Intervention de Antoine Herth

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 15h05
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth, rapporteur pour avis :

Dans le cadre de mes travaux sur les crédits du commerce extérieur de ce projet de loi de finances pour 2022, j'ai pu mener un certain nombre d'auditions en commun avec le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Fabrice Brun ; je me réjouis que nous ayons pu ainsi enrichir nos travaux respectifs.

La crise de la covid-19 a sérieusement entravé les performances du commerce extérieur français et enrayé sa très bonne dynamique. Les exportations de biens et de services, qui avaient baissé respectivement de 16 % et de 13 % en 2020 par rapport à 2019, ont cependant progressé respectivement de 19 % et 5 % au premier semestre 2021, par rapport à la même période en 2020. Les perspectives s'améliorent donc. Par ailleurs, les performances de l'attractivité française ont connu une meilleure résilience et l'édition du salon Choose France 2021 a été une réussite : vingt-deux nouveaux projets d'investissement y ont été annoncés, représentant 3,5 milliards d'euros et 7 000 emplois.

L'État s'est largement mobilisé pour soutenir le commerce extérieur. Lors du remaniement de l'été 2020, un ministère chargé du commerce extérieur et de l'attractivité a été créé. Des moyens ont été prévus dans le cadre du plan France Relance, avec le financement de chèques relance export et de chèques relance volontariat international en entreprise (VIE), qui ont soutenu les projections d'entreprises à l'international. La Team France Export et la Team France Invest pilotent le plus efficacement possible les politiques de soutien à l'export et à l'attractivité.

Après une brève analyse des crédits consacrés au commerce extérieur, je vous présenterai les deux thèmes particuliers sur lesquels j'ai choisi de me pencher. Le premier a trait à un bilan de l'attractivité de la France et de la Team France Invest, récemment créée. Le second concerne les récents travaux sur la vulnérabilité de la France aux intrants étrangers et les solutions qui pourraient y être apportées.

Au sein des crédits du programme 134 Développement des entreprises et régulation de la mission Économie, le plus gros poste de dépenses en faveur du commerce extérieur est la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à Business France, opérateur de l'État en matière de promotion de l'export et de l'attractivité du pays. Elle s'élève, pour 2022, à 85 millions d'euros, soit une baisse de 2,8 % par rapport à la loi de finances initiale de l'année passée, ce qui est conforme à la trajectoire prévue par le contrat d'objectif et de moyens (COM) 2018-2022 conclu entre l'État et Business France. Les emplois suivent également la trajectoire prévue dans le COM, avec 1 483 équivalents temps plein (ETP), soit vingt de moins que l'année dernière. La contractualisation entre l'État et Business France s'avère être un bon outil de gestion des deniers publics, de l'avis même de l'opérateur ; le renouvellement du COM en 2023 permettra de poursuivre dans cette voie.

Le programme 134 comporte également des crédits pour la rémunération de BPIFrance Assurance Export, qui gère, au nom et pour le compte de l'État, les garanties publiques à l'export, qui subissent une légère baisse de 3 % pour 2022 et s'établissent à 50 millions d'euros. Enfin, le soutien à des événements contribuant au développement de l'économie française à l'international et à l'attractivité de la France bénéficie de crédits à hauteur de 0,44 million d'euros pour 2022.

Certains crédits sont également consacrés au commerce extérieur dans la mission Plan de relance. Les crédits ouverts en loi de finances initiales pour 2021 et en loi de finances rectificative pour les chèques relance Export et les chèques relance VIE ne sont pas renouvelés, pour une raison simple : ils avaient vocation à couvrir l'ensemble des besoins, y compris au-delà de 2021. Les dispositifs d'accompagnement seront donc prolongés en 2022, grâce au report des crédits non consommés en 2021, qui pourront être utilisés jusqu'à épuisement.

Les crédits du commerce extérieur dans le PLF 2022 traduisent donc à la fois le soutien du Gouvernement et les efforts de gestion réalisés par Business France grâce au COM. J'émets donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Venons-en à présent aux performances de l'attractivité française. Malgré la crise, la France s'est maintenue en 2020, pour la deuxième année consécutive, en tête des pays européens les plus attractifs pour les investisseurs étrangers. Globalement, ce sont les régions Île-de-France, Auvergne Rhône-Alpes et Hauts-de-France qui tiennent le haut du classement. Cependant, les investissements étrangers ne concernent pas que les grandes métropoles : selon Business France, sur la période 2014-2020, 41 % des investissements ont été réalisés dans des villes de moins de 20 000 habitants.

