Je me réjouis de vous retrouver pour échanger sur les crédits relatifs aux communications électroniques et à l'économie numérique de la mission Économie du projet de loi de finances pour 2022. Comme vous le savez, la crise sanitaire a démontré l'importance des réseaux de communications électroniques dans notre société. Après un épisode de sollicitation inédite de nos infrastructures numériques, qui ont tenu le choc en 2020, le plan de relance a apporté un soutien massif au numérique, qu'il s'agisse du financement des start-up, du déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP), ou encore de la transformation numérique des administrations.
Dans le cadre du présent avis, j'ai étudié les crédits des programmes 134 Développement des entreprises et régulations et 343 Plan France très haut débit de la mission Économie. J'en dirai un mot, avant de dresser un état des lieux des déploiements de l'internet fixe et mobile, et d'évoquer cinq sujets prioritaires pour l'avenir : la réforme de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) sur les stations radioélectriques – dite « IFER radio » –, la qualité des déploiements de l'internet fixe, la fiabilité des cartes de couverture mobile, la transparence des déploiements des sites mobiles et la régulation du marché des entreprises de l'internet fixe.
Au sein du programme 134 Développement des entreprises et régulations, deux actions rassemblent des crédits concernant les communications électroniques : l'action n° 4 Développement des postes, des télécommunications et du numérique, conduite par la direction générale des entreprises, et l'action n° 13 Régulation des communications électroniques et des postes, qui correspond au budget de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).
L'action n° 4 comprend un ensemble de crédits attribués au numérique, dont ceux destinés à financer France Num et l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette action se voit dotée, pour 2022, de 701,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 701,7 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de plus de 180 % de ses crédits par rapport à l'année dernière. Cette forte augmentation s'explique essentiellement par la création du service universel postal, doté de 520 millions d'euros, institué par l'État pour compenser le fort recul du volume de plis échangés pendant la crise sanitaire.
Le montant de la subvention pour charges de service public destinée à l'Agence nationale des fréquences est identique à celui de l'année dernière, à 40,05 millions d'euros en AE et en CP. La dotation financière supplémentaire destinée à la préparation technique des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 est en revanche en léger recul, avec 3,7 millions d'euros en AE et en CP.
Au total, le budget de l'ANFR sera donc quasi stable, avec 43,75 millions d'euros en AE et en CP pour 2022. Cette agence verra en revanche son schéma d'emplois à nouveau baisser de 2 équivalents temps plein (ETP) en 2022. Sur ce dernier point, votre rapporteur veillera à ce que l'ANFR dispose des effectifs nécessaires pour mener à bien ses missions. Il en va de même pour l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), dont les effectifs ne sauraient être redéployés vers d'autres missions pour éviter la création d'ETP supplémentaires lorsque celle-ci se révèle nécessaire.
L'action n° 13 du programme 134 correspond, quant à elle, au budget de l'ARCEP. On observe pour 2022 une hausse de ses crédits, aussi bien en autorisations d'engagement – 21,9 millions d'euros contre 21,5 millions d'euros l'année dernière – qu'en crédits de paiement : 23,9 millions d'euros contre 23,3 millions d'euros. Le plafond d'emplois de l'ARCEP augmente également, pour atteindre 185 ETP en 2022.
Dans l'ensemble, cette augmentation de crédits devrait permettre à l'ARCEP d'assurer ses différentes missions et de monter en charge pour les plus récentes d'entre elles, à savoir le contrôle de l'action de l'ANSSI en matière d'exploitation des sondes sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, d'une part, et la régulation de la distribution de la presse, d'autre part.
Enfin, le programme 343, qui rassemble les crédits du plan France très haut débit, est doté de 22 millions d'euros en AE et de 622 millions d'euros budgétés en CP contre 609 millions d'euros l'année dernière. Cela correspond à la phase d'exécution des réseaux d'initiative publique engagée depuis l'année dernière.
Je voudrais faire un point d'étape sur le déploiement des réseaux de l'internet fixe et mobile. Si la crise a eu un impact évident sur les déploiements, qui ont été ralentis, ces derniers ne se sont pas arrêtés, ce qui a permis le maintien d'un rythme élevé dans la durée. Pour les déploiements « fixe », au 30 juin 2021, 74 % des locaux étaient éligibles au très haut débit filaire. Dans le détail, 94 % des locaux en zone très dense, 87 % des locaux en zone moins dense d'initiative privée et 53 % des locaux en zones moins denses d'initiative publique étaient éligibles au très haut débit à cette date.
S'agissant de la fibre, qui doit être généralisée d'ici à 2025 sur l'ensemble du territoire, on observe une dynamique soutenue. Au 30 juin 2021, 27 millions de locaux étaient éligibles aux offres dites de la fibre jusqu'à l'abonné (FttH), soit une hausse de 30 % en un an. Cette dynamique est essentiellement portée par la progression des réseaux d'initiative publique. Le déploiement de la fibre est estimé à 6,2 millions de prises au total en 2021 – dont 3,6 millions dans les RIP – contre 5,8 millions de prises déployées l'année dernière – dont 1,9 million seulement dans les RIP.
Cette accélération ne doit néanmoins pas cacher l'existence de fortes différences entre les collectivités territoriales, selon le degré d'avancement de chaque projet. Le déploiement de certains projets s'achève – dans l'Oise, la Loire, le Val-d'Oise, par exemple –, quand d'autres ont une échéance plus lointaine. Il existe aussi des disparités dans les dynamiques propres aux différentes zones du plan France très haut débit.
