Ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne a été présenté en conseil des ministres le 12 février 2020 et examiné par le Sénat au mois de juillet. Son examen par l'Assemblée nationale, qui devait avoir lieu cet été, a été repoussé à cause de la crise sanitaire : nous avons donc eu tout le temps nécessaire pour un travail approfondi.
L'activité législative européenne, particulièrement dynamique dans les matières économiques et financières, vise à mieux protéger les consommateurs, à mieux protéger les fournisseurs dans le secteur agricole et alimentaire, à adapter le droit européen aux spécificités du monde numérique et à approfondir le marché intérieur, en particulier dans le secteur de la génétique animale et des médicaments vétérinaires. Sur certains articles qui ne concernaient pas directement notre commission, nous avons sollicité l'avis de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances.
Ma philosophie, en tant que rapporteure, a été de transposer sans sur-transposer. La sur-transposition, qui est un mal français, a souvent des effets désastreux : elle complexifie le droit, elle introduit une forme d'insécurité juridique, elle fausse la concurrence sur le marché intérieur européen et nuit à la compétitivité des entreprises françaises.
Les dispositions du texte qui relèvent de la commission des affaires économiques visent, globalement, à protéger le consommateur, en adaptant le droit de la consommation à l'ère du numérique. C'est notamment l'objectif de la transposition de la directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, dite « vente de biens » et la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, dite « services numériques ». L'objectif de ces directives est de réduire les disparités de réglementation concernant les contrats de vente dans l'Union européenne. Il s'agit d'améliorer la sécurité juridique dans l'ensemble du marché unique, au bénéfice des entreprises et des consommateurs. Le droit des contrats de vente de biens sera ainsi modifié et adapté à l'ère du numérique. Les vendeurs seront soumis à de nouvelles obligations – notamment en matière de fourniture de mises à jour – et les contenus et services numériques ne relevant pas du contrat de vente d'un bien bénéficieront désormais d'un régime juridique analogue.
Ce projet de loi transpose également la ...............directive (UE) 2019/2161dite « omnibus » du 27 novembre 2019 : le législateur européen a introduit de nouvelles mesures pour lutter contre les faux avis en ligne et renforcer les obligations d'information pesant sur les plateformes en ligne. Le texte prévoit un renforcement ainsi qu'une harmonisation des sanctions en cas d'infraction au droit de la consommation, ainsi qu'un rehaussement des règles applicables aux annonces de réductions de prix.
Plusieurs dispositions visent également à adapter le droit français aux règles issues du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits. Il est notamment prévu que la DGCCRF puisse notifier à une plateforme en ligne un contenu illicite, sans risquer de violer le secret de l'instruction.
Il s'agit aussi de renforcer la lutte contre les pratiques commerciales déloyales et de responsabiliser les plateformes de vente en ligne. La France dispose déjà, par rapport à ses voisins européens, d'un arsenal législatif très riche pour sanctionner les pratiques commerciales déloyales. Toutefois, la transposition de la directive 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire permettra d'appréhender des pratiques qui ne sont pas couvertes par le code de commerce. Les délais de paiement entre entreprises s'en trouveront notamment modifiés.
Ce projet de loi doit aussi garantir la pleine effectivité du règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne, dit règlement « Platform to business », entré en vigueur le 12 juillet 2020. Celui-ci impose une série d'obligations nouvelles aux plateformes et aux moteurs de recherche en ligne pour lutter contre les pratiques déloyales et renforcer les obligations en matière de transparence et de loyauté. Ces nouvelles mesures répondent à une attente forte exprimée par nos concitoyens, ainsi que par le tissu économique français et européen.
Le texte entend également lutter contre les pratiques restrictives de concurrence : il introduit un nouveau dispositif d'astreinte, avec des montants très dissuasifs, pour mieux lutter contre les déséquilibres commerciaux, qu'ils soient le fait de la grande distribution ou des géants du numérique.
Il vise aussi à renforcer le marché unique dans le secteur de la génétique et de la santé animales et des médicaments vétérinaires.
Le projet de loi habilite le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive « ECN + », afin de renforcer l'efficacité des procédures mises en œuvre par la DGCCRF et l'Autorité de la concurrence. La transposition de cette directive améliorera l'efficacité et la rapidité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. L'Autorité de la concurrence disposera désormais de l'opportunité des poursuites et de la possibilité de se saisir d'office pour prononcer des mesures conservatoires. Parallèlement, le texte prévoit un ensemble d'ajustements au code de commerce, afin de renforcer encore l'efficacité et la célérité des procédures. Sont notamment prévues des mesures pour renforcer l'efficacité des visites et saisies, l'élargissement des cas où l'Autorité de la concurrence peut se prononcer en faisant exception au principe de collégialité, la suppression de l'avis de clémence, le renforcement des outils pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles en outre-mer ou encore la généralisation de la procédure simplifiée. Sur ce dernier point, les auditions menées ont montré que des évolutions étaient encore nécessaires pour parvenir à un compromis efficace, entre célérité des procédures et respect des droits de la défense. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Certaines dispositions visent également à moderniser le droit des communications électroniques. Le projet de loi habilite le Gouvernement à transposer la directive (UE) 2018/1972 portant code européen des communications électroniques. Cela doit renforcer la concurrence, stimuler l'investissement privé et encourager le déploiement des réseaux à très haute capacité. Les dispositions relatives au service universel sont directement transposées dans la loi : conformément à la directive, l'accès au haut débit sera désormais pleinement intégré dans le périmètre du service universel.
Le Sénat a introduit des dispositions intéressantes, notamment dans trois nouveaux articles qui ont trait aux vétérinaires : l'autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels, l'encadrement des actes vétérinaires réalisés par les élèves vétérinaires étudiants étrangers mais stagiaires en France et surtout un dispositif innovant de lutte contre la désertification vétérinaire, sur le modèle de la lutte contre les déserts médicaux.
Les sénateurs ont aussi apporté des précisions pour circonscrire le champ des ordonnances et prévoir des délais de transposition en adéquation avec nos engagements européens.
Toutefois, certaines des dispositions introduites au Sénat n'ont pas leur place dans ce projet de loi : c'est le cas de l'article 4 bis, qui reprend la proposition de loi de la sénatrice Mme Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Il introduit un ensemble de règles imposant la neutralité des terminaux, obligeant les plateformes à l'interopérabilité et réformant le contrôle des concentrations pour limiter les acquisitions prédatrices.
Cet article constitue, selon moi, un « cavalier législatif », contraire à l'article 45 de la Constitution, puisqu'il ne consiste pas en la transposition d'un texte européen. Sur la question du numérique, il faut privilégier l'échelon européen – c'est l'une des conclusions que je tire du rapport d'information sur les plateformes numériques que j'ai réalisé avec M. Daniel Fasquelle –, notamment dans le cadre du « Digital Services Act ». Annoncé par la Commission européenne en 2020, ce nouveau paquet européen a pour objectif de moderniser et de revoir considérablement les règles de la directive sur le commerce électronique de 2000, à travers deux volets : premièrement, augmenter et harmoniser les responsabilités qui incombent aux services numériques et, deuxièmement, élaborer une réglementation ex ante des plateformes dites structurantes. Agir dans un cadre purement national à la veille d'annonces de la Commission européenne risquerait de marginaliser la France. Cela irait à rebours de la stratégie pour un marché unique du numérique, lancée il y a cinq ans.