Monsieur Dive, vous avez rappelé que ce texte concerne uniquement la betterave sucrière et je le confirme.
Monsieur Millienne, je vous remercie d'avoir expliqué que depuis l'interdiction des néonicotinoïdes, les betteraviers se sont rabattus sur les pyréthrinoïdes, qui ne sont pas sans danger. Je suis, comme vous, convaincu de l'utilité des haies. Je le suis tellement que, dans le plan de relance, une ligne de crédits de 50 millions sera destinée à accélérer leur plantation. Mais vous savez que cela ne se fait pas en un été… S'agissant des pollinisateurs, je me suis engagé, dès le 6 août, à lancer un plan de pollinisation, que je présenterai avec Barbara Pompili avant la fin de l'année : j'aurai plaisir à associer l'ensemble de la représentation parlementaire à ces travaux. Il faut mener une politique proactive : pourquoi, par exemple, ne pas utiliser une partie des nombreux terrains inoccupés gérés par nos établissements publics fonciers (EPF) pour y installer nos abeilles ?
Monsieur Potier, je vous remercie pour votre appel à la responsabilité, que je partage. Vous avez prononcé un mot essentiel, celui de « nutrition », dont on oublie trop souvent qu'elle est le cœur de l'agriculture et de l'alimentation. Je crois beaucoup aussi à la notion de « haute valeur environnementale » : le plan de relance prévoit d'ailleurs un crédit d'impôt HVE, que vous aviez vous-même appelé de vos vœux – il sera introduit dans la prochaine loi de finances. Cette notion de haute valeur environnementale est également au cœur des écoschémas – ou eco‑schemes – qui sont en cours de finalisation au titre de révision de la politique agricole commune (PAC).
Il faut effectivement tirer les leçons du passé. Vous avez évoqué le plan Écophyto : même s'il ne fonctionne peut-être pas aussi bien qu'on le souhaiterait, je tiens à saluer le ministre Stéphane Travert pour son action. Il est vrai que la place des parlementaires dans le suivi du plan doit sans doute être renforcée, d'autant plus qu'à l'initiative des ministres Stéphane Travert, puis Didier Guillaume, la contribution nationale au plan Écophyto – on en est maintenant au plan Écopyhto 2+ – est de 41 millions d'euros, à quoi s'ajoutent 30 millions au niveau régional. Les parlementaires doivent avoir un rôle de suivi.
Monsieur Benoit, la loi de 2016 a permis de mettre fin à l'utilisation de 92 % des néonicotinoïdes. Je ne minimise nullement les problèmes que pose la dérogation à cette interdiction pour les cultures betteravières. Vous noterez d'ailleurs que je n'ai jamais utilisé l'argument environnemental, même si l'on m'a prêté des propos que je n'ai pas tenus. J'en appelle à votre sagesse de parlementaire. Mettez-vous à ma place : pouvez-vous imaginer un seul instant que si j'avais connaissance d'une solution, je serais devant vous aujourd'hui ? À l'évidence, non. Vous avez cité le président Chirac. On lui prête aussi ces mots – même si je crois qu'ils sont en réalité de Richelieu : « La politique, c'est de rendre possible ce qui est nécessaire. » Oui, il est nécessaire de sortir des néonicotinoïdes, mais l'humilité m'oblige à dire que la filière de la betterave, à l'heure qu'il est, n'est pas encore prête pour cette transition.
La question n'est pas celle du rendement des sucreries ou de l'outil industriel. La question, c'est celle que se pose individuellement chaque planteur. Depuis vingt ou vingt-cinq ans, les betteraviers ne font plus de la monoculture : la plupart d'entre eux font 10, 15 ou 20 % de betterave. Ils ont donc le choix, dans leur assolement, de mettre de la betterave ou des céréales.
Aujourd'hui, si vous étiez betteravier, vous ne planteriez pas de betterave, d'abord à cause de ce puceron, ensuite parce que, contrairement à ce qui a été dit, il n'existe aucun moyen d'indemniser les agriculteurs à 100 % au titre de la jaunisse. Je peux vous dire, en tant qu'ingénieur agronome, que lorsqu'un agriculteur voit l'une de ses cultures dépérir, ça le prend aux tripes. En plus, il perd de l'argent. S'il a la possibilité de semer une céréale plutôt que de la betterave, c'est le choix qu'il fera ! N'importe qui, parmi nous, ferait le même choix s'il était dans cette situation. La difficulté, c'est que cette décision individuelle a des effets en cascade : le volume qui arrive à la sucrerie diminue et c'est tout l'appareil industriel qui est mis à mal et qui risque de fermer. Or, le jour où il n'y aura plus de sucrerie, il n'y aura plus de plantations de betteraves.
Comme j'ai l'intime conviction que nous allons quand même continuer à manger du sucre, nous allons donc devoir importer du sucre polonais, belge et allemand. La politique, c'est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire, mais en reconnaissant avec humilité les moments où l'on se trouve dans une impasse. Il faut du courage pour le reconnaître et je salue les députés qui auront le courage de soutenir ce projet de loi. Il est beaucoup plus facile d'être dans l'injonction ou dans l'incantation et de répéter qu'il suffirait de faire autre chose. Mais lorsque cette « autre chose » n'existe pas, ces discours n'ont aucun sens ! Pour que la filière de la betterave réalise sa transition agroécologique, il faut passer un cap difficile, qui pourra durer quelques années, le temps que la recherche trouve une solution. À cet égard, je partage votre point de vue, monsieur Becht.
