Intervention de Sabine Rubin

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h25
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Madame la ministre, nous ne pouvons que saluer un texte portant le titre si prometteur : « Projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants ». Nous partageons la volonté de prodiguer une meilleure orientation et un meilleur accompagnement pour la réussite de l'ensemble des étudiants ; nous saluons enfin la disparition du tirage au sort, ce qui était plus que nécessaire. Mais pourquoi y avait-il besoin d'un tirage au sort ? Pour une raison très simple : parce qu'il manquait des places.

De ce fait, votre projet de loi ne répond pas à son véritable enjeu, pourtant indiqué dans l'exposé des motifs : répondre à l'augmentation considérable du nombre d'étudiants. Vous vous bornez à travailler sur les modalités d'orientation dans les universités : le remède n'est pas adapté à la cause. Vous reconnaissez vous-même le manque de places pour faire face à l'afflux d'étudiants ; mais plutôt que d'agrandir l'évier, vous décidez de fermer le robinet en imposant des critères, établis sur la base de diagnostics, au demeurant très partiels.

Ainsi, vous mentionnez un taux d'échec de 60 % en première année, sans dire que l'université permet à 80 % des jeunes qui y entrent d'en ressortir avec un diplôme – ce qui est une excellente performance à l'échelle mondiale. Par ailleurs, un taux de 60 % d'échec en première année ne signifie pas que tous les étudiants concernés abandonnent leurs études : ce n'est le cas que pour 25 % d'entre eux.

Vos diagnostics sont également très partiaux, car vous faites reposer la réussite des étudiants sur eux-mêmes et sur le personnel enseignant – ce qui est justifié –, mais jamais sur le système universitaire. Or, depuis les années soixante, à chaque nouvelle augmentation du nombre d'étudiants, l'université s'est trouvée en crise. Mais à chaque fois, on a répondu non pas en ouvrant de nouvelles places, mais en chamboulant toute l'organisation, ce qui aboutit à compromettre l'efficacité de l'université sans apporter de solution au problème – de fait, le taux d'échec est resté pratiquement inchangé en cinquante ans.

La sélection mise en place est avant tout une sélection sociale, qui va fermer la porte des filières de premier cycle en tension à des étudiants majoritairement issus des classes populaires, ainsi qu'aux 6 % des bacs professionnels et technologiques qui souhaitent s'y inscrire. Elle contraint aussi les autres à suivre un parcours d'accompagnement obligatoire très vaguement défini, dont on ne sait s'il sera inclus dans la licence ou pas – auquel cas nous aurions des licences à deux vitesses. Je vous ai même entendue dire que vous alliez transformer le cadre des diplômes, ce qui laisse supposer qu'il y aura des licences où seront comptabilisées les formations d'accompagnement.

Enfin, nous sommes opposés aux parcours qui contractualisent la réussite des étudiants.

Pour conclure, c'est sur la faisabilité même de ce projet de loi que nous nous interrogeons.

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