Intervention de Richard Lioger

Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 14h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Lioger, rapporteur pour avis :

En cette période de bouleversements sanitaires, environnementaux, sociétaux et technologiques, le Gouvernement fait le choix de miser sur la recherche pour nous aider à répondre à ces grands défis et aussi contribuer à la relance économique de notre pays.

La recherche a besoin de moyens et de visibilité à long terme. Pourtant, cela faisait plus de seize ans qu'une loi de programmation pluriannuelle n'avait pas été présentée au Parlement. De fait, la situation de notre recherche nationale s'est beaucoup dégradée. Le projet de loi que nous allons examiner porte de grandes ambitions et mobilise des moyens d'un niveau inédit jusqu'alors.

L'État investira ainsi dans ses infrastructures de recherche, ses laboratoires et sur ses scientifiques plus de 25 milliards d'euros entre 2021 et 2030, pour atteindre en fin de période un supplément budgétaire annuel de 5,1 milliards d'euros.

Renforcer l'emploi scientifique en France est une priorité. Les crédits annoncés financeront une revalorisation, différenciée mais générale, des personnels de la recherche publique et relanceront les recrutements – notamment parmi les personnels ingénieurs, techniciens et administratifs qui ont payé le plus lourd tribut aux rationnements budgétaires de ces dernières années. Les syndicats des personnels regrettent que les emplois pérennes ne progressent pas davantage, mais ce plan permettra tout de même d'accroître les effectifs sous plafond de 5 200 emplois en équivalent temps plein travaillé, et de 15 000 emplois hors plafond. Une attention particulière est prêtée aux jeunes chercheurs et aux doctorants, avec une progression des contrats doctoraux de 20 %. De nouvelles modalités de recrutement seront créées pour s'adapter à la diversité des parcours professionnels. Le Gouvernement ouvrira notamment des chaires de professeur ou de directeur junior susceptibles d'attirer les talents les plus prometteurs, à un rythme de 300 par an en fin de période, s'ajoutant et non se substituant aux recrutements statutaires.

L'autre grand choix stratégique de cette programmation est de s'appuyer largement sur les appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour relancer les investissements dans la recherche publique et privée nationale. L'objectif est d'augmenter de 150 % son budget d'intervention. Sa trajectoire financière sera également deux fois plus rapide que les autres investissements les premières années, pour atteindre sa vitesse de croisière de 1 milliard d'euros supplémentaires par an dès 2027. Pour accélérer encore sa montée en puissance, le plan gouvernemental « France Relance », présenté le 3 septembre dernier, ajoutera 400 millions d'euros sur les deux prochaines années. Ces renforts devraient permettre d'obtenir un taux de succès aux appels à projets de l'ANR de 25 % dès 2021, alors qu'il n'est encore que de 16 % aujourd'hui. Ils amorceront aussi le nouveau dispositif du préciput que la programmation veut faire passer d'un taux de 19,6 % à 40 %. Ces deux évolutions devraient offrir de puissants leviers à la stratégie de consolidation et de redynamisation de la recherche nationale.

Selon son niveau, le taux de succès aux appels à projets de l'ANR peut décourager en effet les projets audacieux et désespérer les laboratoires par manque de perspectives. J'ai pu le constater pendant trois ans en tant que rapporteur pour avis du budget des organismes de recherche. Un bon taux de succès à ces appels à projets peut au contraire stimuler la créativité, favoriser les collaborations, et donner une première chance aux jeunes chercheurs. Quant au préciput, qui finance les frais de gestion des porteurs de projet et les charges pour les établissements hébergeurs, bien que notoirement insuffisant il est vital au fonctionnement des laboratoires et des établissements de recherche. Son doublement les consolidera en leur donnant de nouvelles marges de manœuvre pour financer d'autres projets.

Ces divers crédits et d'autres bénéficieront indirectement, par un environnement revivifié pour la recherche en général, ou directement à la recherche partenariale et à l'innovation ainsi qu'au renforcement de la contribution de la recherche nationale à la compétitivité des entreprises. L'ANR doublera à terme les dotations de plusieurs instruments de financement dédiés : les chaires industrielles, les laboratoires communs (LabCom) constitués entre le monde académique et une petite et moyenne entreprise (PME) ou une entreprise de taille intermédiaire (ETI) et les incitations à la création des instituts Carnot. Ces instruments ont montré leur intérêt pour renforcer les partenariats entre la recherche publique et les entreprises. Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), qui soutiennent les travaux d'un doctorant accueilli dans une entreprise, seront par ailleurs augmentées de 50 % d'ici 2027.

Enfin, des moyens seront mobilisés pour la maturation et l'accompagnement des projets d'entrepreneuriat étudiant et de création de start-ups, dans l'objectif de créer 500 start–ups de haute technologie par an à partir de 2030, contre 170 par an aujourd'hui.

Par ailleurs, quinze pôles universitaires d'innovation (PUI) seront labellisés pour augmenter l'efficacité du transfert des connaissances et technologies de la recherche publique vers les entreprises. Il s'agira de mettre en place, à l'échelle d'un grand site universitaire, sans création de structure nouvelle, une organisation qui rende plus lisible l'offre de transfert en associant étroitement les différents acteurs du transfert et de la recherche partenariale. Les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) pourront un jour être intégrées dans les universités comme des départements de transfert de technologies, mais le processus se fera progressivement. En attendant, les SATT conserveront leur statut d'entreprise.

La stratégie passera également par un assouplissement des dispositifs statutaires permettant à des personnels de la recherche publique de collaborer avec le monde économique. Ainsi, l'article 13 du projet de loi vise à élargir les possibilités des fonctionnaires civils des services et établissements de recherche de l'État de créer ou participer à la vie d'une entreprise, notamment comme associé ou dirigeant, dans le cadre de l'exécution d'un contrat conclu entre cette entreprise et leur employeur et dans les rigoureuses limites déontologiques fixées par la loi. Quant à l'article 14, il aménage les règles du cumul des activités publiques et privées, les étend à de nouveaux bénéficiaires, et reconnaît aux enseignants-chercheurs comme aux chercheurs la possibilité de percevoir un complément de rémunération des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), fondations ou entreprises auprès desquels ils sont mis à disposition à temps complet ou incomplet.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle porte donc une stratégie globale prometteuse pour la recherche en général et pour encourager le développement des collaborations entre le monde académique et le monde économique. On peut enfin en escompter un réel effet de levier sur la recherche privée, même si cette dernière dépend également d'autres facteurs.

Je donnerai donc un avis très favorable aux articles dont notre commission s'est saisie : l'article 1er, qui propose d'approuver le rapport annexé au projet de loi, pour ce qui est de la mobilisation des moyens budgétaires et de la stratégie de soutien à la recherche partenariale ; l'article 2, qui précise les trajectoires financières de l'ensemble des crédits investis et des dotations de l'ANR en particulier ; enfin, les articles 13 et 14, qui portent des réformes statutaires qui devraient faciliter les échanges des chercheurs avec les entreprises.

Je donnerai également un avis favorable à la demande du Gouvernement d'être habilité à légiférer par ordonnance sur deux sujets intéressant la recherche agricole – 2° et 4° de l'article 22.

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