Intervention de Alain Weill

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00
Commission des affaires économiques

Alain Weill, président-directeur général d'Altice France :

Monsieur le Président, cher Roland Lescure, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. Je suis aujourd'hui accompagné de M. Arthur Dreyfuss, qui était déjà là il y a trois ans et qui est le secrétaire général d'Altice France et le directeur général d'Altice Médias.

Il y a trois ans, je vous présentais les trois grands axes d'action de notre groupe : déployer des réseaux performants, offrir une expérience irréprochable à nos clients et développer notre groupe de médias autour de BFM et de RMC.

Trois ans plus tard, le chemin parcouru dans ces domaines est, je crois, impressionnant et les résultats sont au rendez-vous. Altice France est un acteur majeur des télécoms et des médias en France, en bonne santé financière et commerciale. Côté télécoms, SFR est le deuxième opérateur français au service de 23 millions de clients. Côté médias, Altice France est un groupe performant avec des marques emblématiques telles que BFM TV, BFM Business, les BFM Régions, RMC la radio, RMC Découvertes ou RMC Story. Altice France fait partie d'un groupe d'envergure européenne et internationale, Altice Europe, présent notamment au Portugal, en Israël et en République dominicaine. Vous le savez, Altice Europe est aussi le cousin d'Altice USA. Aux États-Unis, nous sommes maintenant présents dans plusieurs États et notamment à New-York, que nous fibrons.

Après la reconquête commerciale entamée en 2018, Altice France a renoué avec la croissance de son chiffre d'affaires en 2019, qui s'est établi à 10,8 milliards d'euros. Cette croissance se confirme en 2020 malgré le contexte de crise que nous connaissons. Le secteur des télécoms est en effet un secteur plus à l'abri de la crise économique que nous connaissons aujourd'hui. Au troisième trimestre 2020, Altice France voit ses revenus progresser de 4 %, à 2,75 millions d'euros.

Côté SFR, le gain d'abonnés se poursuit dans le fixe comme dans le mobile : au troisième trimestre, nous enregistrons + 21 000 clients fixes et + 25 000 clients mobiles. Ces résultats sont le fruit du travail de fond accompli pour déployer les réseaux, améliorer sans cesse la qualité de la relation client et lancer des offres innovantes, évidemment, la 5G que nous avons été les premiers à lancer vendredi dernier à Nice aux côtés de son maire, M. Christian Estrosi.

SFR est le partenaire historique des collectivités, tout d'abord au travers de notre volonté de déployer la fibre partout en France et de réduire la fracture territoriale. C'est pourquoi nous investissons massivement. En quatre ans, c'est plus de 10 milliards d'euros que nous avons investis et, pour la seule année 2019, nous avons investi 3 milliards d'euros, c'est‑à‑dire 27 % de notre chiffre d'affaires.

Les résultats sont au rendez-vous avec 19,2 millions de prises éligibles à la fibre FFTH et FTTB, car nous modernisons le câble qui est la base de notre groupe, mais qui devient progressivement de la fibre (le FTTB devenant du FTTH) et 2,6 millions de prises déployées sur la zone AMII (appel à manifestation d'intention d'investissement). Le partenariat entre SFR et les collectivités a commencé en 2001 lors de la signature de la première délégation de service public (DSP) de France lors de la naissance du premier réseau d'initiative publique (RIP). Aujourd'hui, Altice, c'est-à-dire SFR et sa filiale SFR FTTH, dispose d'un total de 35 DSP et de 3 appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL). Depuis un an et demi, le groupe connaît une excellente dynamique puisque nous avons été choisis pour déployer la fibre dans onze départements à travers des DSP et des AMEL.

Altice continue d'être le partenaire numéro un des collectivités locales. Nous avons répondu à tous les appels d'offres de RIP. Nous avons également répondu à toutes les zones AMEL jusqu'au 15 juin 2019, date de fin du dispositif. Dans la Nièvre où aucun opérateur ne voulait aller, la ministre nous a sollicités et nous avons répondu par un oui franc. Depuis, nous avons lancé le chantier pour fibrer la Nièvre, qui semblait un département oublié.

