Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h25
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Je commencerai par vous rappeler la chronologie de ce texte, qui a fait l'objet d'un long travail intergouvernemental. Il ne vous aura pas échappé que l'objectif est de faire de la formation un outil de progression et d'amélioration de la vie de tout un chacun, qu'il s'agisse d'apprentissage, de formation tout au long de la vie, d'enseignement supérieur ou de la réforme du baccalauréat pour laquelle Jean-Michel Blanquer commence la concertation. Il faut bien se rendre compte que la réforme du baccalauréat se construit sur les trois années du lycée : en admettant que l'on progresse rapidement, le nouveau baccalauréat ne sera pas effectif avant 2021. J'ajoute que ce n'est pas une erreur chronologique que le supérieur définisse ses attendus pour que l'on construise un baccalauréat qui, je vous le rappelle, est le premier diplôme de l'enseignement supérieur. La façon de voir les choses vaut dans un sens comme dans l'autre…

Comme vous, j'aurais adoré trouver les réponses à vos questions dans un texte de loi ; mais bon nombre ne relèvent pas du domaine législatif. Et l'on ne peut pas prendre des décrets ou des arrêtés avant d'avoir voté la loi… Mais je vais tout de même essayer de vous en donner les orientations.

Vous m'interrogez sur l'arrêté de licence et le cadre national. Je veux vous rassurer : récrire l'arrêté de licence ne veut pas dire le supprimer. Toutefois, dès lors que les parcours seront davantage personnalisés, il faudra reprendre certaines dispositions, qui partent du principe que la licence se décompose en années alors que depuis vingt ans, on considère en même temps qu'elle est constituée de crédits européens d'enseignement…

Lorsque l'on a mis en place en France les ECTS dans le cadre du processus de Bologne, on s'est contenté de les rajouter sur ce qui existait déjà. La France est probablement l'un des derniers pays où l'on ne s'inscrit pas au semestre, où l'on ne travaille pas à l'unité d'enseignement (UE), mais où l'on s'inscrit, quoi qu'il arrive, à l'année, ce qui contribue énormément à ce sentiment d'échec qu'ont les étudiants obligés de redoubler leur année pour repasser une, deux ou trois UE alors qu'ils ont validé un certain nombre de crédits ECTS. L'assouplissement du dispositif permet donc à un étudiant de repasser l'année suivante les UE qu'il aura ratées tout en suivant de nouvelles UE : quoi qu'il arrive, il ne se retrouvera en aucun cas en situation d'échec du fait d'un redoublement, et il pourra continuer à progresser : les crédits ECTS restent acquis par les étudiants qui construisent leur parcours avec l'équipe enseignante.

Le parcours personnalisé, comme son nom l'indique, sera construit par un directeur des études au sein de l'établissement qui proposera une gamme d'accompagnements : ce pourra être une remise à niveau dans beaucoup de disciplines, une remise à niveau dans une discipline particulière mais pas dans les autres, un accompagnement méthodologique, etc. Quoi qu'il arrive, l'étudiant sera inscrit dans la licence de son choix et, quoi qu'il arrive, il obtiendra des crédits d'enseignement associés à son année d'études ; et même s'il n'obtient pas forcément 60 ECTS, il commencera à accumuler les 180 ECTS nécessaires à l'obtention de son diplôme de licence. Cela est possible par le fait que l'arrêté de licence prévoit qu'une licence est composée à la fois de disciplines fondamentales et de compétences transversales, lesquelles donnent lieu à attribution de crédits d'enseignement dès la première année. L'étudiant sera donc mis en situation de confiance et commencera déjà à engranger des crédits qui correspondent vraiment à sa licence. Nous introduisons donc une notion de spécialisation progressive et nous donnons aux établissements les outils adaptés pour ce faire, dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent.

Les critères requis pour obtenir une année de césure ne sont pas modifiés ; il est rarissime de refuser une année de césure à l'étudiant. Il s'agit d'un projet d'engagement et de réalisation personnels ou professionnels, qui est travaillé avec l'étudiant et pour lequel il s'engage à rendre un rapport. Vous me demandez si une césure donne lieu à des crédits ECTS. Cela dépend du projet de l'étudiant : certaines années de césure permettent d'obtenir des crédits ECTS, d'autres non. Pour ce qui est du maintien de la bourse, on en reste au droit commun, c'est-à-dire à ce qui s'applique actuellement.

