Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21h00
Commission des affaires économiques

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement :

Je suis très heureuse de participer avec vous à l'examen au fond du titre III du projet de loi 3DS. Ce titre comprend deux volets : le premier porte sur le logement social, le second, sur l'urbanisme.

Ce projet de loi comporte tout d'abord une avancée majeure : il pérennise l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), relatif à la production de logements sociaux. Cette loi a 20 ans et je voudrais saluer sa longévité et sa pertinence, car elle a fondé une belle politique publique. Le bilan de son application est en effet très largement positif : près de la moitié des logements sociaux construits ces vingt dernières années – soit environ 900 000 logements –, l'ont été dans des communes déficitaires et dans le cadre de la loi SRU.

L'accès au logement social est toujours d'actualité : plus de 70 % des Français sont éligibles au logement social, plus de 2 millions de ménages attendent une attribution et un peu plus de 1 000 communes n'ont pas encore atteint l'objectif fixé par la loi. Parmi celles-ci, près de la moitié se situent à 10 points en-dessous de leur taux légal, ce qui est inquiétant pour leur capacité à rattraper leur retard dans le calendrier actuel. Il est donc très important de maintenir l'exigence du développement d'une offre suffisante de logement social partout où il y en a besoin.

La loi SRU s'achève en 2025, ce qui pose un double problème. D'une part, il n'y aurait plus d'incitation à construire des logements sociaux après cette date. D'autre part, la dernière période triennale 2023-2025 devrait fixer un objectif de rattrapage de 100 % du déficit des logements sociaux, dont on sait qu'il ne pourrait pas être atteint par les communes les plus en retard. Ne pas changer la loi reviendrait donc à accepter qu'après 2025 certaines communes déficitaires passent entre les mailles du filet et ne respectent plus leurs obligations. Cela pénaliserait aussi durement, au cours de la dernière période triennale, des communes qui sont volontaires pour avancer en matière de logement social, mais qui ont un déficit trop important. Enfin, ce serait se priver d'un levier important qui a démontré son utilité sociale, qui est reconnu et accepté par les acteurs, mais qui nécessite, néanmoins, d'être adapté.

Face à ce constat, le Gouvernement a choisi de confier à la commission nationale SRU une mission de réflexion sur les nécessaires évolutions à apporter à cette loi, tout en maintenant ses principes fondamentaux. Le Gouvernement a choisi de reprendre la quasi‑totalité des propositions de cette mission, pilotée par M. Thierry Repentin, président de la commission nationale SRU, après avis du Conseil national de l'habitat (CNH).

Le projet de loi propose de pérenniser et d'adapter le dispositif de l'article 55 de la loi SRU, en procédant à deux avancées majeures. La première consiste à supprimer l'échéance de 2025, ce qui conduit à pérenniser l'obligation de construction de logements sociaux – tel est l'objet de l'article 17. La deuxième, prévue par ce même article, réside dans l'adaptation du taux de rattrapage du déficit, que nous proposons de fixer à un tiers par période triennale afin d'en lisser les effets dans le temps. Notre objectif est clair : maintenir des objectifs de production de logements sociaux ambitieux, mais également réalisables et adaptés à la réalité de chaque territoire. Pour cela, nous nous appuyons sur la création des contrats de mixité sociale (CMS), signés par le préfet et la commune ou l'intercommunalité, qui permettront d'adapter temporairement le rythme de rattrapage des communes en tenant compte des spécificités et des contraintes locales, sans pour autant changer de cible.

L'ensemble de ces dispositions a fait l'objet de concertations approfondies avec les associations représentatives des collectivités territoriales et elles font désormais l'objet d'un large consensus. Le Sénat a d'ailleurs choisi de maintenir la pérennisation du dispositif et la trajectoire de rattrapage. Il faut souligner que les débats avec l'ensemble des élus ont été constructifs.

Toutefois, pour conserver l'équilibre du dispositif SRU, le Gouvernement soutiendra le rétablissement de plusieurs mesures essentielles du texte initial ou présentes dans le droit en vigueur et que le Sénat a supprimées. Je pense en particulier au rétablissement des leviers de production de logements sociaux que constituent les sanctions non financières que peuvent prononcer les préfets dans les communes déficitaires en logement social – comme la reprise du droit de préemption et des permis de construire. Je pense également au rétablissement des taux plancher de majoration du prélèvement SRU en cas de carence, parce qu'ils sont la contrepartie de l'adaptation du rythme de rattrapage que nous opérons dans ce texte.

Ce projet de loi intègre également quelques dispositions importantes en matière d'attribution de logements sociaux, afin d'atteindre des objectifs de mixité sociale.

Il est prévu d'accélérer la conclusion des conventions intercommunales d'attribution, qui sont la clé de voûte de la politique locale en matière d'attribution et qui doivent fixer des objectifs chiffrés d'attribution de logements sociaux dans et en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le respect de ces objectifs constitue la mesure anti-ghettos la plus juste et la plus efficace. Désormais, à défaut de convention, ces objectifs seront fixés par la loi et seront opposables aux bailleurs et aux réservataires, ce qui permettra aux préfets de prononcer des sanctions s'ils ne sont pas atteints.

Ce projet de loi permet aussi de prendre en compte les travailleurs clés de la nation dans le système d'attribution du logement social. Afin de tenir compte des enseignements de ces dix-huit derniers mois, nous avons en effet voulu assurer un meilleur accès au logement à ceux qui sont en première ligne par leur profession et qui assurent des missions essentielles.

Enfin, le projet de loi renforce plusieurs outils pour le développement du logement abordable et l'aménagement du territoire. C'est le cas, en premier lieu, du bail réel solidaire, qui est l'un des moyens les plus efficaces pour mettre à disposition davantage de logements abordables, en complément du logement social, en particulier dans les centres urbains et dans les zones tendues où les prix de l'immobilier sont de plus en plus élevés.

Le texte sécurise l'intervention des organismes HLM en tant qu'offices fonciers solidaires. Il consacre la vocation première du bail réel solidaire à l'accession sociale à la propriété. Il ouvre de manière subsidiaire le champ d'activité des organismes de foncier solidaire (OFS) au logement intermédiaire et aux locaux d'activités, pour assurer une bonne mixité sociale et fonctionnelle. Par ailleurs, le projet de loi renforce l'ingénierie mise à la disposition des collectivités territoriales en facilitant la mise en place d'opérations de revitalisation des territoires, la récupération des biens sans maître par les collectivités et le déploiement des établissements publics fonciers d'État (EPFE).

Ce titre III est important. Il est déjà dense et constitue la garantie d'un soutien pérenne au logement social et abordable. Je ne doute pas qu'il sera enrichi par vos échanges.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.