Intervention de Sébastien Nadot (Écologie

Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 14h00
Commission des affaires économiques

Sébastien Nadot (Écologie, Démocratie, Solidarités) :

Merci.

La communauté de la science et de la recherche attendait avec impatience ce projet de loi de programmation de la recherche. C'est donc avec satisfaction et intérêt que le groupe EDS souhaite apporter sa contribution à l'examen de ce texte.

Dans cet esprit, nous avons déposé plus d'une cinquantaine d'amendements pour l'examen en commission des affaires culturelles et de l'éducation. Ce travail a été conduit en étroite collaboration avec les acteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui ont pu nous alerter sur plusieurs points.

La trajectoire budgétaire qui structure ce texte sur une période inhabituellement longue ne correspond pas à un exercice budgétaire sincère, et ne correspond pas davantage aux enjeux du secteur ni aux réalités économiques et politiques de notre pays. Ramener la périodisation du projet de loi à 2027 s'impose à nos yeux. C'est ce que réclame l'ensemble des acteurs de la recherche du pays et ce que laisse entendre fortement le Conseil d'État dans son avis. De nombreux amendements émanant de plusieurs groupes parlementaires ont été déposés en ce sens. Il est important que le Gouvernement et la majorité ne s'opposent pas à cette amélioration cruciale du texte.

L'effort budgétaire doit par ailleurs se concentrer en début de période. Nous saluons à cet égard l'effort budgétaire consacré à la recherche par le plan de relance. Les annonces du Premier ministre devront, bien entendu, être suivies d'actes.

Le texte semble oublier les principaux acteurs de la recherche en France que sont les maîtres de conférences et les personnels administratifs. Rien sur l'articulation essentielle entre recherche et enseignement supérieur ! C'est un non-sens économique.

Concernant les nouveaux dispositifs de recrutement, l'étude d'impact ne permet pas d'émettre un avis fondé, en particulier sur le système de tenure track. Ce modèle d'inspiration anglo-saxonne semble ici plaqué sur le système français sans réflexion sur la cohérence d'ensemble. En tout cas, l'étude d'impact ne fournit pas d'éléments permettant de préciser les choses. La précarisation et la discrimination des femmes, que l'on constate dans les pays où existe ce système, ne semblent pas prises en compte dans le projet de loi. Plusieurs groupes parlementaires demandent la suppression de l'article 3. Nous espérons que le Gouvernement et la majorité comprendront qu'en l'état, l'introduction du système de tenure track en France est précipitée. Le projet de loi n'apporte pas de garanties suffisantes contre la précarisation et les effets de discrimination à l'encontre des femmes chercheurs. La mise en cohérence du dispositif avec la voie principale de recrutement par concours des enseignants-chercheurs n'est pas démontrée, voire ignorée.

La France, avec ses 28 % de femmes chercheuses, se situe sous la moyenne européenne à 33 %. Or ce texte ne comporte aucune invitation à une transformation vers l'égalité femmes-hommes dans le monde de la recherche.

Enfin, il manque une réflexion stratégique poussée sur les grands programmes de recherche. Quels sont les grands programmes à engager ou à accélérer ? Quels sont les programmes jugés non-prioritaires ? Pour une loi de programmation, une telle lacune ne laisse pas de surprendre !

D'autres sujets tout aussi essentiels sont malheureusement absents de ce projet de loi de programmation. La spécificité des sciences humaines et sociales n'apparaît pas. Est-ce un projet de loi sur la recherche, ou seulement sur l'innovation ? Que peut et que doit faire la France face aux défis environnementaux pour remplir les objectifs de développement durable auxquels elle a souscrit ? Comment atteindre vraiment l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 du plan climat ? Comment la recherche française s'inscrira-t-elle dans celle de l'Europe et quel doit être son rayonnement mondial ? Voilà des questions auxquelles nous aurions aimé trouver des réponses dans le projet de loi.

Le groupe EDS considère qu'un substantiel travail d'amélioration de ce texte est nécessaire.

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