Intervention de Pierre Eric Pommellet

Réunion du mardi 28 septembre 2021 à 17h35
Commission des affaires économiques

Pierre Eric Pommellet, président-directeur général de Naval Group :

L'Australie fait partie des Five Eyes. Ce groupe de pays, qui comprend, outre l'Australie, les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Nouvelle‑Zélande, s'est doté d'un dispositif sécurisé de partage d'informations extrêmement confidentielles. Mais la Nouvelle-Zélande, bien que faisant partie du même club, a interdit aux sous-marins australiens de circuler dans ses eaux territoriales.

La décision australienne aura forcément des conséquences dans l'Indo-Pacifique. Certains pays vont probablement se poser des questions sur leurs alliances et sur la fiabilité des partenariats qu'ils avaient conclus, car l'Australie a rompu une relation de confiance avec un allié qui, s'il n'appartenait pas aux Five Eyes, n'en était pas très éloigné du point de vue géostratégique. Nous travaillons déjà avec un certain nombre de pays de la zone : outre la Malaisie, déjà citée, nous fabriquons par exemple des sous-marins pour l'Inde. Tous vont réinterroger leurs alliances, et je pense qu'il y a là un champ diplomatique et industriel à explorer.

La résiliation pour convenance est prévue au contrat et le processus de sortie est défini. Sur les chiffres que vous entendez concernant la valeur des contrats, ce n'était ni 90 milliards ni un projet sous-marin uniquement français, mais cela faisait les gros titres des journaux. La perte d'un volume d'activité d'environ 500 millions d'euros par an pendant une très longue période nous conduit à trouver des perspectives nouvelles de croissance pour Naval Group, en France et à l'international.

Nous avons des ressources immédiatement disponibles pour le SNLE 3G : pour l'ingénierie, une centaine de personnes sur le site de Cherbourg pourraient être employées pour des travaux qui étaient prévus ultérieurement. Il faut que nous en discutions avec la DGA.

Comment préserver l'activité et rebondir ? J'ai cité le SNLE 3G et le drone naval. Nous discutons aussi avec la DGA des feuilles de route concernant les SNA et les frégates. Je tiens à souligner l'excellente coopération que nous avons avec tous les services de l'État, tout au long du programme.

Nous pouvons aller plus loin encore dans la coopération navale en Europe. Le programme European Patrol Corvette, qui relève de la coopération structurée permanente, la PESCO, et du Fonds européen de défense, associe la France, l'Italie et l'Espagne. Nous pourrions inciter ces trois États à proposer à leur marine respective de concevoir ensemble un même bateau – tout en le fabriquant dans les trois pays partenaires. Fincantieri, Navantia et nous sommes très attachés à ce programme et nous réjouirions de son accélération.

S'agissant de la propulsion nucléaire pour l'Australie, on ignore ce qui ressortira de la période d'études de dix-huit mois qui a été annoncée. L'engagement a été pris que les traités de non-prolifération seront respectés. L'Australie n'a aucune compétence en matière nucléaire. Les pays qui emploient des sous-marins nucléaires d'attaque ont tous construit une industrie nucléaire sur un demi-siècle, depuis la fin de la guerre. Un pays peut-il, en partant de rien, développer une industrie nucléaire en dix ou vingt ans ? Quand on voit les infrastructures dont dispose la France, on peut en douter.

Concernant l'évolution du format de la marine, il est évident que nous serions capables d'en faire davantage et de répondre à d'éventuelles demandes. D'ailleurs, pour ce qui concerne les bâtiments de surface, nous avons engagé dans notre chantier de Lorient un plan de transformation, appelé C20F30, en vue d'améliorer notre compétitivité et de fabriquer des corvettes en vingt mois et des frégates en trente mois, de manière à pouvoir répondre rapidement aux demandes de nos clients en France et à l'international. Nous sommes capables de produire deux frégates en même temps, avec des méthodes industrielles modernes, issues du lean management.

Si nous avons été retenus par la Grèce, c'est précisément en raison de notre capacité à livrer rapidement des frégates. La ministre des armées avait annoncé en début d'année une accélération du programme FDI afin de maintenir une activité industrielle, de manière à avoir deux frégates livrables en 2025, ce qu'aucun autre industriel n'était capable de proposer. La marine nationale a accepté de décaler certaines de ses livraisons. C'est en définitive tout le dispositif militaires-DGA-industriels qui permet à la France de livrer rapidement des frégates.

Les contrats commerciaux comportent toujours des clauses de résiliation : on définit au moment où l'on signe le contrat la manière dont on peut l'arrêter. C'est en général soit pour défaut – incapacité à assurer la livraison, dépassement des coûts etc. –, soit pour convenance. Le contrat a ici été résilié pour convenance.

La méthode, par contre, interroge. Dans une relation contractuelle normale, quand on s'oriente vers la résiliation d'un contrat, on prévient plusieurs mois à l'avance que les choses sont en train de changer et qu'une résiliation pourrait survenir à telle date, ce qui permet à l'industriel de s'y préparer en amont, de ralentir le rythme de production et d'informer les sous-traitants. Là, au contraire, toutes les informations transmises incitaient plutôt à accélérer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.