Au sein de la zone publique, le rythme de déploiement dans les zones d'appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL) s'est amélioré, avec, à la fin du deuxième trimestre 2021, 150 000 locaux éligibles, contre moins de 50 000 un an auparavant.
Dans les autres zones, en particulier au sein de la zone très dense et de la zone d'appel à manifestation d'intentions d'investissement (AMII), les déploiements ne doivent pas ralentir de manière excessive au motif que l'essentiel des prises auraient été déjà posées. S'il est en effet naturel que le rythme de déploiement diminue mécaniquement au sein des zones plus avancées, il convient néanmoins que les pouvoirs publics et le régulateur fassent preuve d'une grande vigilance : les citoyens jugeront du succès du plan au regard notamment du déploiement des dernières prises, qui sont indispensables pour matérialiser le respect de l'objectif d'une généralisation de la fibre à l'horizon 2025. À cette fin, le financement des raccordements complexes, qui coûtera plus de 150 millions d'euros, doit être anticipé.
J'en viens aux déploiements mobiles, donc au New Deal mobile, dont les deux éléments principaux sont la généralisation de la 4G, d'une part, et le dispositif de couverture ciblée, d'autre part.
Au 30 juin 2021, la généralisation de la 4G avait continué de progresser pour atteindre entre 97 % et plus de 99 % des sites, en fonction des opérateurs. Hors sites partagés, il ne restait que quelques dizaines de sites non équipés en 4G par les opérateurs au 30 juin 2021.
S'agissant du dispositif de couverture ciblée, 830 sites ont été mis en place au sein des zones blanches depuis le lancement du New Deal mobile, avec des échéances naturellement variables en fonction de la date de l'arrêté concerné. La dynamique est bonne : d'après les éléments transmis à votre rapporteur par la Fédération française des télécoms (FFT), 1 039 pylônes ont été construits et activés, au total, par les quatre opérateurs, ce qui représente un quasi-triplement en un an ; 363 sites issus du dispositif de couverture ciblée (DCC) étaient en service en juillet 2020. Il convient toutefois d'être vigilant quant à l'application de l'arrêté de mars 2019 et, surtout, de celui qui arrive à échéance le 30 octobre prochain.
Enfin, on nous a signalé des difficultés de déploiement de sites mobiles en zone littorale, en raison d'une jurisprudence de plus en plus restrictive concernant l'application de la loi « littoral ». Cette question, qui concerne quelques dizaines de sites, doit nous conduire à trouver les voies et moyens nécessaires pour lever l'obstacle.
Enfin, pour dire un mot de la 5G, des offres commerciales ont été lancées fin 2020 et les déploiements se sont accélérés en 2021. Au 30 juin 2021, les opérateurs avaient déployé 4 909 sites utilisant une bande de fréquences allant de 3,4 à 3,8 gigahertz. À la même date, entre 55 et 80 % des sites des opérateurs étaient équipés d'une capacité théorique à 240 mégabits par seconde.
Le lancement, en juillet dernier, d'une stratégie d'accélération de la 5G et des futures technologies de réseaux de télécommunication, abondée à hauteur de 480 millions d'euros de financements publics d'ici à 2022, et 735 millions d'euros d'ici à 2025, devrait permettre de soutenir l'innovation et l'apparition de nouveaux usages dans ce domaine.
Dans un second temps, je voudrais évoquer cinq priorités pour les prochains mois.
La première concerne la réforme de l'IFER sur les stations radioélectriques, que j'appelle de mes vœux depuis plusieurs années. Le Gouvernement a enfin remis au Parlement un rapport sur cette question, qui lance plusieurs pistes intéressantes et permet surtout de disposer d'un constat partagé. Je continue donc de plaider fortement en faveur de cette réforme, de façon constructive. Il faut donner toute sa chance à la consultation en cours mais refuser, en même temps, le statu quo, qui ne peut être une option.
La deuxième priorité concerne la qualité des déploiements de l'internet fixe. Les progrès réalisés sur le mode STOC (sous-traitance aux opérateurs commerciaux) doivent être concrétisés par les avancées des acteurs.
Les troisième et quatrième priorités concernent les déploiements mobiles. La mise en open data de la base de suivi de l'implantation des sites mobiles, c'est-à-dire des pylônes, serait utile pour garantir une transparence maximale aux élus et aux citoyens. Aucun obstacle ne semble s'y opposer, d'après une première analyse de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. J'y suis donc très favorable.
Les travaux menés par l'ARCEP pour fiabiliser les cartes de couverture mobile doivent également se poursuivre, pour essayer d'y intégrer des indicateurs de qualité de service. C'est une demande que Mme Laure de La Raudière, présidente de l'ARCEP, et moi‑même formulons de longue date. Nous devons continuer à la promouvoir.
Enfin, il est important que le marché des entreprises demeure une priorité de la régulation de l'ARCEP. Des progrès ont eu lieu, grâce à l'action de cette dernière, ainsi qu'à l'engagement de plusieurs opérateurs. Ils doivent se poursuivre pour que les entreprises, en particulier les plus petites, se voient proposer des offres adaptées à leurs besoins.
Je me prononce en faveur de l'adoption des crédits relatifs aux communications électroniques de la mission Économie.
Je dirai un dernier mot au sujet du secteur des télécommunications, qui a souffert de dégradations volontaires. C'est une spécificité française. Je veux dire aux acteurs concernés, aux hommes et aux femmes qui, chaque jour, déploient les solutions de télécommunications mobiles ou terrestres que nous sommes à leurs côtés. Nous condamnons fermement les actions de sabotage et espérons que leurs auteurs seront poursuivis.