L'accord de pêche conclu avec le Royaume-Uni entraînera bien une perte de 25 % des prises sur cinq ans pour la France, dont 15 % dès la première année. Même si le reste de la réduction sera lissé sur cinq ans et que les captures diminueront petit à petit, le plan d'accompagnement doit démarrer très vite et monter en puissance quand cela sera nécessaire.
Outre cette diminution de 25 %, la Commission doit faire des propositions de baisse des quotas pour les espèces partagées avec le Royaume-Uni. Les négociations, qui ont commencé il y a trois ou quatre semaines, ne sont pas simples. Nous avons une position très ferme : avec plusieurs États membres, nous demandons à la Commission de faire preuve de la plus grande transparence car ce processus pourrait occasionner de nouvelles baisses, ou des hausses dans certains cas. La France a rejeté la proposition de la Commission sur presque tous les quotas car les pêcheurs ne doivent pas subir une triple peine : la covid-19, l'accord du Brexit et des quotas qui privilégieraient la protection de la ressource, au détriment de ce secteur économique. Nous avons tous pour objectif de bien gérer la ressource, mais il faut prendre garde de ne pas faire disparaître les marins pêcheurs eux-mêmes. Je suis la voix de tous les marins pêcheurs français et européens en la matière.
Concernant la cohabitation entre l'énergie et la pêche, nous faisons tout en France pour organiser le maintien de la pêche dans les parcs éoliens. Le ministère de la mer, ce ministère des usages et des usagers, est celui de la planification. Nous faisons donc en sorte que les parcs éoliens permettent des co-usages avec les pêcheurs. Certes, du côté du Royaume-Uni, l'ambition n'est pas au même niveau que la mienne, mais les pêcheurs sont très vigilants et négocient, pour les futures fermes, des droits semblables à ceux déjà obtenus. Il faut faire très attention à ce sujet, même si on n'est pas obligé de se faire peur, et montrer l'exemple, en prouvant que la cohabitation est possible dans les parcs marins d'éoliennes.
Nous nous sommes battus jusqu'au bout pour que le traité de la baie de Granville, qui organise la pêche dans les eaux de Jersey, intègre en l'état l'accord conclu avec le Royaume-Uni. Nous n'avons pas obtenu gain de cause, mais la France siégera dans le conseil de partenariat aux côtés de la Commission, tout comme Jersey y siégera aux côtés du Royaume-Uni. C'est localement que l'on trouve les solutions les meilleures. J'ai fait créer un groupe de travail, animé par la DPMA. Des réunions ont déjà eu lieu avec les professionnels, et nous pourrons y associer les élus, comme cela a été fait le 26 janvier dernier.
Nous réfléchissons déjà à l'après 2026. L'accord a posé des conditions pour éviter que le Royaume-Uni prenne des décisions unilatérales, et autorise la Commission à revenir sur ce qu'elle a acté si l'une des parties n'est pas à la hauteur de ses engagements. La protection est donc relativement forte. Le volet pêche de l'accord contient des dispositions sur l'après 2026, avec une réduction progressive des clés de répartition, ou la liste des stocks partagés avec les États côtiers – Royaume-Uni, Norvège… – et avec l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest. C'est complexe parce que cela met en jeu plusieurs accords internationaux, dans lesquels le Royaume-Uni a toute sa place dès lors qu'il est sorti de l'Union européenne.
Nous avons des réunions régulières sur les taux admissibles de captures et les quotas. La réduction sera progressive : les 15 % de cette année représentent déjà 60 % de notre perte totale, et cela augmentera tous les ans jusqu'aux 25 % de 2025. La variation prévue peut s'expliquer par la différence des prix de référence : le Royaume-Uni parle en euros ou livres rapportés par les différentes espèces, et non en quotas, c'est-à-dire en volumes de pêche. C'est pour cela que nous en débattons à tous les niveaux, avec les pêcheurs ou entre nous, parce que cette donnée n'est pas évidente à calculer. Ce n'est pas vraiment dans notre culture, mais nous nous y plions.