Le Brexit peut avoir des conséquences positives pour notre attractivité, mais il faut se garder de tirer des conclusions hâtives : d'une part, il est encore difficile de distinguer les effets résultant du Brexit de ceux résultant de la crise sanitaire, d'autre part, de nouvelles réglementations, notamment sanitaires, entreront en vigueur au 1er janvier et au 1er juillet 2022 et pourraient rebattre les cartes. En tout état de cause, il faudra veiller à ce que les retombées positives du Brexit ne soient pas contrariées par des difficultés à l'export.

Si les bons résultats de l'attractivité française s'expliquent par les réformes engagées en matière fiscale et sociale ces dernières années, il reste toutefois des marges de progression, notamment en matière de simplification administrative, même si la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi « ASAP », ou les sites industriels clés en main marquent de premières avancées.

La création de la Team France Invest (TFI) devrait également contribuer à la simplification des démarches pour les investisseurs étrangers. Comme cela avait été recommandé par Mme Laure de La Raudière dans son avis budgétaire l'année dernière, j'ai dressé un premier bilan de la mise en place de cette équipe de France de l'attractivité, officiellement lancée en février 2021. Pilotée par Business France, elle fédère les différents acteurs de l'attractivité autour d'une feuille de route commune et de moyens opérationnels. Deux outils ont été créés : un espace collaboratif d'information en ligne, qui contient de nombreuses ressources documentaires, et un guichet virtuel unique, le « Desk Invest in France ». Il s'agit d'une plate-forme unique qui permet d'assurer le suivi des projets d'investissements étrangers : l'investisseur dépose son projet, les régions candidatent et les administrations assurent le suivi des autorisations.

Bien que la TFI n'ait que quelques mois d'existence, à ce stade les retours sont plutôt positifs. Il faudra veiller à entretenir cette bonne dynamique et à bien associer l'ensemble des acteurs de l'attractivité. Un bilan du dispositif doit d'ailleurs être discuté aujourd'hui même par les acteurs. Il est également primordial de veiller à la qualité de l'accueil des personnels étrangers en France, qui est un déterminant important du maintien des entreprises étrangères sur notre territoire.

J'en viens à la vulnérabilité de la France aux intrants étrangers. Nous avons tous à l'esprit les pénuries de matériel médical durant la crise sanitaire ou, plus récemment, de semi‑conducteurs. Notre économie est fragilisée par ces difficultés d'approvisionnement.

On peut définir les intrants vulnérables comme des produits en provenance de pays situés hors de l'Union européenne, pour lesquels les possibilités de diversification d'approvisionnement sont limitées et qui se concentrent sur un faible nombre d'entreprises importatrices. Cette première définition économique doit nécessairement être étoffée par une analyse des risques géopolitiques ou climatiques.

Deux études françaises ont récemment traité de ce sujet : l'une réalisée par la direction générale du Trésor, l'autre, dans le cadre du Conseil d'analyse économique (CAE), par les économistes Isabelle Méjean et Xavier Jaravel, que nous avons auditionnés en commission. Quelques constats communs en ressortent : la vulnérabilité française aux intrants étrangers est modérée, mais elle existe ; parmi les principaux intrants concernés figurent les produits chimiques et les terres rares, et les pays auxquels notre dépendance est la plus grande sont la Chine et les États-Unis.

Que faire face à ces vulnérabilités ? Premièrement, cibler précisément les intrants véritablement stratégiques. M. Xavier Jaravel et Mme Isabelle Méjean plaident, comme moi, pour la création d'un comité d'experts qui établirait une liste. Deuxièmement, il faut agir au niveau européen. Si la Commission européenne a établi une première cartographie des vulnérabilités stratégiques, il faut réfléchir aux possibilités de diversifier les approvisionnements au sein même de l'Union européenne et multiplier les projets communs, comme les alliances industrielles initiées sur les batteries ou l'hydrogène. Les principales solutions proposées pour réduire concrètement la vulnérabilité aux intrants étrangers sont la diversification des approvisionnements, la constitution de stocks et l'augmentation des capacités de production : à chaque intrant correspond une solution différente.

Pour des questions de compétitivité, il est souvent recommandé d'augmenter les capacités de production nationales de produits à forte intensité technologique. Or il ne faut pas oublier les produits plus simples, notamment électroniques, indispensables à l'automatisation de l'industrie. Il ne faut pas non plus céder à la tentation du protectionnisme mais tirer le meilleur parti des possibilités offertes par le commerce international. Les projets d'établissement de nouvelles clauses miroirs dans le secteur agricole visant à conditionner l'accès à nos marchés au respect de nos normes sanitaires et phytosanitaires ou la réciprocité dans l'accès aux marchés publics, en sont deux bons exemples.

Pour conclure, je souhaite que les sujets liés au commerce extérieur puissent être une priorité de la présidence française de l'Union européenne. Le renforcement de la résilience française est indissociable d'une stratégie européenne en la matière.

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