Cette semaine, nous allons en effet évoquer avec vous nos travaux sur le tourisme de montagne, en tenant compte des déclarations faites hier soir par le Président de la République.
À l'orée de l'hiver, les professionnels et les territoires du tourisme de montagne sont particulièrement inquiets de la possibilité, ou non, de reprendre une activité. Le tourisme de montagne en hiver représente 10 milliards d'euros (Md€) de chiffre d'affaires annuel et 120 000 emplois directs ou indirects pour les 250 stations de ski que compte notre pays, et également pour les territoires de nos six principaux massifs, qui attirent alors 10 millions de touristes. Pour un euro de forfait, six euros supplémentaires sont en effet dépensés en station ou dans les vallées environnantes. En outre, 356 millions d'euros sont réinvestis chaque année par les Domaines skiables de France, qui contribuent également fortement aux rentrées fiscales des collectivités territoriales concernées. Enfin, pour une partie des saisonniers, qui composent la majorité des emplois, les quatre à cinq mois de la saison constituent la quasi‑totalité de leurs revenus de l'année. Vous comprendrez alors l'importance centrale de la saison hivernale pour ces nombreux acteurs.
Le premier confinement a affecté les stations de manière différenciée, car les fermetures administratives ont précédé de peu la fin de saison dans les stations de petite et moyenne montagnes. L'organisation professionnelle des opérateurs, Domaines skiables de France, et les écoles de ski françaises annoncent ainsi des pertes globales relativement limitées, à hauteur de 13 à 14 % de leur chiffre d'affaires annuel. Mais ces pertes sont montées jusqu'à 20 voire 25 % dans les très grandes stations d'altitude, qui ont cumulé les difficultés provoquées par la diffusion de la pandémie, dès février, dans les Alpes du nord et la perte de six semaines de saison. Dans les différentes catégories d'hébergements, les déficits de nuitées varieraient entre 22 et 33 %. La mise en place, rapide, de l'activité partielle pour leurs salariés, puis une bonne saison estivale pour les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et des autres activités de plein air ont permis, pour un grand nombre d'acteurs, d'amortir partiellement le choc. Mais le sort de la prochaine saison et les modalités d'accompagnement des entreprises dans un contexte toujours très complexe seront déterminants pour leur résilience.
Selon Atout France, la fermeture totale des stations de montagne au mois de décembre pourrait entraîner une perte globale de l'ordre de 2 Md€, dont plus de la moitié pour les seules vacances de Noël. De fait, les deux prochains mois représentent potentiellement 42 % du chiffre d'affaires d'une saison pour les Domaines skiables. L'hôtellerie familiale et les résidences assurent réaliser 20 % de leurs recettes annuelles pendant les vacances de Noël au Jour de l'An.
Si la réouverture est tardive et partielle, les impacts varieront selon les massifs et les profils des clients de chaque station. Les stations d'altitude, qui ouvrent normalement un mois plus tôt et comptent une forte proportion d'étrangers parmi leurs clientèles, subiront les plus lourds manques à gagner. Mais, plus familiales, les petites stations sont également très dépendantes des vacances de fin d'année. Or, tous les professionnels constatent déjà entre 15 et 40 % de retard dans les réservations.
Parce qu'une saison de ski demande plusieurs semaines de préparation, les acteurs du tourisme de montagne ont attaqué leurs premiers préparatifs, recrutant jusqu'à un quart de leurs saisonniers. Mais, faute de visibilité sur l'avenir et faute du versement d'arrhes, ils travaillent sans filet. Aussi, s'ils ont tenu à remercier le Gouvernement et les ministères pour leur écoute active depuis le début de la crise et pour toutes les aides reçues, ils attendent aujourd'hui non seulement des réponses sur l'accompagnement dont ils pourront bénéficier sur les mois à venir, mais aussi des perspectives claires pour leurs activités.
S'agissant des aides, les acteurs apprécient les soutiens renforcés accordés à leurs secteurs plus fortement affectés par la crise. Mais certaines difficultés ne leur semblent pas suffisamment prises en compte. C'est le cas notamment des loyers commerciaux, qui pèsent lourdement dans leurs charges, problématique à laquelle le crédit d'impôt prévu ne permettra pas de répondre systématiquement.
Toutefois, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) nous a signalé que le ministère chargé des petites et moyennes entreprises leur a tout récemment demandé de réfléchir à la transformation des aides du fonds de trésorerie en un mécanisme fondé sur un pourcentage, à déterminer, du chiffre d'affaires de l'année précédente qui tienne compte des loyers et charges fixes. C'est ce mécanisme qu'a esquissé hier soir le Président de la République à l'occasion de son intervention.
Un autre sujet d'inquiétude est la soutenabilité à court et moyen termes des reports de charges et des remboursements de prêts, qui incite Domaines skiables de France à solliciter une deuxième année sans remboursement pour le prêt garanti par l'État « Saison » (PGES), à l'instar de ce qui devrait être rendu possible pour le prêt garanti par l'État (PGE) classique. Les entreprises ne voudraient pas, en effet, devoir arbitrer entre les PGE et leurs futurs besoins de crédits d'investissements. L'ensemble des acteurs souhaiteraient, enfin, que les échéances de leurs emprunts bancaires soient à nouveau différées.
Mais la première interrogation des acteurs du tourisme de montagne concerne la durée des dispositifs d'aides de l'État. Il apparaît que tous ont une validité limitée, ou une échéance encore vague, comme c'est le cas pour le PGES. Que va-t-il se passer pour les aides renforcées du fonds de solidarité au-delà de novembre ? Ces professionnels vont-ils pouvoir bénéficier de la prise en charge totale de l'activité partielle de leurs salariés après le 31 décembre ? Dans la mesure où les besoins des acteurs du tourisme s'exprimeront bien au‑delà des échéances aujourd'hui en vigueur, et que ces décisions sont des conditions de la reprise des activités, nous recommandons au Gouvernement de clarifier rapidement la durée de validité de ces aides, essentielles pour préserver leurs entreprises et leurs milliers d'emplois tant que dureront les contraintes sanitaires.
Des représentants de l'hôtellerie-restauration évoquent même la piste d'une mise à l'arrêt temporaire d'établissements qui n'auraient pas d'intérêt à rouvrir du fait d'une demande trop faible et dont l'effacement, jusqu'à ce que la demande redémarre réellement, permettrait de réduire une offre actuellement excédentaire. Pour cela, il faudrait un accompagnement public, que le Groupement national des indépendants hôtellerie-restauration (GNI-HCR) évalue à 15 % du chiffre d'affaires de ses adhérents, plus 8 % pour les loyers.