Intervention de Annick Girardin

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 17h30
Commission des affaires économiques

Annick Girardin, ministre de la mer :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation. J'ai participé à de nombreuses auditions au sein de cette maison, d'abord en tant que députée, puis en tant que, successivement, secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ministre de la fonction publique et ministre des outre-mer. Mon émotion, aujourd'hui, est toute particulière : cette première audition comme ministre de la mer constitue un événement, puisque cela faisait trente ans que la France ne disposait pas d'un tel ministère. Cette visibilité a été souhaitée par le Président de la République, et c'est pour moi un honneur d'accepter une mission d'une telle envergure.

Nombre d'entre vous ont milité pour la création de ce ministère. Dès ma nomination, j'ai souhaité qu'il couvre un maximum de champs, en liaison avec les autres ministères. Le décret d'attribution indique clairement que le ministère de la mer travaillera en lien étroit avec eux, notamment avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et avec le ministère de la transition écologique, également chargé des transports – pour ne citer que les principaux. J'ai une longue expérience du travail interministériel, puisque 80 % des dossiers que j'ai traités en tant que ministre des outre-mer étaient interministériels. N'ayez donc aucune crainte, nous pourrons travailler tous ensemble. Seuls, nous allons très vite, mais à plusieurs, nous allons bien plus loin : telle a toujours été ma devise.

La responsabilité du ministère est de renforcer la place de la mer dans le quotidien des Français et d'atteindre les objectifs du développement durable, en suivant les trois lignes de fond que je vais vous présenter.

Nous devons d'abord répondre au défi du siècle, le défi de l'environnement. La biodiversité marine doit être préservée et valorisée durablement. La mer est un bien commun. Certains ici présents en ont fait leur combat. La préserver est plus qu'un devoir, il s'agit tout simplement d'une question de survie. L'atteinte du quatorzième objectif de développement durable des Nations Unies relatif aux océans, aux mers et aux ressources maritimes structure mon action. Aujourd'hui, comme beaucoup d'entre vous, je porte un pin's qui rappelle les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies. J'ai une pensée pour tous ceux qui ont travaillé à leur élaboration ; d'ailleurs, j'étais alors présente à New‑York en tant que secrétaire d'État chargée du développement. Je fus en outre l'une des chevilles ouvrières de la COP21, portant notamment la voix des États insulaires. Ces fonctions ont nourri mes convictions sur les questions maritimes.

Nous devons ensuite faire rayonner la France par la mer. Chaque Français doit comprendre à quel point la mer compte dans l'avenir de notre pays, dans l'avenir de l'humanité. La refondation du ministère de la mer a été saluée très largement au plan national, européen et international. La voix de la France doit, aujourd'hui, devenir encore plus forte.

Enfin, nous devons faire de la France une puissance économique océanique, en accompagnant le développement et la transformation de la filière maritime. Malgré les 91 milliards d'euros de chiffre d'affaires et les 400 000 emplois dans l'industrie et les services que représente la filière, la croissance bleue n'est pas encore une réalité suffisante, aujourd'hui, en France. D'ici à 2022, elle devra constituer un véritable levier de richesse collective, encore plus important qu'elle ne l'est actuellement, reposant sur un modèle plus juste, plus durable et capable de répondre aux enjeux de compétitivité internationaux. Comme je l'ai souvent dit ici, la France possède le deuxième domaine maritime mondial, mais quand sera-t-elle une véritable puissance maritime ? Au-delà des chiffres, l'économie maritime joue un rôle structurant pour nos territoires littoraux, comme dans les territoires ultramarins, et elle constitue dans tout le pays des chaînes de valeur incluant des industriels de premier rang et des pépites que nos concitoyens ne connaissent pas toujours. Mon travail consiste aussi à rendre les Français plus fiers de ce que représentent ces richesses maritimes, souvent ignorées.

Le monde maritime se transforme. Je souhaite que nos industries accompagnent cette transformation et en profitent pour se développer. Les acteurs ont commencé à se structurer, notamment dans la filière des industries de la mer, l'une des dix-huit filières stratégiques du Conseil national de l'industrie, que suit le ministère chargé de l'industrie. Ils ont pris des orientations fortes en matière de navires verts et de numérisation des processus, ce qui conditionne un autre volet très important de la question, celui de la formation, sur lequel nous reviendrons par la suite.

Ces orientations sont en ligne avec le plan de relance, dans lequel l'économie maritime a toute sa place. La mer fait partie des secteurs d'avenir qui ont été identifiés. L'écologie est un des piliers de France relance ; dans ce domaine, l'État donnera l'exemple, en amorçant le verdissement de la flotte relevant des affaires maritimes. Deux volets ont été identifiés comme appelant une action spécifique du ministère de la mer, même si la relance maritime ne se limite pas à eux deux. L'effort décidé par le Gouvernement en faveur du trafic transmanche, par exemple, prouve qu'au‑delà du plan de relance, nous accompagnons chaque filière de manière spécifique. De nombreuses mesures du plan de relance ont vocation à soutenir l'économie maritime dans son ensemble. Mon ministère accompagnera les porteurs de projets et les territoires dans tous les domaines, du tourisme à l'industrie, en passant par les actions au profit de la préservation de l'environnement. Pour prendre un exemple concret, les actions conduites au profit de l'assainissement dans les zones côtières auront un effet positif sur les activités conchylicoles et sur le tourisme. Si, dans le plan de relance, certaines mesures sont colorées en bleu, d'autres ont aussi une influence sur les questions maritimes ; les mesures sont en réalité bien plus larges, et nous devons montrer à l'ensemble des Français les aspects positifs de toutes ces actions. Comme l'ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre, chaque ministère dispose d'un conseiller chargé de la relance et d'un autre chargé des territoires. C'est le cas au sein de mon cabinet, qui est à votre disposition pour continuer à travailler avec vous dans les jours et les semaines à venir.

Le développement de l'économie bleue suppose une industrie innovante pour relever les défis qui se présentent à elle. Qu'il s'agisse de l'exploration du milieu ou de la surveillance des dispositifs placés en mer en vue de produire de l'énergie renouvelable, de nouvelles problématiques mobilisent la robotique, le traitement des données massives ou l'intelligence artificielle. Ainsi, j'ai eu l'honneur de remettre tout récemment la première certification de navigation à un navire de services téléopéré : un commandement, à Paris, a pu piloter à distance un bâtiment qui quittait le port de Toulon. Il s'agit d'une première mondiale, s'agissant d'un bateau de plus de quatre-vingts mètres. La France continue donc à innover, et cette innovation doit être soutenue.

Dans tous ces domaines, qu'il s'agisse de l'industrie, du développement de l' offshore ou de l'importance accordée à l'export, nous travaillons au quotidien et apportons notre soutien à la recherche et développement et à l'innovation industrielle, notamment par l'intermédiaire du Conseil de la recherche et de l'innovation des industriels de la mer, le CORIMER. Le quatrième programme d'investissements d'avenir, que vient de lancer le Gouvernement, sera un outil important du plan de relance.

Les trois lignes de fond que je viens de vous présenter se traduisent par des actions concrètes que je souhaite articuler autour d'une seule et même idée : faire de ce ministère un ministère des usages et des usagers. Telle est la dynamique que doit créer ce ministère, qui est, en fin de compte, un ministère de planification, afin de trouver un équilibre entre les activités économiques en mer, les préoccupations sociales et la préservation de l'environnement marin.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les objectifs qui sont les nôtres. Nous pouvons les atteindre ensemble, si nous partageons une ambition très simple : faire en sorte que plus aucun gouvernement ne puisse se passer d'un ministère de la mer !

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