Intervention de Cédric Villani

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani :

Nous venons d'entendre une très belle description des traitements par pulvérisation, des horribles conséquences qu'ils peuvent avoir en matière de destruction de la biodiversité et surtout de leur absurdité, comme vous l'avez très bien dit, cher collègue Turquois, puisque l'on en vient à détruire ses alliés et non ses ennemis…

Ce constat peut-il amener à se demander si la loi biodiversité, telle qu'elle a été adoptée en 2016, était une régression ? On ne peut pas raisonner ainsi. Lors de l'adoption de la loi, l'étude de l'ANSES indiquait qu'il était inacceptable d'utiliser des néonicotinoïdes, et préconisait de les remplacer par d'autres produits – tout en prévenant des terribles conséquences qui pourraient résulter des surdosages ou des mauvaises utilisations.

Mais, plus que cela, le principe de la loi biodiversité était remarquable : c'était l'interdiction de tous les néonicotinoïdes. Auparavant, on se contentait d'interdire une substance ; on mettait alors un autre néonicotinoïde sur le marché, et c'était autant de temps gagné pour les pesticides. C'est exactement le cas du sulfoxaflor dont vient de parler Mme Delphine Batho : les industriels se sont dit qu'ils allaient pouvoir se débrouiller avec cela. Mais la loi biodiversité interdit tous les néonicotinoïdes, et c'était un progrès en matière environnementale. Car les néonicotinoïdes forment une classe de pesticides à nulle autre pareille, emblématique, et d'une efficacité initialement insoupçonnée. Une étude publiée dans la revue Science prouve qu'une dose infime, de l'ordre du milliardième de gramme, suffit pour dérégler le comportement des abeilles : c'était la première fois que des travaux de détection conduisaient à descendre à une partie pour un milliard. Le pouvoir de létalité de ces substances était tel que le législateur a jugé important de bannir toute cette classe d'insecticides. Il s'agit d'une avancée ; leur réintroduction est incontestablement un recul.

S'agissant de leur présence dans l'eau ou ailleurs, je vous renvoie à une étude publiée au mois d'avril 2019 par l'université de Neuchâtel. Dans 90 % des champs cultivés selon les méthodes de l'agriculture biologique étudiés, des néonicotinoïdes ont été détectés.

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