S'agissant de l'accès aux eaux, l'interprétation la plus large possible a été demandée concernant la condition d'antériorité. La crainte est que, lorsqu'un bateau sera trop vieux pour se rendre sur place, l'autorisation soit perdue et que les capacités de pêche finissent par s'éteindre d'elles-mêmes. Après 2026, les négociations sur l'accès aux eaux se tiendront annuellement. Nous avons donc intérêt à bien affirmer notre position et notre manière de travailler d'ici là. Il ne faut pas s'interdire d'être innovant en la matière : nous devrons peut-être faire évoluer notre conception et notre pratique de l'antériorité. Il faut aussi accepter d'aller voir comment font les autres.
Concernant les mesures de dissuasion en cas de restriction d'accès à l'issue de la période de transition, un certain nombre de garanties ont été durement négociées – M. Michel Barnier n'a pas fait de cadeaux ! Nous avons obtenu des mesures compensatoires et des mesures de rétorsion et, dans le cas le plus extrême, chaque partie peut à tout moment rompre l'accord.
Le Brexit affecte toute la filière pêche. Les lourdeurs administratives existent, principalement du côté du Royaume-Uni. Nous faisons beaucoup d'efforts, par exemple avec la création d'un guichet unique, qui sera en place d'ici le mois de juin, mais d'un autre côté il n'est pas question de limiter des contrôles qui sont indispensables – il faut clairement montrer la différence qu'il y a à être dans l'Europe ou pas ! Les risques qui étaient encourus se sont réalisés, nous n'y pouvons pas grand-chose.
Il semble en effet que la Scapêche rencontre des difficultés pour réunir les documents permettant de débarquer en Écosse. Ses représentants m'ont expliqué qu'ils avaient besoin de fournir un document établi par les douaniers… mais qu'il n'y avait pas de douanier à leur point de départ. Dans ces cas-là, il faut faire preuve de bon sens : quand il n'y a pas de douanier, on peut faire établir une attestation pour le prouver. Il ne faut pas qu'un drame naisse à chaque étape difficile, il y en aura d'autres – on en découvre tous les jours ! Je serai aux côtés de tous les pêcheurs, artisans ou pêcheurs industriels, et du reste de la filière. Il est important de s'adapter, qu'il s'agisse du Brexit ou de la crise de la covid-19. Sur le terrain, les motifs d'énervements sont doubles : la douane écossaise d'un côté, et les tests imposés aux équipages de l'autre. Tout cela crée des tensions qui peuvent dégénérer très vite. C'est pourquoi il est important de systématiquement leur rappeler que nous sommes là pour les aider.
Tous les services déconcentrés, sur le terrain, sont à vos côtés. Le Président de la République et le Premier ministre ont prévu des ressources humaines supplémentaires : trente personnes sont présentes sur le terrain pour accompagner la filière pêche dans les différentes demandes d'aides ou pour faire remonter les problèmes. J'espère bien que cela est fait : je me rends dans certains ports mais je ne peux pas être présente partout en même temps. J'ai pris l'engagement de faire le maximum, mais j'ai aussi besoin de vous pour faire remonter les difficultés que je pourrais ne pas avoir vues ou entendues, et pour me dire d'ailleurs si les hommes et les femmes que j'ai envoyés sur le terrain sont bien là. Je veille toujours à ce que: les engagements pris soient tenus. Il ne faut d'ailleurs pas cloisonner : ces mêmes personnes doivent aussi expliciter les aides qui peuvent être apportées dans le cadre du plan de relance annoncé pour la pêche ou du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), en complément de celles prévues dans le cadre du Brexit ou liées à la covid-19. Tout cumulé, nous avons les moyens d'accompagner la restructuration de cette filière, alors allons-y !
