Sans vous en faire le reproche, monsieur le président, je regrette la censure de la plupart des amendements du groupe Socialistes et apparentés au titre de l'article 45. Il est pour le moins ubuesque de les avoir écartés au motif qu'ils portaient sur la filière betterave et que n'y était pas spécifié le terme « néonicotinoïdes », alors qu'ils visaient précisément à circonscrire la portée de ce texte à la culture de la betterave. Admettez le paradoxe ! Nous espérons que vous ferez preuve de tolérance et nous accorderez un peu du temps de parole dont nous aurions dû disposer.
Je veux dire dans quel état d'esprit nous sommes à l'orée de ce débat qui nous occupera plusieurs heures ici, puis en séance, où nous pourrons être plus prolixes. Nous refusons les postures, la caricature, tout ce qui est à même d'exacerber les tensions entre l'agriculture et la société, entre le monde économique et l'ambition écologique. Nous nous situons clairement du côté de la responsabilité, de la dignité des travailleurs, employés des sucreries et paysans. Nous défendons la notion de contribution de la France à la sécurité alimentaire globale, plutôt que le concept de souveraineté alimentaire, rappelant que le capital de biodiversité est notre assurance-vie.
Nous chercherons à concilier les deux orientations en proposant, par des compensations économiques intelligentes, à engager – enfin ! – la transition vers des pratiques culturales, génétiques, agronomiques et commerciales. À cet égard, la haute valeur environnementale (HVE), que vous n'avez pas mentionnée, monsieur le ministre, pourrait devenir en ces temps de crise une ambition pour la filière betterave, voire un élément de négociation, à titre expérimental, pour les aides européennes. Cela constituerait une voie de sortie.
Cette dérogation, si elle devait être autorisée, ruinerait la parole publique, créerait des tensions dans le pays et marquerait un retour en arrière sur le plan de la biodiversité et des pollinisateurs. Les compensations économiques doivent être intelligentes et justes. Car cette question que nous posent les betteraviers, les éleveurs laitiers, les producteurs de colza ou encore les producteurs de fruits et de légumes pourront nous l'adresser demain. Le secteur de la betterave ne jouit pas de prérogatives singulières, les efforts à réaliser pour engager la transition écologique sont aussi importants ailleurs. Les efforts publics devront être justes et préfigurer un modèle de transition sociale et écologique pour le bien commun, qui accompagne les agriculteurs et tous les travailleurs concernés.
Monsieur le ministre, j'aimerais que nous tirions les leçons de nos échecs. Après des débats incroyablement difficiles sur le glyphosate – on a été jusqu'à nommer un préfet glyphosate ! –, des collègues s'apprêtent à proposer la création d'un comité spécial « néonicotinoïdes betterave ». Mais où va-t-on ? Le plan Écophyto, issu du Grenelle de l'environnement, est à l'arrêt depuis plusieurs années, sans pilote pour mobiliser les parties prenantes. Ce type d'écueil nous conduit à une guerre qui nous déchire. Nous devons nous attaquer aux dérégulations économiques mais aussi à la puissance publique, qui a fait preuve d'incurie ces dernières années. Pour éviter l'agribashing, il faudra réinsuffler de la démocratie, de la raison et de la justice.