Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau :

Je ne reviendrai pas sur ce que M. le rapporteur vient de dire excellemment.

Ce projet requiert et mérite une étude et une analyse pragmatiques, au-delà des avis simplistes et des démagogies. Je me félicite des discussions qui ont eu lieu dans le cadre de la commission du développement durable et qui ont débouché sur son adoption.

La filière de la betterave sucrière se trouve en effet aujourd'hui dans une impasse technique, laquelle s'ajoute à la baisse de 35 % des revenus des agriculteurs depuis 2016-2017, le prix d'achat de la betterave ayant diminué de 20 %. Ces difficultés se sont elles-mêmes ajoutées à la crise provoquée par la fin des quotas sucriers.

Depuis son application en 2018, la loi « biodiversité » interdit l'utilisation des néonicotinoïdes mais, deux ans après, force est de constater que nous avons collectivement échoué à trouver une alternative : échec du législateur, qui a légiféré avant même que des progrès aient été obtenus, échec scientifique car, malgré le travail accompli, aucune alternative suffisamment efficace et économiquement viable n'a été trouvée.

Le constat est clair : aujourd'hui, nous n'avons pas d'alternative et la filière se trouve face à une situation qui pourrait entraîner sa disparition. On entend ici et là que les pertes de rendement sont en deçà des chiffres avancés mais je vous prie de prendre le problème sous l'angle structurel : si certaines régions semblent en effet plus ou moins épargnées par la jaunisse, à l'instar des Hauts-de-France et de la Normandie, les pertes de rendement atteindraient 40 % voire 70 % dans les régions du Centre, au sud de Paris ou au sud de la Champagne. Par ailleurs, d'années en années, les zones atteintes pourront varier en raison du changement climatique.

Il importe de faire preuve de pédagogie et de pragmatisme en rappelant qu'il n'est pas question de réintroduire des néonicotinoïdes mais d'autoriser une dérogation pour la filière, comme c'est le cas chez de nombreux voisins européens grâce à l'article 53 que vous avez évoqué.

J'ajoute que 90 % des usages de néonicotinoïdes ont disparu et qu'ils ne reviendront pas avec cette dérogation.

Autre point : si, les récoltes n'ayant pas commencé, les chiffres que nous avons donnés ne sont qu'indicatifs et s'il est assez difficile d'évaluer précisément les pertes de rendement et les pertes économiques, il est en revanche certain que la survie de la filière est en jeu, alors que nous devons collectivement œuvrer en faveur de notre souveraineté alimentaire, nationale et européenne, et alors même que la France est le premier producteur mondial de sucre de betteraves et le premier producteur de sucre en Europe. Ce que nous ne produirons plus sur notre sol, nous l'importerons, et nous n'aurons aucun contrôle sur les produits utilisés ou la qualité des produits importés.

J'ajoute que la diversification du secteur est déjà effective avec les biocarburants ou le gel hydro-alcoolique – dont le champion européen de la production est en France.

Ce projet de loi permet d'encadrer strictement la dérogation, limitée à la culture de la betterave sucrière et jusqu'en 2023. Il est nécessaire parce que le recours aux indemnisations ne suffit pas, celles de l'Union européenne ne permettant jamais d'indemniser complètement les agriculteurs. Notre objectif n'est pas de pérenniser l'utilisation des néonicotinoïdes mais si nous ne faisons rien, les planteurs risquent d'opter pour d'autres cultures et d'abandonner une filière qui fait la fierté de notre pays.

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