Les territoires ultramarins sont une véritable chance pour notre pays, et d'autant plus avec l'extension du plateau continental ou d'ailleurs de différentes zones maritimes. La souveraineté de la France s'étend à la fois sur la bande côtière des 12 milles, sur la zone économique exclusive et sur le plateau continental. Grâce au droit de la mer, nous avons la possibilité d'étendre nos plateaux continentaux : en 2015, nous avons ainsi obtenu 578 000 kilomètres carrés supplémentaires grâce à la Martinique, à la Guyane, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Kerguelen. Nous avons également obtenu 150 000 kilomètres carrés sous-marins supplémentaires grâce aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), au large de La Réunion et de Saint-Paul, soit un quart de la taille de l'Hexagone. Si la France est la deuxième puissance maritime mondiale, c'est parce que, depuis 1976 et la convention de Montego Bay, elle possède 10,2 millions de kilomètres carrés de ZEE – ce que l'on appelle les colonnes d'eau.
Une puissance maritime, ce n'est pas seulement un domaine maritime : c'est aussi des bateaux, des hommes, de la pêche, du transport. Nous y travaillons, tant dans les relations maritimes que dans les grands projets que nous souhaitons développer – axe indo-Pacifique, axe Atlantique. Et c'est aussi des ressources, ce qui suppose des connaissances supplémentaires, car nous ne connaissons que 10 % de nos ressources maritimes. Celles-ci se trouvent, à 80 %, dans les territoires ultramarins et nous devons donc y travailler davantage, par exemple en implantant des bases scientifiques dans les territoires ultramarins.
Après avoir parlé de « droit de la mer », nous devons désormais parler de « devoir de la mer », autrement dit de la protection de nos mers et de nos océans. Si la France veut parler d'une voix forte, si elle veut développer des projets pour rappeler que l'océan est un bien commun, elle doit se montrer irréprochable, dans sa ZEE comme sur son plateau continental. Il faut d'ailleurs se féliciter de la décision législative que vous aviez prise en 2017 d'interdire tout nouveau permis de recherche d'hydrocarbures dans nos eaux et sur notre plateau continental. Ce sont des choses que je rappelle le plus souvent possible. La présence française dans l'ensemble des océans nous donne la capacité de porter haut et fort nos messages.
S'agissant de la pêche en Martinique, j'ai déjà apporté des éléments d'information, en réponse à une question de M. Letchimy, sur les exonérations de charges sociales patronales liées aux salariés. Je lui adresserai bientôt un complément d'information concernant les patrons pêcheurs. J'ai la volonté, comme l'a fait le ministre des outre-mer, M. Sébastien Lecornu, de réunir un comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises, pour apporter des réponses particulières à chacun. Le plan chlordécone 4 devra être à la hauteur des engagements du Président de la République sur la transformation de la filière agricole et de la filière pêche en Martinique et en Guadeloupe. Les crédits européens, dans le cadre du FEAMP, servent aussi à financer cette transformation. Nous effectuerons un travail complémentaire avec la Martinique, dans les jours qui viennent, pour éviter que les crédits FEAMP ne soient pas utilisés en totalité, alors qu'il y a véritablement des besoins.
Les sorties de flotte ne signifient pas la disparition totale de l'activité de pêche. Certains pêcheurs, notamment dans les Hauts-de-France, attendent ces possibilités de sortie de flotte, pour plusieurs raisons. Les coûts supplémentaires consécutifs au Brexit et à la crise de la covid-19 ne seront pas supportables pour certaines entreprises. Le dispositif de sortie de flotte est donc très important pour accompagner ceux qui souhaitent arrêter leur activité pour s'orienter vers d'autres métiers, ou parce qu'il est temps d'arrêter, parce qu'ils sont épuisés – c'est le métier le plus accidentogène en France. Il y aura des mesures d'accompagnement diverses et je souhaite que ces sorties de flotte soient plus avantageuses que celles existant dans le cadre du FEAMP. Cela ne doit toutefois pas entraîner la disparition de capacités de pêche. Ce ne sont pas des sorties de flotte classiques dans le cadre du FEAMP, mais des sorties spécifiques, liées au Brexit : voilà la position que nous devons défendre tous ensemble.
