Monsieur Adam, il a été décidé d'intervenir auprès de l'ensemble des compagnies de ferries, en Manche et en Méditerranée. Des mesures d'urgence ont été prises, notamment l'application au secteur du dispositif de chômage partiel et des prêts garantis par l'État. Il s'agit ensuite d'accroître la résilience du secteur du transport transmanche, qui doit faire face à la crise sanitaire, à l'exigence de quatorzaine imposée par le Royaume-Uni et aux angoisses et aux inquiétudes des marins et de leurs familles liées au Brexit. Les compagnies ont perdu jusqu'à 80 % de leur chiffre d'affaires par rapport à 2019. Il est essentiel que nous soyons à leurs côtés. Pour assurer la résilience du secteur, il nous a fallu apporter des réponses supplémentaires, annoncées la semaine dernière, dans l'hémicycle, par le Premier ministre, notamment l'élargissement des exonérations de charges sociales, qui constituent une aide directe à l'emploi. Le Premier ministre a souhaité que les ministères concernés réunissent ensuite l'ensemble des acteurs, afin de leur présenter ce dispositif, pour l'heure décidé pour 2021, et qui devrait représenter un engagement de 30 millions d'euros par an.
Nous avons débattu avec eux de ces questions, ainsi que des dispositifs consacrés à la formation et de la relance du tourisme grâce à des campagnes de publicité et à l'accès au prêt garanti par l'État « saison ». Les compagnies sont inquiètes, car les banques semblent ne pas les suivre pour l'octroi de ce prêt, par manque de visibilité. Nous verrons, après cette période de résilience, combien de temps durera la crise et comment nous accompagnerons les compagnies ; le plus important est de travailler dans la durée. Je pense en particulier qu'il importe d'ouvrir un chantier sur l'attractivité du pavillon France. J'ai proposé la création rapide d'un groupe de travail ; dès qu'il sera opérationnel, nous le ferons savoir à l'ensemble des parlementaires pour que ceux qui veulent travailler sur la question puissent le rejoindre.
En revanche, l'aide ne concerne pas les délégations de service public. Nous poursuivons néanmoins nos discussions avec les compagnies.
S'agissant d'Haropa, initiative portuaire d'envergure internationale lancée en 2018, la fusion des ports de l'axe Seine – Le Havre, Rouen et Paris – reste notre objectif. Nous avions annoncé qu'elle serait définitive, avec une gouvernance opérationnelle, au 1er janvier 2021. La crise sanitaire exige de laisser un peu plus de temps. L'État devra rendre ses arbitrages rapidement, car il semble que la dynamique faiblisse et que l'inquiétude grandisse. De nouvelles annonces seront faites dans les prochaines semaines, probablement lors d'un prochain Comité interministériel de la mer.
Pour ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre dans le transport maritime, je souhaite que, au-delà de ce qui est fait en Manche et en mer du Nord, on conduise une action plus stricte en Méditerranée. Sur ce plan, la France ne peut agir seule, et nous devons porter ce dossier devant l'OMI. Auparavant, il nous faudra persuader nos voisins ainsi que l'Union européenne. Le travail a déjà commencé et nous passons à la vitesse supérieure. Je sais pouvoir compter sur nombre d'entre vous. Les armateurs ont proposé une réduction de la vitesse des navires ; la France a soutenu cette proposition et elle la soumettra à l'OMI, où je ferai entendre sa voix.
Nous serons au rendez-vous des aires marines protégées. Je ne peux que confirmer la stratégie nationale pour 2020-2030, qui prévoit la création ou l'extension de seize réserves naturelles nationales maritimes et terrestres. Dans le plan de relance, 60 millions d'euros sont attribués aux aires marines et terrestres protégées, ce qui nous permettra d'avancer plus rapidement et d'être dans les temps. Cela est conforme à l'engagement du Président de la République, que je ne peux que réaffirmer ici. Avec Mmes Barbara Pompili et Bérangère Abba, nous sommes totalement impliquées dans ce dossier.
Je serai présente à New York pour participer à la session de la conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ) des Nations Unies. Comme je l'ai déjà souvent fait par le passé, je porterai la voix de la France, qui doit être davantage entendue. Nous devons mener le combat pour la reconnaissance de l'océan comme un bien commun de l'humanité. Il nous faut convaincre la Commission européenne, ce qui ne va pas de soi, et apporter des réponses aux pays en développement, qui s'interrogent sur la notion de bien commun de l'humanité et craignent de voir la haute mer accaparée, comme d'autres espaces ont pu l'être. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
S'agissant du Brexit – dossier majeur pour mon ministère –, sur le volet pêche comme sur le volet transmanche, la task force dirigée par M. Michel Barnier mène les négociations dans le cadre fixé par l'Union européenne. Ce cadre est immuable. Nous ne bougerons pas d'un iota concernant le mandat de négociation donné à M. Michel Barnier. Le Président de la République et moi-même le lui avons redit : sans accord sur la pêche, il n'y aura pas d'accord global. Il n'empêche qu'il faut aussi, comme je l'ai indiqué aux pêcheurs la semaine dernière, nous préparer à l'éventualité d'un Brexit sans accord. Nous avons commencé à travailler sur le sujet avec le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) ; ce travail doit être conduit de manière apaisée, afin de répondre aux angoisses des marins-pêcheurs français et européens.
