Les thèmes du nouveau plan de relance annoncé par le Président de la République vont incontestablement dans des directions très intéressantes pour la recherche et pour l'avenir. Cependant, je ne connais pas la durée pour laquelle ces investissements sont annoncés, et je suis incapable de déterminer leur effet sur les budgets que nous examinons ce matin. On a déjà vu que la concomitance de la montée en charge de la LPR et du plan de relance mis en œuvre par suite de la crise de la Covid avait donné lieu à certains transferts budgétaires, de sorte que les crédits supplémentaires n'étaient pas égaux à la somme des crédits annoncés dans chacun de ces deux cadres, mais étaient quand même supérieurs à ce que prévoyait une application stricte de la LPR. Dans les années à venir, les changements de périmètres compliqueront encore la tâche des rapporteurs pour avis !
Je suis tout aussi incapable de distinguer, dans les annonces faites par le Président de la République, ce qui ira à la recherche fondamentale – le CNRS est plutôt bon dans ce domaine – de ce qui sera destiné aux développements industriels. Contrairement aux crédits prévus dans la LPR, les investissements annoncés ne correspondent pas non plus nécessairement à un budget récurrent. Ce matin, au cours d'un petit-déjeuner organisé par l'OPECST, nous avons évoqué certaines techniques très importantes et prometteuses qui ont été mises à l'honneur lors de la crise de la covid et qui touchent à l'ARN messager. Depuis la découverte de ce concept, en 1961, par François Jacob et Jacques Monod, deux chercheurs français qui ont reçu le prix Nobel, de nombreux efforts ont dû être réalisés et d'extraordinaires innovations ont dû être développées avant que soient mis au point non seulement des vaccins utilisant cette technologie, mais également des protocoles thérapeutiques très intéressants susceptibles de traiter certains cancers ou certains diabètes. Les chercheurs de l'Académie des sciences et de l'Académie de médecine qui nous ont présenté ces exposés de haut vol ont insisté sur le fait que la recherche devait être résolument pluridisciplinaire et s'effectuer dans des unités mixtes permettant à des chercheurs originaires d'instituts variés – du CNRS et de l'INSERM, par exemple – de travailler ensemble. Ils ont également insisté sur l'importance d'un soutien budgétaire récurrent et des financements durables, non orientés, y compris dans la recherche fondamentale. Il faudra y être très attentif au cours des prochaines années.
La France a historiquement – et garde encore à ce jour – une plus grande force dans la recherche amont que dans la recherche aval. Nous sommes meilleurs dans tout ce qui est théorique, dans la recherche universitaire, avec les risques que cela comporte de ne rien trouver d'intéressant du point de vue de l'exploitation. En revanche, nous sommes moins bons en recherche et développement (R&D) et en recherche industrielle. Lors de la crise de la covid, nos institutions de recherche fondamentale se sont fort bien comportées, puisque des chercheurs du CNRS, de l'Institut Pasteur et de l'INSERM ont apporté assez tôt des contributions importantes à la connaissance du coronavirus, tandis que nous avons fait preuve d'un manque d'ambition, par rapport à d'autres pays, en matière de développement industriel. Une grande partie de nos entreprises et de nos start-up les plus prometteuses dans ce domaine ont préféré s'expatrier. L'exemple du chercheur français Stéphane Bancel est spectaculaire : après avoir travaillé pour BioMérieux, il est parti à la recherche de modes de financement plus agiles, tant dans le public que dans le privé, et a fondé Moderna aux États-Unis.
S'agissant de l'attractivité de nos métiers, je suis convaincu que les nouveaux contrats, les rattrapages de salaires et toutes les nouvelles formules inscrites dans la LPR vont dans la bonne direction. Je l'ai dit à plusieurs reprises, les critiques faites à la LPR au motif qu'elle augmenterait la précarité des emplois sont injustifiées, puisque les emplois qu'elle crée sont plus pérennes que les emplois très précaires qu'elle entend remplacer. Cependant, il va falloir attendre de longues années avant de voir la mise à niveau des conditions de travail et de l'attractivité des métiers de la recherche. Cela concerne les salaires, l'environnement de recherche, l'environnement administratif – dont la lourdeur actuelle en fait un dragon très décrié par nos chercheurs –, mais aussi la possibilité de prendre des risques et de financer des recherches dont l'aboutissement n'est pas certain, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. J'insiste, ni le public, ni le privé ne peuvent tout faire à eux tout seuls.
À ma connaissance, le Gouvernement ne justifie pas le faible niveau des crédits alloués à l'IFP-EN et à l'IPEV. Je n'ai obtenu d'explications ni lorsque j'ai interpellé la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation dans le cadre du Printemps de l'évaluation, ni en discutant avec les membres de son cabinet. Je sais que nos collègues Jimmy Pahun et Francis Chouat sont retournés à la charge auprès des ministères, en particulier sur le sort de l'IPEV, sans obtenir de garanties à ce jour. Nous parlons pourtant de quelques petits millions d'euros au sein de budgets qui se comptent en centaines de millions, voire en milliards si l'on tient compte des prévisions de la LPR. Je ne vois vraiment aucune justification à ce chipotage sur les petites sommes dont ont besoin ces instituts de très haut vol, qui font la fierté de la France. C'est pourquoi j'insiste sur le bien-fondé des deux amendements que je m'apprête à vous présenter.