Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a publié en avril 2020 un rapport sur la réponse apportée par la France à la crise sanitaire pour tenter de guider les décisions visant à construire une société résiliente face aux risques sanitaires et climatiques.
La crise sanitaire du Covid-19 rappelle la fragilité de nos sociétés et révèle nos faiblesses, le peu d'attention portée aux alertes, le manque de prévention et notre vulnérabilité aggravée par les inégalités. Elle met en évidence des choix politiques qui ont entraîné des transformations écologiques, sociales et économiques majeures depuis quarante ans. Les causes structurelles de la pandémie sont à l'origine du changement climatique, notamment la pression insoutenable exercée sur les milieux naturels. L'attention de la collectivité doit être consacrée à l'urgence sanitaire et, au-delà, au traitement des causes profondes ayant causé cette situation, pour réduire les vulnérabilités face aux crises sanitaires et climatiques. Mettre en place une stratégie d'atténuation en agissant sur les causes, dont la stratégie bas-carbone, constitue une solution.
Comme le montre cette crise, les signaux d'alerte antécédents du SRAS pour le Covid-19, rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) pour l'environnement doivent être pris au sérieux. Le HCC préconise de renforcer les systèmes d'alerte précoces par des investissements dans la compréhension des risques, la préparation en amont et la gestion de la crise à tous les stades, dans un cadre international fort (cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, Accord de Paris).
La crise sanitaire a entraîné une baisse des émissions de CO2 de 30 % reposant sur une sobriété imposée et temporaire, non durable, qui ne résulte pas de changements structurels organisés. D'ici la fin de l'année, cette baisse devrait être ramenée à 10 %, soit 45 mégatonnes, ce qui est insuffisant pour atteindre la neutralité carbone. Il est indispensable de mettre en place une approche systématique. Si la crise de 2008 a entraîné une baisse des émissions de 1,5 % en 2009, elle a été annulée par un rebond de 6 % des émissions en 2010. La manière dont nous sortons de la crise sanitaire aura des conséquences sur notre capacité à répondre aux enjeux du changement climatique.
Suite à la crise sanitaire, le HCC préconise d'intégrer l'urgence climatique dans la stratégie de relance en poursuivant une trajectoire de neutralité carbone. Cette dernière doit être inscrite dans les feuilles de route climat de chaque ministère avec un suivi interministériel assuré, par exemple, par le Conseil de défense écologique. Le HCC préconise également de valoriser les avancées de la Convention citoyenne pour le climat dans le débat public. Enfin, plusieurs principes directeurs sont à suivre :
– prioriser les actions qui contribuent directement à la transition bas-carbone juste, porteuse d'emplois, et qui optimisent les rapports coûts-bénéfices pour le climat et les écosystèmes ;
– prioriser une relance verte en évitant les investissements gris qui créent des effets de « verrouillage carbone » comme les primes à la casse en 2008-2009 et la construction de routes ;
– soutenir et accompagner les changements de comportement en encourageant l'usage du vélo et de la marche, en sécurisant les routes et les pistes cyclables, en étendant le télétravail et en renforçant la communication responsable ;
– privilégier les investissements dans l'efficacité énergétique dans les secteurs de l'industrie et du logement et dans les infrastructures bas-carbone dans les secteurs des transports et de l'énergie ;
– investir massivement dans les secteurs structurants que sont la rénovation énergétique des bâtiments et le ferroviaire ;
– consolider les puits de carbone, en rémunérant les pratiques agricoles et forestières ;
– investir dans les technologies nouvelles de stockage de l'énergie et soutenir l'innovation et la commercialisation des marchés bas-carbone émergents comme l'hydrogène et le biogaz ;
– conditionner l'octroi des mesures budgétaires et fiscales à l'adoption de plans d'investissement compatibles avec la neutralité carbone, en demandant des garanties et des visions à long terme aux entreprises à l'aide de méthodologies adaptées ;
– utiliser les leviers existants (normes, commandes publiques, mesures de vérification).
Ainsi, toute aide au secteur automobile doit s'inscrire dans le cadre de la reconversion des chaînes de production vers des véhicules décarbonés. Le raisonnement est similaire pour l'aviation. Les mesures prises jusqu'à présent manquent d'une stratégie d'ensemble assortie d'une évaluation et d'un suivi prévus d'emblée, comme le recommande le HCC dans son rapport sur le cadrage de l'évaluation des lois publié en décembre 2019.
Au niveau financier, le faible prix du pétrole permet de reconvertir les exemptions fiscales et autres subventions aux énergies fossiles. Il est aussi possible de reconvertir la dette en investissement destiné à la neutralité carbone. Enfin, le système européen d'échanges de quotas carbone a besoin de prix planchers pour se consolider et continuer à adresser un signal prix dans les contextes de crise.
Pour conclure, la mobilisation internationale de la France est attendue : plus que jamais, le Gouvernement doit défendre l'Accord de Paris et encourager les ambitions européennes et mondiales, car seule une réponse mondiale renforcera notre résilience et réduira notre vulnérabilité aux crises sanitaires et écologiques. Reporter la COP 26 fin 2021 favorise la mise en place d'un plus grand nombre de mesures et permet de faire œuvre de diplomatie internationale.