Je me félicite de voir la question de la condition animale abordée pour la deuxième fois en quelques mois au sein de cette commission. Je tiens à saluer l'engagement de longue date de MM. Loïc Dombreval et Dimitri Houbron sur cette question et à les remercier pour la qualité de leur travail et de nos échanges dans le cadre de cette proposition de loi. Je salue également plusieurs de nos collègues qui ont pris une part active dans les travaux préparatoires de ce texte, parfois depuis de longs mois, ainsi que l'ensemble des personnes qui ont accepté de nous rencontrer, pour des auditions menées dans des délais très serrés ; leur disponibilité et leur éclairage sur ce texte ont été extrêmement précieux.
Dans les chapitres III et IV, il s'agit fondamentalement de nous interroger sur la situation des animaux non domestiques placés dans des conditions de détention incompatibles avec leurs impératifs biologiques. Tel est le cas des animaux détenus dans les cirques itinérants, comme les hippopotames, les éléphants, les félins et les singes, les cétacés dans les delphinariums ou encore les loups et les ours présentés par des montreurs au public, dans le cadre, par exemple, de fêtes médiévales. La question de l'utilisation de ces animaux dans des émissions télévisuelles, des discothèques ou des événements festifs se pose dans les mêmes termes.
Plusieurs arguments complémentaires plaident pour mettre fin à ces pratiques.
Premièrement, les progrès de la recherche scientifique ne laissent aucune place au doute. Dans un cadre de vie inadapté, ces animaux sont dans une situation de détresse et de souffrance, comme les éléphants, qui développent des comportements stéréotypés de balancement du fait de l'ennui, comme les cétacés, qui agressent leurs propres congénères, ou comme les dauphins, qui ne font plus usage de leur sonar, système de sons qui constitue leur principal sens, parce qu'il n'est pas possible de l'utiliser dans l'espace clos d'un bassin.
Deuxièmement, les sensibilités ont changé. Les sondages témoignent aujourd'hui du fait qu'une majorité de Français ne souhaitent pas que ces pratiques se poursuivent. Le baromètre IFOP publié en 2020 démontre que les Français les rejettent massivement : 72 % des personnes interrogées sont contre les cirques avec animaux sauvages, soit une augmentation de 5 points depuis 2019, et 69 % sont contre les delphinariums, soit la même augmentation.
Ces chiffres soulignent une évolution de la société qui n'est pas nouvelle et qui s'est construite durant de nombreuses années. En tant que représentants de la Nation, il nous appartient de traduire dans la loi ce que nous, citoyens français, entendons nous imposer comme règle.
Le temps est venu d'agir. Mme Barbara Pompili a confirmé, dans ses annonces au mois de septembre dernier, que le Gouvernement et le Parlement souhaitaient avancer sur ces questions. Le texte de la proposition de loi, comme tout texte, peut toujours être amélioré et précisé. Je proposerai plusieurs amendements issus de l'éclairage donné par les auditions.
L'un des ajouts les plus importants résident dans l'introduction d'une date d'entrée en vigueur pour l'interdiction de détention des animaux non domestiques dans les cirques. Je vous proposerai un délai de cinq ans, permettant à la fois de cadrer l'interdiction et de laisser un délai suffisant d'adaptation. Plusieurs d'entre vous proposent d'ailleurs la même chose.
En revanche, les interdictions de reproduction et d'acquisition devraient, à mon sens, entrer en vigueur dès la promulgation de la loi, afin d'éviter que le nombre d'animaux pour lesquels une solution d'accueil doit être trouvée n'augmente pas pendant la période de transition. De même, je souhaiterais revenir sur les délais prévus dans le cadre de l'interdiction de détention des orques.
Par ailleurs, il me semble important que nous cherchions, en tant que législateurs, à inscrire dans la loi une définition claire de ce que sont un refuge et un sanctuaire. Cette définition manque aujourd'hui, ce qui ouvre la porte à des dérives qu'il convient de cadrer immédiatement. La tâche n'est pas simple ; l'ensemble des acteurs auditionnés le reconnaît. Je proposerai donc une définition, fruit de cette réflexion collective, dans le cadre d'un amendement après l'article 14, en précisant que cette définition est susceptible, avec votre aide, d'évoluer d'ici la séance.
Enfin, le chapitre IV et l'article 15 prévoient la fin de l'élevage de visons d'Amérique destinés à la production de fourrure. Une nouvelle fois, la loi accompagne une transition déjà à l'œuvre. S'il existait 300 élevages de ce type dans les années 1960, il n'en reste aujourd'hui que trois, un quatrième ayant dû abattre ses visons contaminés par la covid ; il a aujourd'hui fermé ses portes.
La question du délai d'interdiction de ces élevages de visons se pose de manière plus aiguë dans le cadre de la pandémie qui nous traversons. Nous reviendrons sur ce point précis. Outre cette dimension sanitaire, il paraît nécessaire de mettre fin dans des délais raisonnables à ces élevages, dans lesquels les visons vivent dans des conditions indignes, et qui posent de sérieux problèmes en matière de protection de l'environnement et de biodiversité.
Enfin, cette disposition correspond elle aussi à une attente citoyenne. Plus de 80 % de nos concitoyens estiment nécessaire d'interdire l'élevage d'animaux non domestiques pour leur fourrure.
Chers collègues, c'est donc avec un grand sens des responsabilités, au-delà de nos convictions personnelles probablement diverses, que nous devons entamer aujourd'hui l'examen de ce texte. De nos travaux dépend l'avenir de nombreux animaux, éléphants, hippopotames, lions, tigres, orques, dauphins, ours et loups qui vivent aujourd'hui dans des conditions inadaptées, sources de souffrance que nous ne devons plus accepter. De nos travaux, en lien avec le Gouvernement, dépend également l'avenir de nombreux professionnels du monde du cirque, soigneurs, montreurs d'ours et de loups et éleveurs de visons, que nous devons accompagner. Personne ne doit être laissé sur le bord de la route. Enfin, de nos travaux dépend l'image que nous nous faisons de nous-mêmes, en tant que citoyens, en tant que parlementaires, et tout simplement en tant qu'humains, car c'est évidemment une part de notre humanité qui se joue lorsque nous cherchons à redéfinir notre relation vis-à-vis des animaux.