SFR déploie aussi son réseau mobile partout sur le territoire, notamment grâce au New Deal mobile, et dispose d'un réseau particulièrement performant : plus de 48 000 antennes 4G en service en France, une couverture de 99,5 % de la population, contre 35 % en 2014 – depuis qu'Altice a repris SFR, nous avons vraiment investi massivement –, plus de 1 800 villes ouvertes en 4G +, avec un débit allant jusqu'à 500 mégabits/seconde.

En ce qui concerne le New Deal mobile, SFR et les autres opérateurs sont collectivement au rendez-vous et continuent les déploiements, malgré les difficultés liées à la crise de la covid.

Altice est un groupe solide et engagé, comme l'a prouvé la crise. Face à la crise actuelle, notre activité est certes plus résiliente que celle d'autres secteurs, mais elle reste malgré tout fragilisée, car elle est dépendante de la situation économique du pays, tant en ce qui concerne le grand public que les entreprises.

Les réseaux, déjà dimensionnés pour absorber les pics de trafic, ont tenu face à l'envolée du trafic. Durant le confinement, la mobilisation des opérateurs, très soudés entre eux pendant cette période difficile, la maintenance permanente et l'anticipation de l'inconnu ont permis d'absorber la montée en charge des infrastructures.

La crise a révélé le caractère essentiel du très haut débit pour travailler, rester en contact avec ses proches, se divertir, s'éduquer. La télémédecine a démarré plus vite que prévu, l'agriculture connectée aussi. S'agissant des entreprises dotées de connexions très haut débit, elles ont été en capacité d'activer des plans de continuité et de permettre à leurs collaborateurs de travailler à distance.

La période de confinement a dévoilé le caractère essentiel de l'information, avec BFM TV qui, là aussi, a été au rendez-vous et qui, malgré son chiffre d'affaires en chute de plus de 70 % au mois d'avril, a continué à tourner à plein régime.

La période de confinement a aussi permis une expérimentation à large échelle des outils digitaux par le grand public, d'accélérer des tendances comme le télétravail et de sensibiliser certaines entreprises sur la nécessité d'évoluer vers un modèle d'organisation plus agile. Nos missions, depuis plusieurs années, consistant à garantir l'accès à tous au très haut débit, à accompagner la transformation numérique des entreprises et des administrations, et à informer en temps réel, sont aujourd'hui encore plus fondamentales pour soutenir la résilience et maintenir le développement économique.

Dans cette crise, finalement, on aura fait un saut dans le temps. Ce qui, pensait-on, aurait pris cinq ou dix ans, finalement, s'est installé très vite. Je crois que ce sera très important à la sortie de la crise parce que cela permettra au pays de rebondir beaucoup plus vite. Finalement, ce saut digital a touché tous les Français, pas seulement les grandes entreprises, mais aussi les petites entreprises, les TPE, les commerçants qui ont découvert le commerce électronique, mais aussi les particuliers qui se sont mis au télétravail, les enfants qui se sont adaptés à l'éducation connectée, les médecins qui ont pratiqué les consultations digitales. Bref, on a fait un saut vers le digital qui sera un élément très important dans les mois et les années qui viennent.

Le groupe Altice a également multiplié ses actions solidaires depuis le mois de mars. C'est pour nous très important. Nous avons dans le groupe une fondation, la fondation SFR, qui agit depuis 1986. Dès le 25 mars, SFR a lancé un plan d'urgence aux côtés d'Emmaüs Connect, un partenaire très ancien pour la fondation SFR et, aux côtés du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, nous avons aidé à équiper et connecter 75 000 personnes exclues du numérique, dont 50 000 élèves. Toujours pendant le premier confinement, SFR s'est engagée aux côtés du secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance afin d'équiper les structures collectives de l'aide sociale à l'enfance grâce à un don de 500 boxes 4G. Lors du deuxième confinement, ce plan d'urgence a été relancé en partenariat avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en faisant don de 20 000 recharges prépayées, 240 gigaoctets (Go) de data et 3 000 smartphones ainsi que de 1 500 boxes de poche 4G à destination des étudiants et des personnes en situation de précarité.

Au-delà de ces actions solidaires, Altice France a également décidé d'agir en lançant un grand plan au service de la transition écologique. Ce plan d'action à la fois global, concret, immédiat et évolutif, est composé de quinze actions initiales qui s'articulent autour de trois grands axes : des produits et services durables, des infrastructures télécoms et une production audiovisuelle écoresponsables, et une pleine mobilisation des salariés et des clients, ainsi que du grand public.

