Le Président de la République a obtenu qu'il n'y ait pas de droit de veto de la part des États membres, mais il me semble préférable de poursuivre le train des réformes.
Comment faire face en cas de nouvelle crise ? Cette question essentielle explique une grande partie de notre stratégie. Certains commentateurs, qui ne sont pas aux manettes, ont l'argent facile et jugent qu'il aurait fallu mettre 200 milliards d'euros sur la table. Or, la somme de 100 milliards d'euros correspond exactement à ce qui a été perdu en points de PIB – 4 points à 25 milliards d'euros –, c'est donc un choix cohérent, responsable et bien calibré pour répondre à la crise. En outre, ce décaissement créera de la dette, car l'argent, dont certains Français s'inquiètent de savoir où nous le trouvons, est emprunté. Ceux qui nous accusent d'être petits joueurs sont d'ailleurs les mêmes qui refusent de rembourser la dette. Pour notre part, nous nous en acquitterons, et nous avons décidé de le faire au même rythme que nos voisins allemands. Ce procédé nous permettra, en cas de nouvelle pandémie, de protéger à nouveau nos emplois et nos entreprises grâce à des batteries financières rechargées ; cela s'appelle la responsabilité.
Ceux qui affirment que les taux d'intérêt ne remonteront jamais ne sont en général pas ceux qui tiennent les manettes, car quand vous avez cette charge, vous ne jouez pas avec l'avenir des Français et vous ne faites pas un pari aussi hasardeux. S'il y a bien une chose que j'ai apprise durant cette crise, c'est l'humilité : nous ne pouvons pas appuyer des décisions qui engagent les générations futures sur de simples approximations.
Monsieur Saint-Martin, je laisserai Olivier Dussopt vous répondre en détail sur le décaissement et le suivi, qui sont des points clés.
Monsieur Mesnier, la relocalisation des industries de santé est un enjeu absolument stratégique pour les Français, qui ont découvert avec stupéfaction que nous ne pouvions plus produire un certain nombre de principes actifs alors que nous disposons d'une industrie pharmaceutique de tout premier plan. Nous allons donc soutenir l'investissement pour sécuriser le secteur stratégique de la santé, afin de permettre la production de produits de santé prioritaires : médicaments, dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, et leurs composants stratégiques, y compris ceux liés à la covid-19.
Nous allons aussi renforcer les outils capitalistiques à l'industrialisation des industries de santé. Un appel à manifestation d'intérêt doté de 120 millions d'euros pour identifier les projets d'investissements relatifs à la production de médicaments doit permettre de relocaliser la production des principes actifs. Nous avons engagé des travaux avec Seqens, Upsa, Sanofi avec pour objectif que la France soit en mesure d'ici trois ans de produire, de conditionner et de distribuer du paracétamol ; voilà une illustration concrète de nos ambitions.
Monsieur Labaronne, mobiliser les 100 milliards d'euros d'épargne des Français – soit un montant équivalent à celui du plan de relance – est un enjeu essentiel. Nous avons donc pris des mesures pour les inciter à dépenser leur argent. Les primes à la conversion et au véhicule électrique ont été un franc succès : le quota des 200 000 voitures éligibles à la prime à la conversion a été épuisé en un mois et demi et le nombre de véhicules électriques vendus a fortement augmenté, si bien que le nombre des voitures vendues en juin 2020 a dépassé celui atteint au mois de juin 2019.
Par ailleurs, un label « France Relance » permettra aux épargnants d'identifier les placements collectifs les plus à même de renforcer les fonds propres des entreprises françaises, notamment dans le cadre de l'assurance-vie. Cela suppose, du reste, d'assouplir certaines des règles pesant sur ces produits. J'ai donc demandé au vice-président exécutif de la Commission européenne Valdis Dombrovskis d'accélérer les travaux sur la directive solvabilité II, stratégiques pour que les épargnants investissent dans l'économie réelle. Pour que les assureurs soient davantage incités à se tourner vers celle-ci, le ratio de 30 % de fonds propres exigé doit être baissé.
