Monsieur Travert, la conchyliculture et, plus largement, l'aquaculture sont des secteurs très importants. La France doit davantage s'investir dans cette filière très porteuse. Les Français consomment trente-quatre kilos de produits de la mer par an, et nous en importons 80 %, notamment de la crevette et du saumon. Nous avons pourtant l'espace pour développer une production nationale. Je soutiens donc son développement.
La crise sanitaire a touché fortement la filière. Nous avons aidé l'ensemble des secteurs à la traverser, et je souhaite moi aussi que nous travaillions davantage sur des produits sains et de qualité. Les investissements engagés en matière d'assainissement nous permettront d'avoir des eaux mieux exploitables par l'aquaculture et la conchyliculture. Nous devons également travailler sur l'aquaculture en mer, pour mieux la positionner. Il s'agit d'une question de planification. Mon ministère est, non le ministère de la pêche ou des ports, mais un ministère de planification des territoires, des usages et des usagers. Nous devons accomplir ce travail tous ensemble, et il me semble que j'ai un rôle à jouer en la matière, aux côtés de Mme Barbara Pompili et des autres ministres concernés.
Les parcs éoliens peuvent être une chance pour l'aquaculture, mais il faut que nous puissions le démontrer grâce à des modèles scientifiques ; nous y travaillons, en vue de soutenir les innovations futures.
Pour ce qui est des parcs éoliens offshore attribués en 2012 et qui ne sont toujours pas opérationnels, nous devons nous poser un certain nombre de questions. Les concertations n'ont pas toujours été menées comme nous l'aurions souhaité. Sans doute seraient‑elles conduites différemment aujourd'hui, car nous disposons de plus d'éléments. Il faut définir l'ensemble des zones concernées et les étapes de la planification, sans y revenir ensuite. Il convient aussi de s'appuyer sur les retours d'expérience : la qualité des politiques publiques dépend de notre capacité à les évaluer, à identifier les éventuels freins et à apporter des solutions. Les concertations sur l'éolien en mer auront lieu, notamment en Méditerranée, et feront l'objet de plusieurs mois d'échanges et de travail.
L'éolien en mer est une chance. Nous devons nous engager dans cette voie. S'alimenter en électricité par la mer, ce n'est pas une idée de « fada », c'est une vraie solution technique – par exemple pour la Bretagne, qui, se trouvant en bout de réseau, subit des coupures électriques. On doit aller en mer, non parce qu'il n'y aurait plus de place sur terre, mais parce que cela donne de meilleurs rendements et de meilleurs résultats. Tant qu'à investir, autant avoir le meilleur retour sur investissement possible ! Les éoliennes en mer doivent néanmoins être pensées dans le cadre d'un écosystème global, avec l'ensemble des usagers. J'ai demandé que le ministère de la mer soit associé aux discussions. Nous avons des responsabilités partagées en la matière, et nous devons tous être présents dans le débat public. Certes, l'État mène le jeu, mais il faut travailler davantage avec les collectivités territoriales et les élus.
Concernant l'apprentissage, une ordonnance sera présentée en conseil des ministres cette semaine afin de simplifier les stages à bord et proposer des marées découvertes. Cela offrira de nouvelles possibilités pour embarquer des jeunes sur les navires, leur faire découvrir ces métiers, et les encourager ainsi à s'y former. Si l'on veut avoir plus de marins, il faut attirer et former plus de jeunes.
Quel est le mode de communication le plus pertinent ? Je l'ignore. Nous sommes en train d'y travailler. Nous devons le faire en liaison avec les professionnels, car c'est à eux de s'adresser aux jeunes. Qui peut mieux donner envie que ceux qui exercent ce métier ? Nous avons créé deux nouveaux brevets de technicien supérieurs (BTS) maritimes, et il faut s'en féliciter. Ces projets ont été conduits avant ma prise de fonction, mais j'ai le plaisir de les voir aboutir – une ministre n'aime rien de plus que des actions tangibles.
J'en viens aux mesures du plan de relance en faveur de l'attractivité. Le rapport que vous avez rédigé avec M. Jumel fait partie des travaux retenus pour avancer sur ces sujets, Madame Le Meur, et je souhaite vous associer au volet communication. Nous devons aussi faciliter les projets, afin d'encourager le retour à l'emploi dans la pêche et l'aquaculture. Je crois vraiment à l'aquaculture, et je me demande si la France ne pourrait pas défendre au plan européen des obligations de production aquacole. Il nous faut être moteur en la matière.
Le plan de relance comprend une enveloppe de 200 millions d'euros pour les ports, les industries innovantes etc., et de 50 millions d'euros pour la pêche. Nous devons mobiliser les acteurs autour de ces questions.
