, même si beaucoup d'autres technologies restent à développer. À cet égard, le fonds Horizon Europe nous permet de réaliser des investissements et la recherche semble très prometteuse.
Concernant la politique commerciale, la Commission a quelque peu modifié son attitude, aidée en cela par certaines conclusions de la COP26. Il y a quinze jours, nous avons présenté une stratégie contre la déforestation en rupture radicale avec la tradition commerciale qui était la nôtre. Nous sommes en train de mobiliser notre politique commerciale pour assurer que les contraintes que l'on imposera à la production européenne seront aussi appliquées aux produits importés. À cette fin, il conviendra sans doute de modifier le mode d'opération de l'OMC. Nous nous y appliquerons avec résolution, car il est important de mettre nos relations commerciales sur la piste de l'économie soutenable. Nous ne sommes qu'au début de la révision de notre politique commerciale, mais nous avons déjà opéré certains changements. Je vois bien que certains pays du monde souhaitent aller dans la même direction que nous, mais ils ne veulent pas forcément agir à la même vitesse. Il faudra donc stimuler le développement à l'étranger et protéger les intérêts de l'industrie européenne dans beaucoup de domaines, tels que l'agriculture.
J'ignorais la menace que font peser les activités indiennes sur la maîtrise du cycle de l'eau, monsieur Potier ; je vous adresserai une réponse écrite.
Quant à la PAC, elle a été réorientée dans la bonne direction. Pour ma part, j'aurais souhaité aller beaucoup plus loin. À vrai dire, je me demande si les intérêts des petites entreprises agricoles sont considérés comme il se doit ; c'est surtout l'industrie agricole qui est prise en compte. Cette question doit se poser en France, je le dis sans réserve. Il faudra bien, un jour ou l'autre, que l'on se concentre sur la situation sociale et économique des individus qui travaillent la terre et exploitent des fermes, plutôt que de se préoccuper du grand agglomérat agricole. Bref, il est encore besoin de réorienter nos politiques dans ce domaine. La France a l'occasion de le faire dès à présent, alors qu'elle doit soumettre à la Commission européenne son plan national avant la fin de l'année. Avons-nous un devoir de vigilance ? Bien entendu ! Cela fait partie de nos relations commerciales avec le monde extérieur.
La transition sera sociale ou ne sera pas. Nous devrons convaincre nos citoyens qu'aucun d'entre eux ne sera abandonné. Comme toujours, les choses seront plus difficiles pour certains que pour d'autres. Nous devons montrer, dès maintenant, par des actions concrètes, que nous avons le souci du social. À défaut, les citoyens préféreront demeurer dans la situation actuelle plutôt que d'entamer une trajectoire qu'ils considèrent déjà suffisamment difficile et qui présentera des intérêts non pas pour eux, mais seulement pour les autres.
Nous devons être convaincants, prouver in concreto que cette transition est juste, qu'elle évite la pauvreté énergétique et l'écroulement de certaines industries. Face à cette transformation fondamentale, nous devrons accompagner non seulement les industries, mais aussi les travailleurs, en développant de nouvelles compétences et de nouveaux emplois. Si pénurie il y a, elle affectera non pas les emplois, mais plutôt les individus susceptibles de les occuper. Un effort collectif sera indispensable aux échelons européen, national, régional et local.
En outre, il est inconcevable d'accomplir cette transition sans revoir les principes du traité sur la charte de l'énergie ; la Commission fera tout son possible pour en convaincre les États membres. Le bâtiment est d'une importance capitale. La réduction de l'utilisation de l'énergie ne correspond qu'à 50 % de nos besoins. Nous avons donc tout intérêt à investir dans le bâtiment. Cela créerait immédiatement des emplois locaux et conduirait à une innovation technologique d'ampleur. Ce serait montrer des résultats concrets à court terme, qui présentent aussi des effets à long terme sur le coût énergétique du bâtiment. Quant à la main-d'œuvre, elle disposera de nouvelles perspectives. Le bâtiment et les énergies renouvelables représentent aussi une chance considérable pour les PME dans l'Union européenne.
L'horizon 2035 n'est presque plus contesté dans l'industrie automobile. Les constructeurs coopèrent sans difficulté ; tous savent qu'ils doivent emprunter le chemin de la décarbonation. Les voitures électriques sont pour le moment coûteuses. Toutefois, si Bloomberg a vu juste dans ses prévisions, elles seront, d'ici cinq à six ans, moins chères que les voitures thermiques. Je suis certain que l'industrie automobile assurera l'électrification des nouveaux véhicules, du moins en ce qui concerne les voitures et les camionnettes. Pour les poids lourds, c'est une tout autre histoire. Reste que l'hydrogène aura son rôle à jouer, qu'il soit intégré aux moteurs thermiques ou qu'il serve à la constitution de cellules d'énergie.
Je suis bien plus positif sur l'attitude de l'industrie automobile qu'il y a deux ans : le cycle a changé ! Allez discuter avec les représentants du secteur, comme nous le faisons, vous verrez qu'ils ont compris la nécessité d'aller dans cette direction – il y va de leur intérêt propre ! L'horizon 2035 n'est pas un choix irréfléchi, certains constructeurs seront prêts bien plus tôt !
Enfin, le fret ferroviaire jouera un rôle déterminant ; à nous de réaliser les investissements nécessaires. Le développement des chemins de fer se heurte toutefois à la question transfrontalière. Pour une raison ou une autre, les pays membres de l'Union européenne ne voient pas plus loin que leurs frontières et ne font pas l'effort de créer un réseau transeuropéen digne de ce nom. La seule manière de convaincre le secteur logistique de recourir davantage au transport ferroviaire, c'est de montrer que le train est compétitif vis-à-vis du secteur routier, notamment en ce qui concerne les économies de temps. Reste que le problème des frontières doit être résolu le plus rapidement possible.