Le transport maritime est déjà éligible aux certificats d'économies d'énergie, Monsieur Pahun, mais les acteurs demandent une bonification, car les investissements sont très lourds. Le principe d'une bonification n'est pas aberrant, mais le niveau des demandes est élevé ; nous devons engager une négociation, poursuivre le travail en cours avec le ministère de la transition écologique et définir la bonification appropriée. Le dossier est sur mon bureau.
S'agissant de l'épargne de précaution, je soutiens cette idée. Dans le contexte de l'épidémie de covid-19 et du Brexit, les incertitudes sont grandes et nous nous devons d'apporter des réponses. J'ai demandé à mes services de vous rencontrer, Monsieur Pahun, pour travailler sur le sujet afin que nous puissions annoncer rapidement des mesures.
J'en viens aux phytoplanctons. C'est effectivement une question de survie. Les jeunes générations nous le rappellent et nous disent que nous ne pouvons tergiverser. La France possède le deuxième domaine maritime mondial : sa responsabilité est donc immense. Les océans sont des capteurs de CO2 tout autant que les forêts – d'ailleurs, je n'oppose pas les uns aux autres. La France ayant, avec les outre-mer, des forêts, des océans et des littoraux sur l'ensemble du globe, cela nous oblige à porter des messages forts en la matière. L'océan est un régulateur du climat et de la biodiversité. Nous ne devons pas hésiter à travailler sur ces sujets et à faire des annonces. Oui, l'océan souffre, nous le savons tous. Il importe que nous prenions connaissance de l'ensemble des données disponibles. Il nous en manque cependant, et je souhaite que nous fassions un effort supplémentaire en matière scientifique et que l'on étudie les réponses à apporter et les solutions à proposer. La mer est certes en danger, mais elle est aussi un extraordinaire gisement de solutions potentielles pour le monde. C'est pourquoi nous devons traiter les océans comme un bien commun – ce qui rejoint le combat mené par nombre d'entre vous. Nous avons besoin d'une voix qui se fasse entendre davantage.
Concernant le Brexit, chacun d'entre nous doit mesurer les difficultés à venir, Monsieur Falorni. Il y a encore des manques. Par exemple, je ne dispose pas encore d'une cartographie précise de nos ressources maritimes qui indiquerait leur état, les types de pêches pratiquées, les bassins concernés, les résultats économiques, le nombre de navires et de marins concernés, leur pavillon… J'ai demandé qu'on y remédie, mais je ne dispose pas encore de cette vision globale, qui me permettrait de rassurer les marins-pêcheurs quant à l'accord que nous sommes en train de négocier, les éventuelles concessions envisageables, les lignes rouges à ne pas franchir ou ce qui se passerait en cas d'absence d'accord.
Concernant le respect des lignes rouges, nous resterons fermes. Le cadre fixé devra être stable, car les entreprises de pêche ont besoin de stabilité et de prévisibilité. La filière devra être examinée dans son ensemble, ce qui inclut, au-delà de la pêche, les activités de transformation, ainsi que l'aménagement des territoires et la vie dans ceux-ci – nous en parlions tout à l'heure dans l'hémicycle avec M. Jumel. La question de la soutenabilité économique doit être posée : l'accord devra être équitable pour tous. Voilà ce que nous défendons. En cas d'absence d'accord, nous aurons besoin de données ; dès que j'en disposerai – ce qui ne saurait tarder –, je les communiquerai à l'ensemble des pêcheurs, des organisations concernées et des parlementaires.
La formation va de pair avec ces interrogations. Préparer la pêche et le transport durables de demain suppose un investissement en la matière. Nous devons mieux adapter l'offre à la demande. Nous devons réduire la part de postes non pourvus dans la pêche, le commerce et l'industrie. Si nous n'augmentons pas la quantité de Français formés, le pavillon France sera contraint d'embaucher des marins qui ne seront pas français, y compris aux commandes des navires. Il est donc nécessaire de consolider les formations et les réseaux des lycées professionnels maritimes. J'ai travaillé avec le ministre de l'éducation nationale en ce sens et pour faire de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) une école d'excellence tournée vers le futur et vers les métiers d'ingénieurs maritimes. Enfin, le statut des professeurs doit être clarifié, car des ambiguïtés subsistent, ce qui fait que les choses ne se passent pas aussi bien que je le souhaiterais.
Nous souhaitons également lancer une vaste campagne de communication quand nous serons en mesure d'accueillir dans nos établissements davantage de jeunes. Ces métiers sont durs, mais valorisants, et ils offrent – bien que je sache que les pêcheurs n'aiment pas trop le dire, comme d'ailleurs d'autres corps de métier – des rémunérations intéressantes. Nous devons le souligner pour que les jeunes s'engagent dans ces filières.
MM. Falorni et Jumel ont évoqué la stratégie nationale portuaire. Les ports français sont créateurs de richesse et d'emplois sur l'ensemble du territoire national, hexagonal et ultramarin. La crise sanitaire mondiale a touché le système portuaire français, qui a su cependant résister. Dès les premiers jours de ma prise de fonction, j'ai remercié les ports, les armateurs, les pêcheurs, qui, pendant la crise, ont ravitaillé la France.