S'agissant de la possibilité de trouver de nouvelles zones de pêche, il est clair que la pêche est un secteur peu délocalisable. En revanche il faut mieux connaître notre ressource et valoriser différemment nos espèces. Je me rends compte, dans les négociations européennes, que nous avons une faible connaissance de nos ressources. Ainsi, dans les territoires ultramarins, il serait possible de rénover la flotte, voire d'acheter de nouveaux bateaux – cela a été autorisé par l'Europe – mais seulement en nous conformant à la règle européenne selon laquelle il faut démontrer que cela correspond à une ressource. Nous ne pouvons pas le démontrer ! Il faut investir davantage dans la recherche. Nous avons besoin de mieux connaître nos ressources pour mieux débattre de nos quotas.
Concernant le trafic dans la Manche, il n'y a pas de coordination entre les États membres et aucune nouvelle régulation n'est prévue. Je vous confirme, Monsieur le député Jumel, que je viendrai à Dieppe, ainsi qu'à Fécamp. Ce sont deux villes que je souhaite visiter, d'abord parce que la ministre de la mer se doit d'y aller, mais aussi parce que la Saint-Pierraise-et-Miquelonnaise n'a pas oublié que la grande pêche et les terre-neuvas leur étaient étroitement liés. Je viendrai le plus vite possible, et je ne manquerai pas d'organiser cette visite avec les députés concernés.
Vous m'avez interrogée sur la liaison Dieppe-Newhaven. La crise sanitaire, et les mesures de restriction de la circulation qui en ont découlé, ont entraîné une forte baisse du trafic maritime de voyageurs. Les compagnies ont été très secouées. Comme je l'ai annoncé dans l'hémicycle, nous avons décidé d'apporter un soutien fort au secteur grâce à diverses mesures, à commencer par l'application du net wage – soit une exonération de charges patronales. Ce dispositif, initialement prévu pour une durée d'un an, sera vraisemblablement prolongé. Plus généralement, dans le cadre du « Fontenoy du maritime », nous menons une réflexion sur le soutien au pavillon français. Il faut tenir compte des missions de service public qui peuvent être exercées et du cadre général de la concurrence internationale. C'est un sujet sur lequel nous avons déjà échangé, j'espère que nous pourrons avancer ensemble.
La pêche est un secteur essentiellement artisanal – les embarcations de pêcheurs artisans représentent 80 % de la flotte. Cela a bien entendu une incidence sur l'aménagement du territoire et il ne fait pas de doute que la France ne serait pas la France sans ses ports et ses criées. Des débats existent sur le modèle économique, sur les ressources et sur les zones. Mais il faut savoir que tout le monde ne pêche pas au même endroit et n'est pas soumis aux mêmes quotas. Les quotas de la pêche industrielle, s'ils devaient être abandonnés, ne reviendraient pas pour autant à la pêche artisanale. Nous devons avoir un débat transparent sur ces questions, sans opposer forcément pêche industrielle et pêche artisanale. Vous savez que la pêche artisanale est pour moi une priorité, mais je considère que je suis tout à la fois la ministre des artisans pêcheurs et la ministre de la grande pêche.
Dès ma prise de fonctions, je me suis emparée de la question des captures accidentelles de cétacés. Je serai franche : j'ai très peu apprécié la démonstration à laquelle s'est livrée hier l'association Sea Shepherd France devant l'Assemblée nationale. Cette action est scandaleuse et ceux qui se laissent attendrir par ce type de comportement ont tort. J'ai demandé aux directeurs interrégionaux de la mer d'investiguer pour savoir où ces cadavres de dauphins avaient été récupérés et d'effectuer, si nécessaire, un signalement auprès du procureur de la République.