Parmi les premières actions, pour être concret, on peut citer des publicités neutres en carbone proposées à nos annonceurs ou la récupération de la chaleur produite par les data centers pour la redistribuer dans des équipements publics.

Au-delà de la crise, il y a des perspectives et des opportunités. L'industrie des télécoms va jouer un rôle fondamental dans la relance de l'économie. Comme pour l'eau et l'électricité, accéder au très haut débit revêt désormais un caractère indispensable, voire vital. Si dans une famille, on demandait aux enfants s'ils préfèrent qu'on leur coupe l'eau ou internet, vous savez très bien quelle serait la priorité de la famille. Il s'agit d'une grande responsabilité et aussi d'une fierté. Il est extrêmement gratifiant d'être responsables aux côtés de nos confrères du développement du numérique en France. Nous accompagnerons nos clients, mais aussi les collectivités. Nous comptons également sur leurs engagements pour faciliter les déploiements. Il s'agit d'une opportunité pour mieux travailler ensemble et accélérer encore la transformation numérique du pays.

Vous le savez, le secteur des télécoms est la colonne vertébrale de l'économie numérique française puisqu'il représente 51 % de son chiffre d'affaires, 74 % de ses emplois, 82 % de ses investissements, mais également 83 % de ses impôts et taxes. Pourtant, la fiscalité spécifique au secteur des télécoms n'a jamais été aussi élevée et pénalise les investissements. Un exemple emblématique de cela est l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER mobile), qui est une taxe particulièrement injuste et anti-investissement à nos yeux : plus les opérateurs implantent de sites mobiles qui participent à l'amélioration de la couverture numérique de tous les territoires, plus ils déploient des technologies de dernière génération et plus leurs charges fiscales augmentent. Cela est quand même très paradoxal. À cet égard, je tiens à remercier tous ceux parmi vous qui ont œuvré et continuent de le faire pour réformer l'IFER mobile soit par une exonération pour certaines technologies, soit par un plafonnement. Nous avons bon espoir que cette réforme puisse enfin voir le jour dès cette année.

Un point sur la 5G. Je voudrais recentrer le débat sur l'enjeu de la modernisation de notre économie à travers la 5G. Après avoir été le premier opérateur à lancer la 3G, puis la 4G en France, SFR a été le premier opérateur à lancer la 5G à Nice, vendredi dernier, où nous étions très nombreux auprès des Niçois. Nous étions très contents et fiers d'envoyer un message positif à la population et aux élus niçois dans cette période particulièrement difficile pour cette ville qui a été gravement touchée par des attentats et par des intempéries.

Nous sommes là aussi fiers d'être associés à cette innovation technologique qui est très importante pour les Français, même si nous savons que le débat autour de la 5G est important. Nous ouvrirons bientôt d'autres villes, Montpellier, Bordeaux, Nantes, Marseille, Paris Ȋle-de-France, même si d'autres villes nous ont informés de leur volonté d'imposer un moratoire qui, je crois, ne rendra pas service à la population et même au pays.

La 5G va servir dans un premier temps de relais capacitaire pour la 4G. Si la 5G n'arrive pas, nos réseaux 4G seront saturés et tous les Français seront concernés très rapidement. Ne pas vouloir la 5G, c'est finalement renoncer à la 4G, car elle sera saturée. Puis, la migration de l'ensemble du réseau en 5G ouvrira un nouveau champ des possibles, de nouveaux usages vont apparaître, tout est encore à imaginer. On cite souvent trois promesses majeures pour la 5G : les gains de débit, les gains en latence qui permettront un certain nombre d'innovations (la voiture connectée notamment) et la massification des objets connectés.

Ne croyez pas que la 5G sera pour un usage privilégié de grosses entreprises. La 5G touchera tous les Français et tout de suite par les capacités qu'elle offrira et qui permettront de continuer le développement des usages mobiles parce que, sinon, ils seront freinés. Dans la ville de Moulins par exemple, les petits commerçants, et pas uniquement les grandes surfaces, se sont mis au digital, ont commencé à organiser des ventes en utilisant leur mobile en Facebook live, avec retrait des marchandises en magasin ou, dans certains cas, dans les grandes surfaces qui étaient solidaires du petit commerce. Tout cela a été possible parce que les petits commerçants se sont mis au digital. Ne croyons donc pas que le digital ne concernera pas tout de suite les petites entreprises et les TPE. Ces petits commerçants qui souffrent énormément dans la crise actuelle ont besoin de faire ce saut dans le digital face aux grandes plateformes internationales et ont besoin de la 5G, du très haut débit pour le faire, de la fibre et de la 5G.

