Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 14h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Je suis très heureuse de vous retrouver pour vous présenter l'édifice collectif que nous avons construit depuis cinq ans pour faire entrer l'écologie au cœur de la société française.

Je parle d'un édifice collectif, car je pense à l'immense travail accompli par mes prédécesseurs depuis 2017, qu'il s'agisse de M. Nicolas Hulot, de M. François de Rugy ou de Mme Élisabeth Borne.

Je pense aussi au long combat, depuis plusieurs décennies, des militantes et militants écologistes pour alerter sur l'urgence et pour mettre l'écologie à l'agenda de nos sociétés.

Je pense aux dirigeants qui nous ont précédés, qui ont été surtout des lanceurs d'alerte, comme Jacques Chirac, qui nous parlait de cette « maison qui brûle alors que nous regardons ailleurs ».

C'est un édifice collectif car nous avons eu à cœur, surtout, de le construire à plusieurs. Avec la représentation nationale, bien sûr, à travers des lois importantes et qui feront date. Avec la société civile, aussi, avec 1'expérience absolument inédite de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), qui a donné naissance à la loi « climat et résilience ». Avec, plus largement, nos partenaires au niveau européen et à l'international.

La construction de cet édifice, patiemment engagée depuis 2017, aurait pu être stoppée net par les soubresauts de la pandémie qui nous frappe depuis deux ans. Au contraire : loin de reculer ou de renoncer, j'ai tenu – le Gouvernement a tenu – à faire de cet obstacle un tremplin.

La relance de notre économie, mise à mal par la crise, a ainsi été l'occasion de dépasser l'opposition stérile entre économie et écologie. Cela a été l'occasion de faire entrer notre ambition écologique dans une nouvelle dimension à travers une transformation de nos modes de production et de consommation, pour les rendre à la fois plus durables et moteurs de progrès économique et social.

C'est pourquoi nous avons consacré un tiers des 100 milliards d'euros du plan France relance à la transition écologique, ce qui nous permet de nous classer, selon le Fonds monétaire international (FMI), à la deuxième place des pays du G20 en matière de relance verte.

Et nous continuons à projeter l'économie française·dans cette dynamique vertueuse, avec le plan d'investissement France 2030, dont la moitié des 34 milliards d'euros est consacrée à la décarbonation de notre économie.

En somme, nous avons donné à notre édifice écologique, toujours en construction, les moyens de ses ambitions, y compris à travers le budget de mon ministère qui a atteint un montant historique de 50 milliards d'euros pour cette année 2022. Nous continuons à travailler sur les personnels du ministère.

Mais derrière ces moyens, il y a avant tout une vision et un engagement, et le moment est venu d'en faire le bilan. Je ne pourrai bien sûr être exhaustive : cinq ans d'action, de travail et de réformes ne se résument pas en quelques minutes. Je voudrais donc vous présenter les trois priorités qui ont guidé notre action ces cinq dernières années.

Nous ne pouvons pas réussir notre transition sans faire évoluer en profondeur notre mix énergétique : c'est pourquoi notre première priorité a été d'engager résolument une petite révolution dans notre pays, avec la transition énergétique.

Face à la crise environnementale, et en cohérence avec nos objectifs européens, notamment la trajectoire nouvelle d'au moins 55 % de baisse de nos émissions d'ici à 2030, nous avons agi pour verdir notre modèle énergétique, et ce selon un triptyque ambitieux et cohérent, fondé sur la réduction de notre consommation d'énergie, le développement des énergies renouvelables et le maintien d'un socle d'énergie nucléaire. C'est ce qu'a rappelé le Président de la République à Belfort la semaine dernière.

Ces cinq dernières années, nous avons agi pour transformer le plus rapidement possible notre mix, aujourd'hui encore fondé aux deux tiers sur les énergies fossiles. Cette sortie des énergies fossiles fait que, demain, notre pays sera plus électrique. C'est ce qu'a confirmé le rapport réalisé par Réseau de transport d'électricité (RTE), qui anticipe une hausse de 15 à 20 % de notre consommation d'électricité d'ici à 2035.

Nous avons donc accéléré, en responsabilité, le déploiement des énergies renouvelables. Au cours du quinquennat précédent, la part de ces dernières dans le mix énergétique stagnait autour de 15 %. Le Gouvernement a mis les bouchées doubles pour rattraper ce retard : nous sommes passés à plus de 19 % en 2020, et nous continuons d'accélérer.

Vous me direz – à raison – que malgré cela, la France est en retard sur ses objectifs européens : la part d'énergies renouvelables aurait en effet dû être de 23 % fin 2020. Mais nous avançons pour rattraper au plus vite ce retard.