Considérant qu'il est normal qu'une ministre rencontre l'ensemble des acteurs de son domaine, j'avais annoncé jeudi, au Guilvinec et à Cap-Breton, que je rencontrerais les représentants de l'association en question – ils avaient déjà été reçus par mon cabinet. Ils ont eu tort de vouloir faire croire que c'est leur action qui me pousserait à les recevoir : cela ne se fera pas. Je n'ai pas l'habitude d'agir sous la pression de qui que ce soit.
Le dauphin est une espèce protégée. Nous partageons tous cet objectif de protection, y compris les pêcheurs. Au Guilvinec, certains m'ont dit combien ils avaient pu être marqués par une prise accidentelle. La crainte de se voir apposer l'image du pêcheur « tueur de dauphins » est telle qu'ils n'ont parfois pas osé en parler à leurs enfants ! Cela les touche profondément, il faut l'entendre.
La France n'était pas irréprochable en matière de contrôle et l'obligation de déclaration des captures accidentelles n'était pas respectée. J'ai annoncé que cela changerait à partir du 1er janvier 2021. Par ailleurs, depuis la mi-décembre, un bulletin d'information bimensuel est publié sur le site du ministère de la mer. Plus nous serons transparents et moins les pêcheurs seront accusés. Personne, ni moi, ni aucune ONG, ne peut dire combien de cétacés, sur les 10 000 échoués l'an dernier, ont été victimes d'une capture accidentelle, mais il est certain que ce n'est pas la totalité. Il faut donc cesser les procès infondés.
Nous allons équiper les bateaux de caméras – je remercie les pêcheurs qui se sont portés volontaires – pour détecter la présence éventuelle de cétacés dans les filets. Des bateaux patrouilleront pour contrôler la mise en œuvre, par les chalutiers, de leurs obligations. Parmi ces dernières figure l'usage de pingers, ces répulsifs acoustiques censés éloigner les dauphins, mais il semblerait que les signaux qu'ils émettent aient aussi pour effet de perturber les cétacés, ce qui expliquerait une partie des échouages. Nous devons poursuivre les recherches dans ce domaine, et j'ai confiance dans les chercheurs, dans les pêcheurs et dans les ONG qui travaillent correctement pour le faire avec nous. Mon objectif est forcément double : préserver ces espèces protégées, mais aussi garantir l'équilibre socio-économique de la filière pêche. Le commissaire européen à la pêche a estimé que les propositions que lui avaient faites la France et l'Espagne à l'automne étaient insuffisamment ambitieuses mais il a reconnu le manque d'informations et de connaissances scientifiques solides dans ce domaine. Il a donc octroyé un délai supplémentaire aux deux pays.
J'ai pris un engagement : dans deux ans, au vu des éléments que nous aurons rassemblés, nous prendrons les décisions qui s'imposent et nous irons plus loin si c'est nécessaire. Pour autant, je ne remettrai pas en cause la totalité d'une filière. Il n'a pas été pleinement démontré que la mortalité des cétacés était due aux activités de pêche. Je viens d'appeler l'observatoire Pelagis, à la Rochelle, pour connaître les résultats des autopsies menées sur quatre cadavres de dauphins : personne n'est en mesure de se prononcer aujourd'hui sur les causes de leur mort. Nous ignorons aussi à combien s'élève le nombre total d'individus peuplant le golfe de Gascogne. Nous n'avons que des hypothèses, que nous devons valider les unes après les autres.
Vous le savez, je suis très attachée à la préservation des ressources : c'est mon engagement depuis toujours, sans doute parce que je viens d'un territoire, Saint-Pierre-et‑Miquelon, que la surpêche a tué économiquement. C'est pour cela que, dans ma jeunesse, membre d'une ONG, je me suis rendue sur la banquise, au large des îles de la Madeleine, pour militer contre la chasse aux phoques : jamais je n'aurais imaginé que notre action allait détruire l'économie des Micmacs et la totalité des peuples inuit du nord du Québec ! Je partais livrer combat fière de mes grandes convictions – il m'en reste beaucoup ! – mais sans disposer de toutes les données. Jamais plus je n'agirai ainsi : aujourd'hui, le Saint-Laurent est envahi par une population de phoques bien trop importante. Qui me connaît sait que je parle des choses que j'ai vécues, et vous aurez compris mon émotion sur ces sujets. Il faut toujours être très prudent.
