Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 10h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, rapporteur :

Ce sont uniquement les conditions de l'élevage industriel, avec la haute densité et la claustration, qui les y poussent. Avec la sélection des espèces, les poulets se sont retrouvés avec des blancs si démesurés qu'ils ne peuvent tenir sur leurs pattes, les races de porcs ne sont retenues que sur le seul critère de la prolificité, au détriment de l'instinct maternel. Est-ce là notre projet pour nos animaux d'élevage ?

Les éleveurs aiment leurs bêtes, je n'ai aucun doute à ce sujet. Seulement les élevages sur caillebotis, bien propres, s'avèrent très durs pour les cochons : ils n'y trouvent pas de quoi satisfaire leurs besoins physiologiques les plus fondamentaux, comme fouir, grogner et bouger. L'industrialisation a placé nos agriculteurs devant une équation insoluble en faisant de la production le critère numéro un. Ils peuvent bien faire tout qu'ils veulent avec tout l'amour possible, cela revient à poser un emplâtre sur une jambe de bois.

Les chevaux ne sont pas pris en compte dans la proposition de loi. La rédaction initiale incluait la filière équine, mais je présenterai un amendement qui l'exclura totalement. Cela n'empêche pas de réfléchir à la façon d'améliorer leur bien-être et de dénoncer avec force les mutilations dont ils sont victimes : elles sont l'œuvre perverse et inhumaine de déséquilibrés, et ne devraient pas exister.

En matière de transition, un délai de vingt ans ne me paraît pas trop soudain ni trop court pour trouver, dans chaque élevage, un moyen d'offrir à chaque animal un accès au plein air. Vingt ans, c'est une génération ! Les représentants de la filière porcine, que nous avons interrogés sur le coût d'une telle évolution, l'ont estimée à des milliards d'euros. Est-ce vraiment impossible, sur vingt ans et compte tenu de l'importance de l'enjeu ?

Le Gouvernement a certes proposé un plan et mis 250 millions d'euros sur la table. Je salue l'initiative du ministre de l'agriculture, mais ce sera tout à fait insuffisant. Une bonne partie partira dans l'amélioration des conditions d'abattage – enjeu également très important – mais les 100 millions qui resteront ne seront pas à la hauteur ; il faudra passer à un autre ordre de grandeur pour les vingt années à venir, car c'est un grand enjeu de société.

Nos voisins allemands ont lancé le plan Tierwohl afin d'améliorer leur filière porcine. En deux échéances, l'une à huit ans, l'autre à quinze ans, ils vont consacrer 300 millions d'euros au démarrage et des milliards au total, pour partie en taxation, pour partie en subventions. Si les Allemands manifestent une telle volonté de monter en gamme, pourquoi la France, si exemplaire en matière de progrès et d'éthique pour un des secteurs dont elle est le plus fière, son élevage, ne le ferait-elle pas ?

Les conditions ne seraient pas réunies et il faudrait encore discuter : j'ai l'impression de revivre les débats sur la loi ÉGALIM ! Qu'a-t-elle apporté au statut de l'éleveur ? Les éleveurs de ma circonscription me répondent : rien.

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