Permettez-moi d'abord de vous dire ma joie de vous retrouver aujourd'hui, même avec des masques, pour cette première proposition de loi discutée au fond par notre commission depuis que nous nous sommes séparés en mars dernier.
Les sujets que nous allons aborder pourraient paraître secondaires au vu du contexte actuel. Pourtant, cette proposition de loi comporte des dispositions relatives aux filières agricoles et alimentaires les plus fragilisées par cette crise.
Je pense à la filière apicole, très pénalisée par la fermeture des marchés alimentaires pendant le confinement. Je pense aussi à la filière laitière sous signes de qualité et d'origine et aux producteurs fromagers fermiers, très éprouvés, qui se trouvent sans solution pour écouler 1 000 tonnes de produits de très grande qualité qui devront sans doute être détruits. Je pense, bien sûr, à la filière brassicole et plus particulièrement aux brasseurs indépendants et artisans dont 96 % subissent une perte de leur chiffre d'affaires comprise entre 80 et 100 %. Je pense encore à la filière viticole, dont vous connaissez la situation très difficile. Et que dire de la filière viande bovine qui, alors que la consommation augmente, enregistre des baisses de prix payés au producteur !
Je suis frappée de constater que ce sont les productions les plus haut de gamme, les plus artisanales, les plus représentatives de l'excellence française qui ont le plus souffert de cette crise. On peut s'en inquiéter.
Cette proposition de loi que nous avons adoptée en première lecture le 4 décembre dernier apporte des améliorations attendues par les producteurs et les consommateurs en matière de transparence et d'information, mais doit aussi être l'occasion de parler de ces filières, de leurs difficultés et d'appeler l'attention des consommateurs et des pouvoirs publics sur la nécessité de les soutenir, afin d'éviter qu'elles périclitent.
Le texte contient des dispositions consensuelles adoptées dans le cadre de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite EGALIM, que le Conseil constitutionnel avait censurées, mais qui sont très attendues. Nous avions eu à cœur avec M. Henri Cabanel et Mme Anne-Catherine Loisier, les rapporteurs du texte du Sénat, et Mme Sophie Primas, la présidente de la commission des affaires économiques sénatoriale, d'échanger dès les premiers jours sur ce texte afin de garantir son adoption la plus rapide possible. Le contexte montre que nous avons eu raison. Le Sénat a joué le jeu, et je l'en remercie, et voté le texte le 4 mars dernier. Onze articles sur douze ont été adoptés conformes, et nous devons nous en réjouir. Cela témoigne de notre capacité à travailler en bonne intelligence de manière transpartisane pour le bénéfice des producteurs et des consommateurs.
Même si nous ne débattons pas aujourd'hui des dispositions adoptées conformes par le Sénat, je souhaite rappeler rapidement les principaux apports du texte sur lesquels nous allons nous prononcer.
L'article 1er vise à garantir des informations beaucoup plus précises sur la provenance de la gelée royale, du cacao et des miels incorporés dans un mélange.
L'article 2 permet une plus grande transparence des informations communiquées aux consommateurs lors d'une vente en ligne tandis que l'article 1er A constitue un encouragement à la mise à disposition en open data des informations figurant sur les étiquetages des produits alimentaires.
L'article 2 bis, qui rend obligatoire l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande, me semble particulièrement important dans un contexte de reprise qui pourrait permettre de modifier les habitudes d'approvisionnement de la restauration hors domicile pour privilégier davantage l'origine France.
L'article 2 ter interdit l'emploi des dénominations utilisées pour désigner les denrées alimentaires d'origine animale, pour décrire, commercialiser et promouvoir les denrées alimentaires contenant des protéines végétales.
L'article 3 permet le maintien de l'appellation « fromage fermier » en cas d'affinage à l'extérieur de l'exploitation.
L'article 4 vise à renforcer l'obligation de l'affichage du pays d'origine des vins mis en vente et l'article 5 prévoit l'obligation d'indiquer leur origine lorsqu'ils sont mis en vente en restauration.
L'article 6 autorise la cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public destinées aux utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale. C'est une réelle avancée.
L'article 7 permet d'abroger la loi de 1957 qui protège l'appellation « Clairette de Die », pour répondre à la demande des viticulteurs eux-mêmes.
L'article 8 maintient le caractère obligatoire de la déclaration de récolte, qui permet d'assurer la traçabilité des vins, notamment ceux sous signes de la qualité et de l'origine.
J'ai volontairement omis d'évoquer l'article 5 bis, puisqu'il s'agit du dernier article sur lequel nos débats vont aujourd'hui se concentrer. Il résulte de l'adoption en séance d'un amendement de notre collègue Thierry Benoit, sur lequel j'avais donné un avis favorable, ainsi que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
L'objectif de cet amendement était clair et louable : tenter de mettre fin aux pratiques douteuses de certains opérateurs consistant, au moyen du nom de leurs produits ou d'indications figurant sur l'étiquette, à induire le consommateur en erreur sur l'origine d'une bière.
La disposition prévue avait un double objectif : d'une part rendre obligatoire la mention du nom et l'adresse du producteur sur l'étiquetage des bières, même si certains s'y contraignaient déjà, d'autre part interdire que les mentions présentes sur l'étiquetage fassent apparaître un nom de lieu différent du lieu de production réelle de la bière, y compris lorsque cette indication constitue le nom commercial du produit. C'est cette seconde partie du dispositif que le Sénat a supprimée. Je dois reconnaître, et j'espère que vous en conviendrez, que cette décision est effectivement plus sage pour plusieurs raisons.
Cette disposition contrevenait au droit des marques dans le cas des noms commerciaux utilisés de longue date, et était susceptible, si elle était strictement appliquée, de mettre en difficulté les entreprises que nous ne souhaitons précisément pas déstabiliser. Je pense, par exemple, à des bières produites à quelques dizaines de kilomètres du lieu mentionné de leur appellation et pour lesquelles nous aurions créé une insécurité juridique. Je note par ailleurs que les pratiques que j'évoquais constituent déjà des pratiques commerciales trompeuses aux termes de l'article L. 121-1 du code de la consommation et peuvent, à ce titre, être sanctionnées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Enfin, cette interdiction mettait en péril la pratique, fréquente lors du lancement de jeunes entreprises, de la mise en commun de brasseries ou de brasseries nomades. L'essentiel de l'information que nous avons votée dans cette loi, c'est bien que le consommateur ne soit pas trompé, autrement dit que le lieu où a été fabriquée la bière soit bien indiqué. La suppression de cet alinéa par le Sénat ne dénature pas du tout ce texte. Le Syndicat national des brasseurs indépendants nous a d'ailleurs indiqué qu'il souhaitait que le dispositif soit adopté aussi rapidement que possible pour qu'il puisse entrer en vigueur.
La mention obligatoire des nom et adresse du producteur constitue déjà un grand pas dans l'amélioration de l'information délivrée aux consommateurs et la valorisation du travail de nos brasseurs.
Je vous invite donc, dans l'esprit de concorde et d'efficacité qui a présidé jusqu'à présent à nos travaux et à ceux du Sénat, à voter ce texte sans modification afin que ces dispositions précieuses pour le producteur et importantes pour le consommateur puissent entrer en vigueur rapidement.