La capture accidentelle de cétacés a fait l'objet d'un échange avec les marins pêcheurs. Soyons clairs : c'est un réel problème, surtout dans le golfe de Gascogne. Dans la Manche, il se pose pour les marsouins, dans le golfe de Gascogne, pour les dauphins. Il peut y avoir des solutions différentes, même si une solution commune serait d'équiper les navires de pingers. C'est un effort que le secteur de la pêche doit faire. Les échouages étant toujours aussi nombreux, la France a été mise en demeure par l'Europe de prendre des mesures complémentaires. Nous en avons proposé, ainsi que le Portugal et l'Espagne, notamment l'équipement des bateaux en pinger s dans le golfe de Gascogne. Cependant, comme cela implique une fermeture temporaire de deux semaines, il faut mettre en place un système de rotation pour que la filière ne soit pas totalement interrompue, ce qui aurait des conséquences catastrophiques pour elle. C'est ce que j'ai expliqué au commissaire européen, et nous attendons la réponse de la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne. Des demandes complémentaires nous seront très probablement adressées, mais le problème, c'est que je n'ai pas encore toutes les données en ma possession, notamment concernant la population de cétacés, leurs trajets, les périodes durant lesquelles ils sont présents dans nos eaux, les effets du changement climatique et l'impact économique sur la filière. Il faudrait que je dispose de toutes ces données pour pouvoir défendre notre position devant la Commission et prendre les décisions adéquates. Si nous avons la volonté d'agir, et d'agir le plus vite possible – il n'est pas question pour nous de ne pas protéger les cétacés –, il ne faut pas pour autant décider dans l'urgence.
Il faut aussi le faire de manière apaisée, et je n'accepte pas que des marins pêcheurs soient menacés sur les réseaux sociaux et leur nom et leur adresse divulgués au prétexte qu'ils s'en prendraient volontairement aux cétacés. Ils ont tout mon soutien et j'agirai en leur faveur. Certains actes sont inacceptables. Les pêcheurs doivent montrer leur bonne volonté, et nous devons tous travailler de manière apaisée pour apporter une réponse – nécessaire – à ce problème.
Les mesures pour aider les marins en Méditerranée sont identiques à celles prises pour les pêcheurs de l'Hexagone ou des outre-mer, Monsieur Pauget : arrêt temporaire et chômage partiel. J'ai eu l'occasion d'échanger avec certains d'entre eux à Paris et je serai présente au salon du littoral mardi prochain ; une nouvelle rencontre est prévue avec les pêcheurs de Méditerranée pour évoquer les spécificités de leur situation et envisager d'éventuels accompagnements complémentaires.
La compétitivité des ferries est une question européenne. La France fera des propositions en vue de les accompagner davantage à l'occasion de sa présidence de l'Union européenne. Pour défendre le pavillon France, nous devons travailler sur les normes, le volet social et les contraintes vertes : il nous faut obtenir des allègements dans certains cas et des contraintes plus fortes dans d'autres. Les pavillons français – registre international français (RIF), terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Wallis-et-Futuna, etc. – doivent en outre évoluer. Il faudrait qu'une task force travaille sur le sujet – mais nous en reparlerons ultérieurement. Pour construire le monde maritime de demain, nous devons disposer de toutes les données nécessaires sur la période 2020-2030, conformément au cap fixé par les Nations Unies dans le cadre des objectifs de développement durable de l'Agenda 2030.
Monsieur Bourgeaux, je souhaite effectivement développer le potentiel de la conchyliculture. Les réglementations actuelles sont trop complexes, et nous devons lever un certain nombre d'obstacles. Pour cela, il nous faut fixer une stratégie et mener un travail collectif. Mon cabinet et l'ensemble des professionnels, des directions et des acteurs concernés doivent travailler ensemble afin de faire bouger les lignes et rendre les dispositifs plus flexibles. Tel a toujours été le souhait du Président de la République, dans chaque filière et pour chaque secteur d'activité.
Monsieur Ratenon, je partage l'analyse que vous faites de l'accroissement des risques dans le voisinage de La Réunion. Nous devons garantir que l'État a les moyens d'agir en cas de crise. Nous avons démontré, cet été, que nous étions capables d'aider nos voisins quand ils étaient touchés ; il est vrai que la question a pu se poser de notre capacité à protéger dans le même temps notre propre territoire, en l'espèce La Réunion. Dans tous ses bassins maritimes, la France a des responsabilités à assumer. Elle est entourée de pays en développement, dans l'océan Indien, dans le Pacifique, dans les Antilles, en Guyane… ; elle se doit d'être davantage présente, à la fois pour ses populations, mais aussi pour celles des pays en développement voisins. Nous devons travailler avec le ministère des affaires étrangères, afin que cette stratégie s'intègre dans les politiques de développement.
Deux kilomètres et demi de barrages, des experts et du matériel ont été déployés cet été : les moyens existent, ils sont opérationnels. Comment les répartir entre La Réunion et Mayotte ? Vu de Paris, ces deux territoires semblent très proches, mais, une fois sur place, on comprend que ce n'est pas si simple. La crise sanitaire l'a aussi montré : si les territoires doivent se soutenir, il n'est pas toujours facile de répondre aux spécificités de chacun. Je serai à vos côtés pour que nous menions ce travail ensemble. Notre expertise et nos moyens doivent être maintenus dans la région, pour nos territoires comme pour nos voisins.
J'en viens à la protection du littoral et à la protection de la biodiversité, extrêmement riche dans nos territoires ultramarins, puisque, M. Letchimy le rappelait, 80 % de la biodiversité française se trouve dans les territoires ultramarins ou dans les bassins maritimes. Je l'avais déjà dit lorsque j'étais ministre des outre-mer : peut-être pourrions-nous investir davantage dans ce domaine ? Nous devons protéger davantage les littoraux des territoires ultramarins et la biodiversité de ces bassins. De nouveaux patrouilleurs outre-mer vont être armés par la marine nationale ; deux seront basés à La Réunion. J'ai été ministre des outre-mer, et ce n'est pas parce que j'ai laissé « l'outre » derrière moi que je n'y pense pas en permanence.