Intervention de Vincent Thiébaut

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Thiébaut, rapporteur :

La loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace a permis le transfert à cette dernière de la propriété des routes et autoroutes non concédées, classées dans le domaine public routier national et situées sur son territoire.

La collectivité ainsi créée dispose de compétences nouvelles importantes, afin de répondre aux besoins, spécificités et enjeux territoriaux. Le texte de 2019 est précurseur en matière de différenciation et illustre la volonté du Président de la République et du Gouvernement d'aller en ce sens. Il constitue une nouvelle approche en matière d'organisation territoriale, afin de permettre à l'Alsace de s'ancrer dans son territoire – le bassin rhénan –, au cœur de l'Europe.

Trois autoroutes gardent leur dénomination et leur statut autoroutier, le représentant de l'État conservant sur elles le pouvoir de police de la circulation. La loi du 2 août 2019 prévoit le transfert des routes et autoroutes non concédées, classées dans le domaine public routier national et situées sur le territoire de l'Eurométropole de Strasbourg, à cette dernière.

La loi précitée habilite également le Gouvernement à prendre une série d'ordonnances complétant le dispositif. C'est l'objet des articles 1er à 3 du présent projet de loi.

La première ordonnance, celle du 26 mai 2021, permet d'instaurer une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d'Alsace. Sa ratification fait l'objet de l'article 1er. Il s'agit de l'aboutissement d'une demande ancienne – l'attente est forte sur le territoire – datant de la mise en place en 2005 d'une taxe similaire sur le réseau routier en Allemagne, qui a conduit à des reports de trafic très conséquents sur les routes alsaciennes.

Je ne referai pas l'histoire, mais rappellerai que la première taxe alsacienne, créée par la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, sous forme d'expérimentation, n'a jamais été mise en œuvre. Une généralisation du dispositif a ensuite été prévue, mais elle a été supprimée par la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, au moment des débats sur l'écotaxe. Il aura donc fallu attendre près de quinze ans pour obtenir un texte stable. C'est désormais chose faite. À nous de veiller à lui apporter, lors de nos débats, les améliorations juridiques nécessaires pour qu'il puisse être mis en œuvre de la manière la plus satisfaisante possible.

En outre, n'oublions pas que l'article 137 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience », permettra aux régions d'instaurer une taxe similaire. Ce qui se passera en Alsace, terre d'innovation et d'expérimentation, aura donc valeur d'exemple et d'inspiration.

Je me réjouis des améliorations apportées par le Sénat. Je mentionnerai notamment la possibilité pour la Collectivité européenne d'Alsace de moduler les taux kilométriques de la taxe en fonction des saisons ; celle d'utiliser un dispositif adapté pour les redevables occasionnels de la taxe, dit « ticketing » ; l'augmentation de la majoration pour retard de paiement lorsque de grosses sommes sont dues ; l'augmentation du montant des amendes infligées en cas de manipulation de l'équipement électronique embarqué pour éluder le paiement de la taxe ou de falsification des documents de bord nécessaires pour déterminer la catégorie ou la classe d'émission euro du véhicule ; l'inclusion des sociétés donneuses d'ordre dans la consultation préalable à la mise en place de la taxe et la création d'un comité de concertation entre acteurs publics locaux sur la taxation des poids lourds.

Toutefois, certains articles adoptés par le Sénat ne sont pas opportuns ou posent des problèmes juridiques. Ainsi, je proposerai de supprimer l'article 1er bis A qui vise à appliquer la taxe aux véhicules utilitaires légers, au risque de pénaliser les artisans locaux, les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE). Je proposerai également de supprimer la peine d'emprisonnement prévue par l'article 1er quaterdecies – il faut inciter les entreprises à payer la taxe, non faire peser une menace d'emprisonnement sur les chauffeurs. Soyons pragmatiques.

Le projet de loi ne se réduit pas à la ratification et à la modification de l'ordonnance du 26 mai 2021. L'article 2 ratifie l'ordonnance du 19 mai 2021 qui soumet les projets de modification substantielle des caractéristiques techniques des autoroutes A35, A352 et A36 à un avis simple du représentant de l'État, afin de s'assurer qu'ils ne remettent pas en cause la capacité des autoroutes à remplir leurs fonctionnalités.

Son article 3 fixe les conditions dans lesquelles l'Eurométropole de Strasbourg doit reprendre à son compte les engagements liant l'État à la société ARCOS pour l'autoroute A355, s'agissant notamment du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg.

Sur ces deux articles, les apports du Sénat ont été moins nombreux. Il a introduit un article 2 bis qui reprend un dispositif de nature réglementaire, et est donc inutile. Il a ajouté un article 4 qui précise les modalités de sanction et de contrôle de l'interdiction de circulation des véhicules de transport routier de marchandises en transit sur certaines routes de l'Eurométropole de Strasbourg. Je proposerai une réécriture de cet article, de manière à conserver le principe du contrôle automatisé des véhicules, tout en évitant une transposition automatique du dispositif existant pour les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), l'Alsace n'ayant pas vocation à devenir une ZFE-m « géante » et les dispositions des ZFE-m n'étant pas transposables de manière mécanique.

Le projet de loi vise donc à réguler les flux de transit du transport routier de marchandises en Alsace, en s'appuyant sur la directive du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, dite « Eurovignette », en cours de révision. La Collectivité européenne d'Alsace disposera ainsi de tous les pouvoirs de dérogation, ou optionnels, pour mener à bien les concertations sur son territoire et déterminer les critères et outils les plus adaptés à la mise en œuvre de cette taxe.

Pour conclure, je salue les nombreux Alsaciens présents dans la salle !

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