Le projet de loi n'a pas pour objectif d'exclure les étudiants des écoles consulaires des accompagnements prévus. Si la rédaction actuelle pose problème, je suis tout à fait disposé à la modifier.

L'accompagnement administratif se fera dès les résultats du bac et non après la rentrée universitaire. C'est la nouveauté, si je puis dire, par rapport à ce qui s'est passé cette année, où la procédure d'accompagnement administratif n'a été lancée qu'à partir du moment où la plate-forme a fermé, c'est-à-dire à partir du 25 août. Les recteurs auront à leur disposition à la fois un volant de logements en résidence universitaire ainsi qu'un volant de crédits d'aides exceptionnelles. Si un étudiant a besoin d'un logement en résidence universitaire etou une aide financière, le recteur sera en mesure de proposer l'accompagnement approprié. Bien évidemment, c'est lui qui pilotera la commission d'accès à l'enseignement supérieur, chargée notamment de cet accompagnement.

Je précise que la personnalisation n'a pas vocation à accompagner exclusivement des étudiants en difficulté. Cela permet aussi, si je puis dire, de remettre un peu plus dans le droit commun les doubles licences et donc la capacité d'acquérir plus vite des ECTS : qu'on les obtienne plus ou moins rapidement, l'important étant qu'ils soient acquis.

Pour ma part, j'ai toujours parlé de 30 % d'abandons, de 30 % d'échecs et de 30 % de réussites. Les chiffres que vous citez, qui font état de 25 %, sont à peu près du même ordre de grandeur. Mais lorsque vous dites qu'il y a 80 % de diplômés, cela signifie que 80 % des étudiants qui ont entrepris des études supérieures sont diplômés, mais sans préciser le type de diplôme, ni en combien d'années et dans quel type d'école il a été obtenu. Vous reprenez une statistique générale de diplômation, en aucune manière une statistique de diplômation du cycle licence.

À vous entendre, monsieur Juanico, la fiche « Avenir » stresse les équipes pédagogiques… Mais ce n'est pas nous qui l'avons inventée ! Il n'est absolument pas question de revenir sur l'idée selon laquelle l'orientation doit démarrer le plus tôt possible, y compris dès la sixième. Nous avons mis très rapidement en place ce dispositif afin que les professeurs s'en emparent dès l'année de terminale. Cette construction de l'orientation tout au long des cycles du collège et du lycée est une bonne idée, mais il ne faut pas que cela stresse les équipes pédagogiques. On a aussi le droit d'aborder l'université en souhaitant avoir une formation beaucoup plus pluridisciplinaire pour découvrir aussi ce que sont les disciplines dans l'enseignement supérieur : ce n'est pas toujours la même chose qu'une discipline de terminale.

En revanche, je ne suis pas d'accord lorsque vous dites qu'il y a eu peu de tirages au sort. Certes, 66 000 tirages au sort représentent moins de 10 % du total, mais on ne peut pas dire que ce n'est pas beaucoup, surtout pour ceux qui n'ont pas eu de chance…

Vous me demandez si la plate-forme sera prête. Bien sûr, elle le sera, et c'est pour cela que j'ai souhaité saluer tous ceux qui y travaillent d'arrache-pied. Des simulations sont en cours. Je n'ai aucune inquiétude à ce sujet.

Enfin, peut-être n'ai-je pas suffisamment expliqué ma position sur la hiérarchisation des voeux. Avec le nouveau dispositif, les futurs étudiants rempliront moins de voeux. En fait, nous voulons qu'ils n'inscrivent dans leurs voeux que des choses qu'ils ont envie de faire. Imaginons qu'un étudiant hésite entre une licence de sociologie et d'anthropologie et que, au vu de son profil, on lui répond qu'il est admis en anthropologie mais qu'il lui manque des bases en histoire, et qu'il est aussi admis en sociologie. On ne peut pas lui demander a priori s'il préfère la licence d'anthropologie avec remise à niveau ou celle de sociologie sans remise à niveau. C'est pour cela que l'on ne demande pas de hiérarchisation des voeux. Par contre, quand il reçoit ses réponses, il sait qu'il pourra suivre une formation avec remise à niveau ou une autre sans remise à niveau ; il choisit en toute connaissance de cause.

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