Madame Taurine, vous avez qualifié mes propos de mensongers. Nous avons beaucoup travaillé ensemble sur la question du logement, je sais que vous êtes une femme de dossier, alors tenons-nous en, s'il vous plait, au fond du débat et à l'échange d'arguments. J'ai, pour ma part, un problème de fond avec l'argument que certains membres de votre groupe ont exposé hier et que vous venez de reprendre. Il consiste à dire que, puisque la France exporte la moitié du sucre qu'elle produit, une chute de rendement ne serait pas un gros problème, puisqu'il suffirait de ne plus exporter. J'avoue que cette vision de l'économie me dépasse un peu. J'ai suggéré hier à vos collègues Mathilde Panot et Loïc Prud'homme de se rendre sur les sites industriels de Renault et PSA pour expliquer aux salariés que le plus simple, du point de vue écologique, c'est d'arrêter d'exporter des voitures. Je ne suis pas sûr que vous recevrez un accueil très chaleureux. La question n'est pas de savoir ce qui va se passer à la sortie des sucreries sur le plan économique. La question qui nous réunit aujourd'hui est la suivante : comment convaincre les betteraviers de planter de la betterave dans notre pays pour que toute la chaîne puisse tenir ?
Madame Batho, vous assénez depuis hier soir le même argument : il existerait des solutions. Le fait de le répéter n'en fait pas une vérité. Je l'ai dit, en politique, il faut parfois savoir reconnaître qu'on se trouve dans une impasse. L'INRAE dit lui-même qu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucune solution – qu'elle soit financière, agronomique ou culturale. Si une solution existait, je ne serais pas devant vous cet après-midi. Je rappelle en effet que je ne peux utiliser l'article 53 du règlement européen que parce qu'il n'existe aucune alternative. Si une alternative existait, ce projet de loi serait caduc, et vous le savez très bien. Vous dites que la filière de la betterave à sucre souffre moins du puceron, que de la fin des quotas européens. Permettez-moi de rappeler que la fin des quotas a été votée en décembre 2013 : on ne peut pas m'en tenir pour responsable.
Monsieur Orphelin, l'indemnisation de la filière est évidemment la première solution que nous avons envisagée. Nous nous sommes immédiatement demandé s'il était possible de mettre l'ensemble de la filière sous perfusion en attendant de trouver une solution agronomique ou culturale. Hélas, le règlement européen nous interdit d'indemniser nos betteraviers à 100 %. Vous avez évoqué le FMSE : le problème, c'est que l'État ne peut y contribuer qu'à hauteur de 65 %. Je vous invite, une fois encore, à vous mettre à la place d'un betteravier : si l'on vous dit que vous devrez financer vous-même le potentiel risque à hauteur de 35 %, vous planterez autre chose ! Vous pouvez continuer d'asséner qu'une solution existe, mais ce n'est pas vrai. S'il était possible de mettre les gens sous perfusion financière le temps de trouver une solution, j'aurais été le premier à le faire. Le problème, c'est que les règles de la concurrence et du marché commun au niveau européen ne permettent pas à un État de soutenir une filière à 100 %.
Monsieur Falorni, je ne minimise en rien les conséquences de la réintroduction des néonicotinoïdes, mais si nous voulons accompagner la filière de la betterave dans la transition agroenvironnementale, encore faut-il que cette filière continuer d'exister ! Il faut avoir le courage de reconnaître qu'à l'heure actuelle, cette filière n'est pas prête pour la transition. Dès que nous aurons une solution, nous la mettrons en œuvre et nous pourrons continuer de produire du sucre français.
Monsieur Letchimy, je connais votre engagement sur la question de la chlordécone et je répète que je ne minimise pas l'impact de la mesure que nous prenons.
L'écologie que nous appelons de nos vœux est-elle une écologie du « chacun pour soi » ou une écologie solidaire ? J'ai été surpris d'entendre certains d'entre vous dire que, dans le pire des cas, on n'avait qu'à arrêter de produire du sucre en France et que ce ne serait pas si grave. Mais si on arrête de produire du sucre dans notre pays et qu'on continue d'en consommer, il va bien falloir en importer ! L'écologie a-t-elle des frontières ? Importer du sucre de pays qui ne respectent en rien notre agroécologie, n'est-ce pas un problème ? Dans ce débat, il y a ceux qui pensent qu'il suffit de dire qu'une solution existe pour qu'elle existe et ceux qui, parce qu'ils ont compris qu'elle n'existe pas, déplacent simplement le problème dans d'autre pays ! Cette écologie du « chacun pour soi », cette écologie qui n'est pas solidaire, ce n'est pas celle que je souhaite pour notre société.
Monsieur Di Filippo, vous avez évoqué plusieurs alternatives et je pense effectivement que la solution viendra de la combinaison de trois facteurs : la recherche de nouvelles semences, le volet agroécologique, autour du biocontrôle, et l'évolution des pratiques culturales.