Enfin, pour que les Français dépensent l'épargne de précaution stockée sur leur livret A ou leur compte courant, ils doivent être assurés qu'on ne leur reprendra pas d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre. C'est pourquoi nous nous engageons à ne pas augmenter les impôts dans les deux années qui viennent.
Madame Louwagie, nous maintenons le dispositif du chômage partiel avec un reste à charge nul pour les entreprises fermées administrativement, dont les discothèques. Nous devons toutefois réfléchir à ce qu'il convient de faire ensuite. Nous ne savons pas comment l'activité va repartir dans certains secteurs ; c'est le cas des discothèques et du transport aérien.
J'en viens au transmanche, un sujet qui vous tient à cœur, madame Louwagie, comme à M. Jumel et à moi-même. Les entreprises de transport de voyageurs – maritime, ferroviaire, aérien – sont parmi celles qui ont été les plus touchées par la crise. Si nous avons mis en place des soutiens massifs au travers des prêts garantis par l'État, j'ai conscience que Brittany Ferries rencontre des difficultés majeures. J'ai donc demandé au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) de se saisir du dossier pour apporter des réponses concrètes aux administrateurs de cette société, et nous la soutiendrons dès que le comité aura publié son diagnostic et proposé un modèle économiquement viable sur le long terme, car c'est un enjeu de taille pour la Bretagne et la Normandie.
Monsieur Barrot, concernant l'emploi des jeunes, je rappelle que nous avons mis en place toute une série de dispositifs à hauteur de 6 milliards d'euros, dont les deux plus significatifs sont la prime de 4 000 euros et la prime à l'apprentissage.
Quant au rôle des territoires, il est absolument essentiel. Et, soyons là aussi pragmatiques : nous n'arriverons pas à trouver 100 milliards d'euros de projets nouveaux dans les communes, les départements ou les régions. Près de chez moi, au Pays basque, une commune a passé un appel d'offres pour consolider un barrage, mais il n'y a pas d'argent. Au lieu de chercher de nouveaux projets, nous allons donc plutôt nous appuyer sur les préfets et sous-préfets à la relance pour faire émerger les projets existants et leur apporter les financements nécessaires. De la même façon, des grandes villes ont des projets de pistes cyclables ou de rénovation thermique des bâtiments ; j'ai reçu la maire de Paris, Anne Hidalgo, au sujet d'un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments en brique de la petite ceinture. Je préfère participer au financement des projets existants pour accélérer les travaux, créer de l'emploi et faire baisser le chômage, plutôt que de perdre du temps à en chercher de nouveaux.
Madame Rabault, je ne partage ni votre diagnostic ni votre analyse de notre plan de relance. Vous avez raison de vous référer aux données de l'INSEE ; celles-ci montrent toutefois que si le choc de la crise a été absorbé à près de 50 % par les entreprises et à plus de 50 % par l'État, les ménages ont quant à eux été protégés. De tous les pays de l'OCDE, la France est celui qui a le plus protégé le pouvoir d'achat des ménages, ce qui était une bonne et sage décision. Il ne serait en revanche pas très cohérent de réemployer autant d'argent pour soutenir à nouveau la demande. Nous avons fait le choix d'intervenir le plus tôt possible pour éviter le drame de centaines de milliers de licenciements et pour protéger l'emploi.
Nous avons conscience que la situation évolue, et je vois la précarité que certains d'entre vous déplorent : étant en contact avec les banques alimentaires, je sais qu'elles accueillent toujours plus de public, en particulier des personnes qui ne les avaient jamais fréquentées auparavant. Si nous constatons qu'il faut une aide plus importante sur le terrain, nous renforcerons bien sûr notre soutien. La meilleure façon de répondre à ce défi est néanmoins de créer des emplois : le taux de pauvreté en France est d'environ 14 %, mais celui des chômeurs est de 37 %. La meilleure réponse à la pauvreté, c'est donc de protéger l'emploi comme nous l'avons fait et de créer de nouveaux emplois. J'estime d'ailleurs que les 30 milliards d'euros qui financent le chômage partiel constituent un soutien à la demande, quoi que vous disiez sur notre position, qui est parfaitement cohérente.
