Intervention de Anne-France Brunet

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-France Brunet, rapporteure pour avis :

La mission Plan de relance représente un peu plus d'un tiers des crédits du plan de relance, puisque la loi de finances pour 2021 avait ouvert 36 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 21 milliards de crédits de paiement (CP) sur cette ligne budgétaire.

La mission Plan de relance, qui a vocation à être temporaire, a été créée pour rendre lisibles les crédits affectés à la relance, dont certains figurent dans les missions thématiques classiques, comme Investissements d'avenir. Elle rassemble les programmes 362 Écologie, 363 Compétitivité et 364 Cohésion.

Le projet de loi de finances pour 2022 contient essentiellement des CP, à hauteur de 12,9 milliards d'euros. Les AE, issues de redéploiements, sont bien plus restreintes – 1,2 milliard d'euros – car elles ont toutes été ouvertes au sein de la loi de finances de 2021, afin de répondre à l'exigence de rapidité en matière d'engagement et de décaissement des crédits. Il fallait concilier cette exigence avec celle de l'efficacité de la dépense publique – en somme, relancer vite, et bien –, ce qui a été le cas.

Les trente-cinq auditions que j'ai menées le montrent. Pour mesurer toute la complexité du déploiement du plan de relance, j'ai entendu aussi bien les acteurs nationaux que les bénéficiaires des fonds, ainsi que les structures intermédiaires, chambres de commerce et d'industrie (CCI) et chambres d'agriculture.

On aurait pu douter que les sommes prévues par la loi de finances pour 2021 soient engagées ou décaissées sur une année. Force est de constater que cela a bien été le cas. Sur l'ensemble du plan de relance, 47 % des crédits ont été engagés, et l'objectif de 70 % à la fin 2021 semble réaliste ; 59,7 % des AE et 57,1 % des CP de l'enveloppe ont été respectivement engagés et décaissés, à des niveaux équivalents entre les trois programmes, ce qui témoigne de la dynamique de la relance.

Nos échanges avec le comité national d'évaluation du plan de relance, qui publiera son rapport le 20 octobre, confirment nos analyses. Le plan de relance a permis de maintenir une perspective de croissance élevée – le Gouvernement a d'ailleurs porté sa prévision de croissance à 6,25 %. Selon les études de la direction générale du Trésor et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l'impact du plan de relance serait de 1 à 1,1 point de PIB en 2021, de 0,3 à 0,5 point de PIB en 2025. Le plan de relance est bien un outil indispensable pour soutenir l'activité à court terme et préparer l'avenir à moyen terme.

Plusieurs points ressortent des travaux qui ont été menés. En premier lieu, le plan de relance a été plébiscité par les acteurs, autant pour la nature des mesures proposées que pour la façon dont il a été conçu et piloté. Les retours montrent que la simplicité dans le montage des dossiers a été un facteur de réussite. Il nous a été indiqué que les consultations avaient été nombreuses dès l'été 2020, et qu'il avait été tenu compte des travaux déjà en cours dans chaque filière. Cette méthode a permis de mettre en place des mesures efficaces et lisibles, sans perdre de temps à réinventer des dispositifs ; pour être crédible, il fallait avant tout répondre aux attentes des filières. Ainsi, le Pacte productif, qui avait fait l'objet de travaux approfondis avant la crise, a été mis à profit à l'occasion du plan de relance.

En second lieu, le pilotage a été efficace et réactif car il repose sur les structures dédiées que sont les sous-préfets à la relance et le secrétariat général au plan de relance, une instance vigilante et utile pour opérer les redéploiements. Les structures intermédiaires, CCI et chambres d'agricultures, ont été fortement associées, de même que les organisations professionnelles et les collectivités territoriales.

Enfin, ce que j'appelle la « solidarité de crise » participe de ce succès. Lors des auditions, il a été dit à plusieurs reprises combien la crise avait fait tomber les barrières et les préventions, incitant les acteurs à travailler ensemble, dans l'urgence. C'est cet esprit de consensus qui a permis au plan de relance de remporter un succès dans les territoires.

Il est toutefois possible d'améliorer certains points. De nombreux guichets, ouverts dans le cadre d'appels à projets, ont dû être fermés en raison d'un niveau trop élevé de demandes. Cela traduit un sous-dimensionnement des premières enveloppes. En outre, la logique des appels à projets, bien que pertinente, reste discriminante. Il faut prendre garde que ceux qui ont le plus besoin de ces fonds ne soient pas dépassés par d'autres, plus agiles car mieux insérés.

Par ailleurs, la territorialisation du plan de relance a été inégale ; l'insuffisance des données sur l'activité des collectivités ne permet pas un suivi aussi fin que souhaité.

