Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mardi 15 février 2022 à 17h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Ce rappel est absolument essentiel, madame la présidente.

Effectivement, lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère il y a près de deux ans, j'ai très vite été confronté à la crise de la jaunisse de la betterave qui ravageait les productions.

Nous aurions pu, face à cette crise, abdiquer et laisser un pan de notre production alimentaire, c'est-à-dire la filière de la betterave sucrière, s'effondrer, renoncer à notre souveraineté alimentaire et laisser des importations de moindre qualité, notamment environnementale, se substituer à notre production.

Or nous avons au contraire, et collégialement, choisi d'affronter les difficultés afin de trouver des solutions, sauver l'ensemble de la filière et accompagner les betteraviers qui avaient un genou à terre sans remettre en cause les fondamentaux, c'est-à-dire l'interdiction de 97 % des usages des néonicotinoïdes.

Nous l'avons fait avec méthode, c'est-à-dire en remettant la science et la raison au centre des débats sur le projet de loi.

Je suis absolument convaincu que la betterave sucrière constitue un atout stratégique pour notre agriculture ainsi que pour notre souveraineté agroalimentaire. La France est en effet le premier producteur européen et le deuxième producteur mondial de sucre de betterave, ce qui représente des milliers d'emplois.

Il était indispensable de conserver une filière betteravière forte sur notre territoire, de la production à la transformation, car sinon nous courions le risque de devoir importer du sucre notamment issu de pays ne respectant pas les mêmes normes que nous.

Cela aurait été un non-sens en termes d'environnement et de souveraineté.

Dès le 14 juillet, quelques jours après ma prise de fonctions, je me suis rendu en Seine-et-Marne pour constater les dégâts et réunir l'ensemble des acteurs. L'État et le Parlement – ainsi que la filière – ont ensuite pris leurs responsabilités afin de sortir de cette crise : tel était l'objet du projet de loi que j'ai mentionné.

Nous avons dû prendre des décisions fortes, parfois difficiles, afin de la surmonter : une indemnisation de plus de 7 900 planteurs de betterave frappés, un plan de prévention de la filière assorti d'engagements que nous suivons avec une grande précision, un plan national de recherche et d'innovation (PNRI), un délégué interministériel pour la filière du sucre et enfin la loi permettant d'utiliser, de manière temporaire, les dérogations permises par le droit européen à l'interdiction d'utilisation des néonicotinoïdes.

À l'époque, douze pays utilisaient de telles dérogations, ils sont encore une dizaine.

Nous ne pouvions en effet pas laisser les agriculteurs sans solutions. Notre méthode s'est appuyée non seulement sur la science et sur la raison, mais également sur des engagements réciproques et sur des responsabilités partagées.

Nous avons assumé ces décisions politiques en nous montrant fermes sur les contreparties qui sont respectées selon le planning initialement envisagé. Vous vous êtes vous-mêmes majoritairement engagés pour adopter ce projet de loi permettant pendant trois ans des dérogations annuelles très encadrées.

Selon les députés MM. Grégory Besson-Moreau et Thierry Benoit, auteurs du rapport d'information sur l'application de la loi qu'ils ont présenté le 13 juillet 2021, celle-ci est pleinement appliquée. Pour cause : nous l'avons mise en œuvre dans le plus strict respect du texte adopté par le Parlement et en nous fondant sur des avis scientifiques émanant notamment de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Compte tenu des données scientifiques disponibles, une dérogation, élaborée dans le respect total de la loi, assortie de conditions strictes et ayant reçu un avis favorable du conseil de surveillance créé par celle-ci et présidé par M. Grégory Besson-Moreau, a été octroyée le 5 février 2021.

Une nouvelle dérogation a été adoptée car le risque d'une infestation massive ne peut être écarté au regard des données scientifiques. La filière demeure fragile en l'absence d'autres solutions efficaces pouvant être déployées à grande échelle.

En parallèle, et avec le soutien de l'INRAE et de l'ensemble des acteurs de la recherche et du développement, nous avons lancé, en un temps record de huit mois, un programme de recherche-développement, le PNRI, composé d'un peu plus d'une vingtaine de projets. Nous y avons consacré 7 millions d'euros de crédits d'État, pour un budget total de plus de 20 millions d'euros.

Il explore toutes les pistes possibles, notamment les auxiliaires naturels, la recherche variétale et les produits de biocontrôle. Nous avons la conviction qu'il nous permettra de sortir de l'impasse, c'est-à-dire qu'il permettra aux agriculteurs de cultiver des betteraves sans néonicotinoïdes en 2024.

En conclusion, nous avons fait le choix d'affronter les difficultés du vivant qui nous contraint à nous adapter et de trouver des solutions en assurant notre souveraineté et en ne laissant pas notre consommation de sucre être satisfaite par des importations issues de pays utilisant ces mêmes dérogations mais également d'autres produits.

Nous avons eu le courage de trouver de telles solutions.

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