Madame Six, les PGE ne seront pas transformés en obligations convertibles ; de tels produits ainsi que des prêts participatifs seront néanmoins mis en place par Bpifrance pour apporter des quasi-fonds propres aux entreprises.
Monsieur de Courson, le rétablissement de la confiance suppose d'avoir un cap très clair – pas d'augmentation d'impôts, un soutien à l'emploi et aux entreprises, une transformation du modèle économique – pour que les Français sachent où nous allons.
Concernant le calendrier, j'insiste sur le fait que beaucoup des dispositifs qui seront inscrits dans le PLF sont déjà disponibles : c'est le cas d'une partie du dispositif MaPrimeRénov' et du plan jeunes, que les entreprises peuvent utiliser dès à présent.
Je laisserai Olivier Dussopt vous expliquer le mécanisme de compensation de la baisse des impôts de production.
Vous affirmez, monsieur Coquerel, que nous ne faisons rien contre le chômage ; j'estime au contraire que 30 milliards d'euros pour le dispositif du chômage partiel, c'est tout à fait significatif. Nous avons également consacré un demi-milliard d'euros à l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire au bénéfice des ménages les plus modestes. Je suis également très préoccupé par la situation des étudiants, qui font partie des populations les plus touchées par la crise et auxquels il faut tendre la main : nous avons pris la décision de ramener le prix du repas universitaire à un euro au lieu d'un peu plus de trois euros et nous allons accélérer la mise en œuvre du programme sur les logements étudiants.
Quant à la culture, elle va bénéficier de 2 milliards d'euros dans le cadre du plan.
Je veux tordre le cou à l'idée selon laquelle les aides ne bénéficieraient pas aux PME, notamment la baisse des impôts de production. Je vous invite à vous rendre dans la vallée de l'Arve pour discuter avec les PME du décolletage ; vous pourrez ainsi constater à quel point cette mesure est vitale pour elles, en raison du risque de délocalisation de la production en Suisse, où ces impôts sont beaucoup plus faibles. Nous aurions pu faire un choix différent, beaucoup plus simple techniquement : supprimer la C3S. Nous ne l'avons pas fait, précisément parce que cette suppression aurait bénéficié davantage aux grandes entreprises qu'au secteur industriel.
Monsieur Ledoux, parmi les changements de la vie quotidienne, je pourrais mentionner la rénovation énergétique, le développement de l'offre de trains, les pistes cyclables. Surtout, un élément capital pour la revitalisation du commerce de centre-ville qui n'a pas encore été évoqué est l'action de la Caisse des dépôts et consignations au travers des foncières : la Caisse va investir plusieurs milliards d'euros pour racheter des commerces fermés, les fusionner, les rénover, notamment sur le plan thermique, puis les louer à des commerçants à un tarif attractif. Elle a ainsi créé 6 000 foncières, chiffre que je souhaiterais voir porter à 10 000 très rapidement.
Monsieur Jumel, nous avons prévu 1,6 milliard d'euros au total en faveur de l'agriculture. Pour les précaires et les invisibles, toutes les mesures de soutien à l'emploi et de chômage partiel sont absolument vitales, et la conditionnalité relative à l'intéressement et à la participation peut leur être très favorable. Je rappelle en outre que nous avons revalorisé la prime d'activité pour augmenter le SMIC de 100 euros par mois et que cette mesure d'ordre pérenne, qui ne fait pas partie du plan de relance, coûte 10 milliards d'euros par an.