La 5G, c'est la possibilité d'accéder aux services d'usages vidéo qui seront utiles à toutes les entreprises. La 5G va également massifier les objets connectés, ce qui, combiné au temps de latence réduit, permettra le développement de nouveaux usages dans les secteurs verticaux tels que les smart cities, l'usine 4.0, la médecine connectée ou encore l'agriculture connectée.

Lors du lancement de la 3G ou de la 4G, des questions se posaient déjà. La 5G n'est pas une révolution. Il y a un saut technologique comme la 4G a été un saut technologique. La 5G est d'abord la 5ème génération et la 6G est déjà en préparation. Nous ne pouvons donc pas nous arrêter aujourd'hui. Sans doute le prisme des réseaux sociaux bien plus développés aujourd'hui qu'il y a quelques années, le climat de défiance généralisée que nous connaissons ne contribuent-ils pas à apaiser la situation. La pédagogie est toujours nécessaire, mais elle ne relève pas des seuls opérateurs. Tous les acteurs responsables doivent éclairer sur ce que cette technologie apporte et en quoi elle est nécessaire pour la modernisation de notre économie.

Les Chinois vont implanter cette année 250 000 antennes 5G. La Chine n'est sûrement pas un modèle démocratique, mais son développement nous impose de nous organiser, d'anticiper pour ne pas dire de nous défendre.

Notre ambition d'être numéro un sur la 5G reste malgré tout dépendante des atermoiements du Gouvernement par rapport aux équipementiers, et notamment par rapport à Huawei. Le débat n'est pas clos, les solutions ne sont pas trouvées. Abandonner Huawei est une décision du Gouvernement que nous pouvons très bien comprendre pour des raisons de sécurité nationale – ce n'est pas notre sujet, même si nous pouvons avoir un avis –, mais l'État doit être responsable et doit apporter une juste indemnisation aux opérateurs qui ont fait le choix de Huawei il y a quelques années avec l'accord du Gouvernement, avec parfois l'encouragement du Gouvernement, avec parfois le soutien du Gouvernement ! Aujourd'hui, pour des raisons qui sont sans doute légitimes, on nous demande d'abandonner Huawei ; il faut donc prévoir comme dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, une indemnisation des opérateurs qui vont devoir investir à nouveau dans de nouveaux équipements.

Pour conclure, comme vous le voyez, Altice France est mobilisée pour déployer le très haut débit fixe et mobile partout sur le territoire. Cette année plus que jamais, nos réseaux ont eu une importance vitale pour notre pays. Nous avons su répondre présents malgré la crise sanitaire et les difficultés engendrées. Altice France va continuer d'être un acteur majeur de la vie de notre pays, un acteur engagé au service de nos concitoyens, que ce soit avec ses médias d'information qui sont aussi une dimension importante du groupe ou à travers la couverture numérique des territoires avec le déploiement de la fibre, le New Deal mobile et la 5G.

Il est essentiel dans notre pays que nous ayons des opérateurs télécoms extrêmement solides. Ils doivent l'être pour investir, les besoins sont massifs, et il faut les encourager. Ils doivent être solides pour anticiper aussi la probable consolidation du secteur. Je rappellerai que le nombre d'opérateurs mobiles est passé de quatre à trois aux États-Unis et de trois à deux en Chine. Quand je parle de consolidation, je parle de consolidation européenne. En Europe, les opérateurs mobiles sont plus de cent. Un jour, cette consolidation arrivera et il faut que les opérateurs mobiles français soient extrêmement solides pour être au cœur de ce mouvement, pour être des acteurs de la consolidation et pour ne pas être des cibles dans cette réforme.

C'est pourquoi, M. le Président, Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez compter sur le groupe Altice, vous pouvez compter sur SFR pour faire du numérique une réalité indispensable pour tous. Il est important que vous soyez, Mesdames et Messieurs les députés, à nos côtés pour nous aider à relever ces défis majeurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.