Intervention de Robert Therry

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobert Therry, rapporteur pour avis :

Le tourisme subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire. Les touristes internationaux ne sont pas encore libres de voyager comme ils le souhaitent. En 2020, le tourisme mondial est retombé à son niveau de 1990. En France, la fréquentation de touristes étrangers a chuté de 55 %, passant de 90 millions à 40 millions de visiteurs. En 2021, Atout France espère atteindre 50 millions de visiteurs, un chiffre qui reste faible. C'est dire à quel point le secteur touristique est affecté, alors que sa contribution aux performances économiques du pays est déterminante : 300 000 entreprises et 2 millions d'emplois sont mis en péril. Certes, l'État a mis en place des mesures de soutien, et le montant des crédits de la mission Action extérieure de l'État consacrés au tourisme reste stable en 2022. Le soutien au secteur pourrait toutefois être amélioré et clarifié, afin de s'assurer que toutes les aides disponibles sont bien connues des bénéficiaires potentiels.

La crise peut toutefois être envisagée comme une occasion pour le secteur touristique de se transformer, pour tenir compte de l'évolution des attentes des touristes et de la réinvention de l'offre devenue inévitable. J'illustrerai ce renouvellement par les exemples des résidences de tourisme, dont le fonctionnement est remis en question par la crise, et le tourisme patrimonial, qui met en valeur des projets sortant des sentiers battus.

Les crédits de la mission Action extérieure de l'État consacrés au tourisme consistent, pour l'essentiel, dans le versement d'une subvention pour charges de service public à Atout France, l'opérateur de l'État en matière de promotion du tourisme. La subvention est en légère hausse dans le projet de budget pour 2022 : 28,7 millions d'euros contre 28,3 millions en loi de finances initiale (LFI) de 2021. Le plafond d'emplois associé demeure stable, avec 338 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Les crédits d'Atout France sont complétés par 2,2 millions d'euros en dépenses d'intervention, pour financer l'organisation d'événements de promotion touristique tels que la participation à l'exposition universelle d'Osaka en 2025. Atout France a déployé des efforts considérables pour accompagner les acteurs du tourisme durant la crise, et organisé de nombreuses opérations de promotion du tourisme français. Que l'enveloppe budgétaire qui lui est attribuée ne baisse pas est donc plus que justifié. Mais l'agence pourrait être davantage soutenue, car ses recettes propres demeurent fragiles du fait de la crise. En particulier, l'incidence de celle-ci sur le niveau habituel des recettes issues des droits de visa réduit d'autant la part des recettes qui revient à Atout France.

Comme les précédents rapporteurs de cet avis budgétaire, je regrette la disparition progressive des crédits consacrés au tourisme de la mission Économie, alors que le poids du secteur touristique dans le PIB national n'est plus à démontrer. Tout en appelant le Gouvernement à poursuivre les efforts engagés pour en soutenir les acteurs, j'émettrai un avis plutôt défavorable sur les crédits consacrés au tourisme de la mission Action extérieure de l'État.

La première partie de mon volet thématique est consacrée au modèle économique des résidences de tourisme, mis à mal par la pandémie. Ces résidences ont été construites en masse dans les années 1970, notamment en montagne et sur le littoral, pour répondre à la forte demande d'hébergement touristique. Les logements sont détenus à 85 % par des particuliers propriétaires, et constituent pour eux un investissement considéré jusqu'à présent comme sûr. Ces logements doivent obligatoirement être mis en location pendant une certaine période et le loyer est versé aux propriétaires par le gestionnaire de la résidence. Malheureusement, la crise de la covid-19 a entraîné des fermetures administratives des résidences. Faute de clientèle, les gestionnaires se sont retrouvés en grande difficulté financière et dans l'impossibilité de verser des loyers aux propriétaires bailleurs, ces derniers se voyant eux-mêmes privés d'une source de revenus parfois vitale à leur équilibre financier. Face aux tensions qui résultent de la situation, le ministère de l'économie, des finances et de la relance tente de faciliter le dialogue entre les parties. Des compromis ont parfois été trouvés mais le problème est loin d'être résolu.

Un point fait cependant l'unanimité : l'information sur ce type d'investissement et les risques associés fait réellement défaut. Un projet de réforme serait à l'étude pour améliorer l'information précontractuelle en la matière. J'espère qu'il pourra voir le jour, car les résidences de tourisme ont des atouts à faire valoir. Les gestionnaires ont fait des efforts d'adaptation pendant la crise, en sortant du modèle traditionnel de location à la semaine ou en dématérialisant au maximum les procédures ; il faut les poursuivre. En outre, un chantier de réhabilitation des résidences de tourisme est en cours, qu'il ne faut pas négliger. Une expérimentation intéressante conduite par Atout France devrait apporter des réponses structurelles.

La seconde partie thématique de cet avis aborde la question du tourisme patrimonial. Sur tout son territoire, la France est forte d'un riche patrimoine dont toutes les composantes, et pas uniquement les grands lieux emblématiques, doivent pouvoir être mises en valeur. Du fait de la crise sanitaire, l'offre s'est réorientée vers une clientèle nationale, qui elle-même a modifié ses attentes. Les lieux moins connus et moins fréquentés sont davantage valorisés. Les acteurs de l'offre touristique patrimoniale sont incités à coopérer davantage. C'est un effet positif de la crise, qui peut donner l'occasion à des structures plus petites ou présentant une certaine originalité de se distinguer.

J'en veux pour exemple la chartreuse de Neuville, dans le Pas-de-Calais. Cet ancien monastère chartreux a connu diverses fonctions successives, toujours tournées vers l'hospitalité. Après une période d'abandon, elle a été reprise par une association dans les années 2010. Des travaux d'ampleur sont en cours pour restaurer les lieux selon un projet qui conserve la notion d'hospitalité, inséparable du lieu. Le modèle de financement, innovant, se fonde sur une multitude d'activités, certaines lucratives, d'autres, non. Après le chantier de restauration, on y trouvera une résidence hôtelière, des activités touristiques classiques, des incubateurs, des projets d'insertion par le travail ainsi que des résidences d'artistes et de chercheurs. La diversité des usages répond à la demande du public, et fait du patrimoine un lieu vivant, tout en assurant la restauration du site.

De telles initiatives doivent être soutenues et rendues visibles, afin que d'autres s'en inspirent. Les soutiens associés doivent être mis en avant. Les multiples labels touristiques et les solutions de financement proposées par la Banque publique d'investissement (BPIFrance) et la Banque des territoires, souvent mal connus et pas toujours très clairs, doivent être rationalisés. Je suis convaincu que davantage de communication et de transversalité des démarches participent d'une politique touristique réussie, tout comme l'ouverture des acteurs publics à de nouveaux modèles économiques.

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