Quelques exemples montrent bien l'effort sans précédent que nous avons fourni. Jamais autant de capacités solaires n'avaient été raccordées qu'en 2021. Le nombre d'installations qui injectent du biogaz dans le réseau a été multiplié par dix pendant le quinquennat. Nous investissons massivement dans les énergies renouvelables, à hauteur de plus de 6 milliards·d'euros par an, pour assurer une juste rémunération à ceux qui se lancent. Et nous projetons cette dynamique dans l'avenir, en prenant des engagements forts, comme la procédure que nous venons de lancer pour un nouveau parc éolien en mer, de 1,5 gigawatt, au large de la Normandie.

Par ailleurs, dans ce mouvement de déploiement ambitieux des renouvelables, j'ai eu à cœur de simplifier la mise en œuvre des projets, notamment pour le photovoltaïque sur toiture qui n'engendre par définition aucune artificialisation.

Surtout, face à certaines oppositions qui se sont manifestées, nous avons travaillé pour améliorer l'acceptabilité de l'éolien. J'ai ainsi engagé dix mesures avec la filière éolienne pour réduire les nuisances, notamment sonores et lumineuses, pour améliorer la concertation et pour éviter les effets de saturation dans certains territoires.

En ce début d'année 2022, cette révolution énergétique est, bien sûr, loin d'être achevée, mais le paquebot a amorcé son virage et nous avons résolument lancé une évolution qui produira ses pleins effets dans dix, vingt ou trente ans.

En somme, nous avons posé les jalons de la voie vers la neutralité carbone en 2050, non seulement par l'évolution nécessaire de notre mix énergétique, mais aussi par une décarbonation progressive de nos modes de vie.

C'est ce que nous faisons en encourageant la rénovation énergétique des logements. À ce titre, l'aide MaPrimeRenov' rencontre un grand succès, avec plus de 750 000 dossiers déposés l'année dernière, et un budget renforcé de 2 milliards d'euros pour 2022.

C'est également ce que nous faisons en encourageant nos concitoyens à acquérir un véhicule peu polluant, avec la prime à la conversion ou le bonus électrique. Sur la période 2017-2021, nous avons distribué plus de 541 000 bonus pour les véhicules légers et 892 000 primes à la conversion.

De même, nous avons redoublé d'efforts pour développer la pratique du vélo partout en France. Et avec succès ! Depuis fin 2017, les pistes cyclables, de même que l'usage du vélo, ont ainsi augmenté d'un tiers sur notre territoire grâce au formidable succès du plan Vélo.

Ce ne sont que quelques exemples d'un changement dans les mentalités qui doit, à mon sens, constituer le ciment de la transition écologique pour chaque Française et chaque Français.

Toutefois, nous ne pouvions pas réussir notre transition sans mettre en place une gestion plus durable des ressources que la planète nous offre : notre deuxième priorité a ainsi été d'évoluer vers une économie profondément circulaire.

Cette évolution était nécessaire à l'heure où nous consommons, en quelques mois, toutes les ressources que la nature peut régénérer en une année.

C'était aussi une de nos priorités absolues en matière de protection de la biodiversité, face au fléau de la pollution plastique qui tue chaque année 100 000 mammifères marins et un million d'oiseaux.

C'est une demande croissante de la part de nos concitoyens. C'est aussi l'une de vos demandes fortes, et je pense notamment à mes successeuses à la présidence de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Mme Véronique Riotton et Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie.

Nous avons eu à cœur de transformer en profondeur notre modèle économique, en sortant du plastique jetable, en recyclant et en réutilisant. À ce titre, nous avons franchi un cap important avec une loi essentielle et ambitieuse, la loi AGEC du 10 février 2020. Je salue à cet égard le travail réalisé par Mme Brune Poirson. Avec cette loi, nous nous sommes fixés un objectif de sortie progressive du plastique jetable d'ici à 2040 qui produit déjà ses effets car, alors qu'elle date d'il y a à peine deux ans, elle est déjà appliquée à 83 %.

Les mesures prises sont très nombreuses, et nous avons acté plusieurs avancées marquantes. Je songe par exemple à l'interdiction de détruire les invendus, à l'interdiction des pailles, gobelets et assiettes jetables en plastique, de même qu'à celle des emballages en·plastique pour un grand nombre de fruits et légumes, ou encore à la mise en place d'un indice de réparabilité sur un certain nombre de produits électroniques.

Nous avons consolidé ces avancées avec certaines dispositions de la loi « climat et résilience » du 22 août dernier, notamment en imposant 20 % de produits vendus en vrac dans les supermarchés d'ici à 2030. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du ministère de l'économie pour mettre en œuvre cette mesure et nous échangeons régulièrement avec les professionnels sur une trajectoire réaliste et ambitieuse de mise en œuvre.

Parallèlement à ces efforts pour sortir du plastique jetable, nous développons le recyclage pour les déchets plastiques que nous ne pouvons pas éviter. Ce sont ainsi 370 millions d'euros du plan d'investissement d'avenir qui sont consacrés au développement et à l'innovation du secteur, et cet effort sera renforcé par les fonds du plan France 2030.