Monsieur Travert, vous avez raison : interdire à des jeunes d'embarquer pour observer la réalité du métier auquel ils se forment n'a pas de sens. L'ordonnance du 23 septembre 2020 contient des avancées importantes : elle permet de déroger à la durée maximale du travail, définit la notion de travail de nuit et simplifie les modalités de mise en œuvre de la convention de stage. Malgré cela, les difficultés persistent. Je reviens d'une visite dans un lycée maritime où le directeur, les enseignants et les élèves m'ont interpellée sur cette question ; les pêcheurs évoquent régulièrement le sujet. Le texte est récent et sa mise en application sur le terrain peut être décalée. N'hésitez pas à me tenir informée afin que nous puissions apporter les corrections nécessaires.
Les Britanniques, Monsieur Falorni, voulaient exclure initialement les navires européens de leur bande des 6-12 milles – ce qui, entre nous soit dit, pouvait se comprendre. Mais nous avons résisté, faisant valoir les droits historiques et la proximité, parfois immédiate, de la bande côtière pour les pêcheurs français. Nous avons mené une négociation difficile : autant le Royaume-Uni avait tout intérêt à jouer avec la Commission sur la ZEE – avec 1 100 navires de leur côté et 1 700 navires côté européen – autant il lui était difficile d'accepter que les bateaux européens puissent pêcher dans les 6-12 milles britanniques, sans que la réciproque soit vraie. Ils ont perdu beaucoup et sont quelque peu énervés.
Pour le moment donc, seules 59 licences provisoires ont été délivrées. Les dossiers sont vérifiés avec minutie, il faut beaucoup d'énergie pour les constituer et apporter les éléments attestant de l'antériorité. Il est particulièrement difficile, pour les petits bateaux, de prouver qu'ils exerçaient dans cette zone durant les années référencées dans l'accord. Nous devons travailler sur ce point, afin que l'antériorité reconnue soit la plus importante possible. Quant aux espèces concernées, les tableaux en annexe à l'accord permettent d'évaluer à la fois la perte par espèce pélagique, par type de pêche et par zone – Hauts-de-France, Bretagne, Normandie.
Conformément aux engagements du Président de la République, la stratégie nationale pour les aires protégées vise un objectif de 30 % du territoire terrestre et maritime protégé, dont 10 % sous protection forte. Nous y parviendrons. Je le sais pour avoir été ministre sous la majorité précédente, on peut faire de belles annonces sans que les moyens soient au rendez-vous. Cette fois, Mmes Barbara Pompili, Bérangère Abba et moi-même avons à cœur de réaliser notre ambition. Nous veillons à ce que les moyens soient à la hauteur : le budget consacré par l'État aux aires protégées est en progression, avec déjà 10 millions d'euros supplémentaires prévus par la loi de finances pour 2021.
La plupart de ces aires protégées se situant dans les territoires ultramarins et dans les Terres australes et antarctiques françaises, il nous est demandé d'y inclure des côtes de l'Hexagone. Cela nous ramène à ma préoccupation constante de concilier usage et usagers. Les aires marines protégées, y compris sous protection forte, doivent accepter une certaine activité – au moins la présence de viviers susceptibles de réalimenter les bassins voisins.
Parallèlement, le Premier ministre le rappellera peut-être bientôt à Brest, nous avons lancé dans le cadre du comité interministériel de la mer un plan « grands fonds ». L'objectif est de mieux connaître, grâce à des campagnes d'exploration, les ressources et les potentiels du pays et de permettre à la France de parler d'une voix forte au niveau international ou européen.