Enfin, la vertu budgétaire du plan de relance, géré au niveau des ministères dans une logique de moyens constants, a pu trouver ses limites du fait d'une charge de travail élevée. En ce sens, l'enjeu de la relance pour 2022 sera moins d'ajouter de nouveaux fonds que de s'assurer que le succès de dispositifs comme « MaPrimeRénov' » n'enraye pas la machine.

Le volet « agriculture » du plan de relance mobilise 1,3 milliard d'euros de crédits avec trois priorités : renforcer la souveraineté alimentaire, accélérer la transition agroécologique, accompagner l'agriculture et la forêt françaises dans l'adaptation au changement climatique. La majorité des vingt-cinq mesures – entre autres, la prime à la conversion des agroéquipements, le plan de modernisation des abattoirs, le plan Protéines végétales – ont connu un vif succès, avec un niveau de demande important.

Les acteurs agricoles auditionnés ont exprimé leur satisfaction, même s'ils ont souhaité voir évoluer certains éléments. Ils voudraient pouvoir bénéficier de la prime à la conversion des agroéquipements lorsqu'ils achètent du matériel d'occasion et de façon groupée. Cette mesure devrait, en outre, être adaptée à la réalité des outre-mers. Enfin, ils demandent que la mesure « Plantons des haies ! » finance aussi les frais de protection, pour l'heure à la charge des agriculteurs.

Certains dispositifs restent en retrait. Seules 437 communes sont entrées dans le dispositif de soutien spécifique pour la mise en place, dans les cantines scolaires, de mesures issues de la loi EGALIM, pour une cible fixée à 2 000 – le ministère a diligenté une mission pour comprendre ce qui ne fonctionnait pas. Quant à l'aide aux investissements de protection face aux aléas climatiques, elle semble insuffisamment attractive au regard des montants à engager.

La dimension numérique du volet agricole est faible, pour ne pas dire nulle. Le plan France 2030 devra répondre à ce défi.

S'agissant de la forêt, un patrimoine naturel majeur qui a souffert d'un sous‑investissement chronique depuis des décennies, le plan de relance constitue un pas dans la bonne direction mais il reste en deçà des ambitions, avec des difficultés rencontrées par les communes pour mobiliser des aides. La pérennisation du plan pour le renouvellement de la forêt est essentielle, tant il s'agit d'une activité de long, voire de très long terme.

Le volet « rénovation énergétique », qui représente plus de 6 milliards d'euros, présente des contrastes important. Le dispositif MaPrimeRénov', qui a remplacé le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), est un succès dans son périmètre classique – les propriétaires bailleurs et occupants. En effet, les 2 milliards d'euros prévus seront décaissés en 2021 et la cible de 700 000 dossiers sera atteinte. Le dispositif de rénovation énergétique des bâtiments publics est aussi un succès, avec 4 214 lauréats retenus par l'État, sur plus de 6 000 projets déposés, et une demande au guichet excédant les 8 milliards d'euros, soit le double de l'enveloppe initiale. En revanche, MaPrimeRénov copropriétés est un échec, avec des volumes epsilonesques : 29 dossiers seulement ont été déposés à ce jour – 1 480 logements sont concernés –, pour 11,2 millions d'euros engagés. Cela s'explique par la lenteur des procédures au sein des copropriétés, mais aussi par le peu d'attrait des modalités de prise en charge.

S'agissant du volet « numérique », plusieurs éléments peuvent être relevés. Le plan France très haut débit (PFTHD) a été abondé de 570 millions d'euros. Ces financements, qui correspondent notamment à des crédits du plan de relance non utilisés, soutiendront le déploiement des derniers réseaux d'initiative publique (RIP). Pour les raccordements complexes, 150 millions d'euros sont prévus, ce qui ne sera pas suffisant.

Les auditions ont montré que le plan de relance avait apporté un coup d'accélérateur à la transformation numérique de l'action publique. Les appels à projets ont été attractifs, et les fonds France Relance sont venus soutenir des projets dans des domaines variés, comme le covoiturage ou la dématérialisation des autorisations d'urbanisme. Les entreprises en ont également bénéficié puisque 112 000 chèques France Num ont été distribués entre le 27 janvier et le 31 juillet 2021, pour un montant avoisinant les 60 millions d'euros.

Je souhaite saluer l'action du plan de relance, l'efficacité de son pilotage et de sa mise en œuvre. Je me réjouis que le contenu de France 2030 ait été dévoilé hier : les acteurs des filières économiques ont besoin de visibilité sur les prochaines années, lesquelles marqueront le début de la période post-relance.

Vous l'aurez compris, je me prononce en faveur de l'adoption des crédits de la mission Plan de relance.

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