Nous avons également accru nos efforts en matière de réemploi des produits dont je n'ai malheureusement pas le temps de vous parler en détail

En somme, nous avons donné un grand coup d'accélérateur dans l'évolution de notre économie vers plus de circularité.

Enfin, en matière d'écologie, notre troisième priorité a été d'asseoir un leadership environnemental de la France au niveau européen et international.

Face à une crise du climat et de la biodiversité de dimension mondiale, prendre nos responsabilités, au-delà de nos frontières, était profondément nécessaire. C'est ce que nous avons fait, d'abord, au niveau européen : notre pays a été moteur sur un nombre important d'avancées récentes.

Ainsi, le Président de la République avait soutenu, bien avant que la Commission européenne ne le propose, le renforcement de l'objectif de réduction de nos émissions de 55 % d'ici à 2030.

De même, nous avons défendu de nombreuses mesures ambitieuses, qui se sont désormais concrétisées en propositions de la Commission européenne. Je pense notamment au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui doit permettre de mettre notre politique commerciale en cohérence avec notre action climatique. C'est un exemple concret, et pour moi très important, du fait que l'écologie peut aller de pair avec la compétitivité de notre outil industriel.

Je pense également à l'instrument de lutte contre la déforestation importée, qui nous permettra de préserver, au niveau mondial, notre biodiversité et notre capacité à absorber du carbone.

Bien sûr, nous œuvrons aujourd'hui, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE), à la négociation la plus rapide possible de tous ces textes.

C'est dans cet objectif que j'ai réuni mes homologues européens à Amiens en janvier dernier pour avancer dès maintenant sur ces sujets. Nous continuons à travailler à l'atteinte de compromis, tout en portant, au sein des enceintes européennes, les valeurs qui sont les nôtres, notamment en termes d'équité et de solidarité.

Enfin, au niveau international, la France a redoublé d'efforts pour favoriser de nouveaux engagements collectifs et a résolument placé l'environnement au frontispice de sa diplomatie.

Ainsi, dans un contexte de pandémie mondiale, nous avons fait vivre la mobilisation internationale en organisant de grands événements fédérateurs. Je pense notamment au One Planet Summit, que la France a accueilli à Paris en janvier 2021, au Congrès mondial de la nature, organisé en septembre dernier à Marseille, ou encore, tout récemment, au One Ocean Summit qui a mobilisé la communauté internationale, mais aussi nombre de représentants de l'Assemblée nationale, sur la protection des océans à Brest.

Dans l'ensemble, notre action internationale a été marquée par deux convictions.

La première est qu'il est nécessaire d'adopter une approche globale du climat et de la biodiversité. En mettant la biodiversité au centre des discussions, je pense que la France a fortement contribué à cette prise de conscience internationale de la nécessité de faire le lien entre ces deux combats.

Notre deuxième conviction est que la mobilisation internationale doit à tout prix aboutir à des engagements concrets. Nous avons en effet dépassé le temps du constat face à notre planète malade.

La France a donc eu à cœur de montrer l'exemple.

Lors de la COP26, nous avons signé, avec plusieurs de nos partenaires, un accord unique en son genre avec l'Afrique du Sud, de 8 milliards de dollars, pour permettre sa sortie du charbon et son entrée dans la transition écologique.

Nous nous sommes également engagés à mettre fin au financement public des énergies fossiles dès la fin de cette année.

En bref, la France a pris sa pleine part à la dynamique d'engagement mondial et en a même été l'un des moteurs, dans le contexte pourtant peu favorable de la covid.

Comme vous le voyez, l'écologie a été l'un des moteurs importants de l'action de l'État pendant ces cinq ans. L'ensemble des mesures que je vous ai présentées compose le socle d'un édifice résolument et patiemment construit en faveur de la transition écologique. Notre activité diplomatique, particulièrement intense dernièrement, s'impose comme un nouveau vecteur de cet engagement.

Bien sûr, j'aurais aimé avoir le temps d'évoquer d'autres dimensions essentielles de notre engagement, qu'il s'agisse de la lutte contre l'artificialisation des sols ou encore des progrès réalisés en matière de bien-être animal. Mais ce que je voulais surtout vous dire, aujourd'hui, c'est que l'écologie a pris sa place au cœur de notre action publique, dans tous les domaines : c'est une des grandes avancées de ce quinquennat.

Certes, nous ne sommes pas au bout, et la transition écologique devra, pour les années et pour les quinquennats qui viendront, être au cœur de toutes nos politiques, notamment économiques, mais le socle est là. La transition est bel et bien engagée de façon irréversible.

Oui, à l'instar des grandes transformations qui ont fait la France telle que nous la connaissons – qu'il s'agisse de l'établissement de la République, du développement économique des Trente Glorieuses ou des acquis sociaux – nous écrivons, aujourd'hui, avec l'écologie, une nouvelle page de notre histoire.

Se projeter avec ambition et optimisme dans l'avenir : voilà l'engagement complet de ce Gouvernement !

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