Intervention de Mickaël Nogal

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMickaël Nogal, rapporteur pour avis :

Je suis heureux d'être de nouveau rapporteur d'un texte sur le logement, un sujet qui me tient à coeur depuis le début de la législature. J'ai plaisir à retrouver les collègues qui ont participé à la discussion de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), et je salue l'ensemble des collègues qui se sont mobilisés sur ces questions. C'est aussi un plaisir de travailler aux côtés du Gouvernement pour améliorer le quotidien des Français en matière de logement.

Nous travaillons sur ce projet de loi 3DS depuis plusieurs semaines, avec de nombreuses auditions. Je remercie donc les administrateurs qui m'ont assisté, ainsi que mes collaborateurs.

Comme l'a indiqué la présidente, l'essentiel des articles dont a été saisie notre commission concerne le champ du logement. Après que notre majorité s'est attaquée à un grand nombre d'aspects de la politique du logement dans la loi ELAN de 2018, puis aux questions de rénovation énergétique et d'artificialisation des sols dans la loi « climat et résilience » cette année, les thèmes abordés par le projet de loi 3DS sont plus circonscrits mais pas moins importants. Ils concernent au premier chef le développement de l'offre de logements sociaux, leur attribution et l'encadrement des loyers.

Nous sommes au cœur des objectifs les plus fondamentaux de la politique du logement – et de sa plus grande complexité : il s'agit de permettre à nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, d'accéder à un logement adapté, abordable et décent, tout en renforçant la mixité sociale des villes et des quartiers. Il s'agit, plus généralement, de réaliser les objectifs nationaux de solidarité, tout en tenant compte des spécificités des bassins de vie. Ces articles ont bien toute leur place dans un projet de loi sur la différenciation territoriale, car je suis persuadé que la politique de l'habitat est plus efficace si elle est partagée et peut être adaptée, dans la mesure du possible. Mais sur tous ces objectifs, il convient de trouver le bon équilibre.

Après avoir auditionné quarante-huit associations d'élus ou de secteurs professionnels, responsables d'administrations ou d'autorités publiques, représentants d'organisations de défense des locataires ou œuvrant pour le logement des personnes défavorisées, et quelques personnalités qualifiées, j'ai choisi de présenter un certain nombre d'amendements.

J'insisterai ici sur les mesures qui me paraissent essentielles.

S'agissant du développement de l'offre de logements sociaux, le projet de loi pérennise le dispositif SRU au‑delà de 2025. Il permet à tous – élus locaux et nationaux, administrations, bailleurs sociaux, locataires – de se projeter dans la durée, en dotant les règles qui arrivaient à échéance d'une stabilité qui ne peut que les renforcer. Le dispositif SRU structure ce secteur depuis vingt ans, et il représente aujourd'hui la moitié de la production de logements sociaux dans notre pays ; il est important de le sécuriser et de le conforter.

Prévue par l'article 17 du projet de loi, la pérennisation du dispositif sans en changer les aspects fondamentaux est réussie. Je m'en réjouis, car, comme la grande majorité des personnes que j'ai auditionnées, je considère que la loi SRU est un succès majeur de la politique du logement. En reprenant ce dispositif, nous devons bien entendu être attentifs aux nécessités de l'adaptation locale et de la différenciation, comme l'indique le titre du projet de loi.

Mais la différenciation n'est pas l'atténuation. C'est pourquoi je proposerai de revenir sur une grande partie des assouplissements voulus par nos collègues sénateurs, qui ont mis en cause, à mon sens, l'existence du dispositif. Par exemple, ils ont supprimé à l'article 19 l'ensemble des sanctions que peut mettre en œuvre le préfet à l'occasion de la mise en carence d'une commune qui ne remplit pas ses obligations. Or, que vaut un dispositif où les manquements ne sont pas sanctionnés d'une manière ou d'une autre ?

Je ne suis pas le seul à tenir à l'intégrité du dispositif, car bon nombre des amendements déposés visent aussi à maintenir sa force et son effectivité. C'est pourquoi j'émettrai un grand nombre d'avis favorables à des amendements provenant de tous les bancs. La loi SRU est une pierre de touche que nous avons en partage, et je pense qu'au-delà des appartenances politiques, la grande majorité d'entre nous comprend le sens du logement social pour notre modèle de mixité sociale.

Le projet de loi consacre également, avec l'article 18, la contractualisation des objectifs avec les communes, et il permet, grâce à l'article 16, un renforcement du contrôle exercé sur l'utilisation des fonds issus du prélèvement SRU – au sujet de laquelle la Cour des comptes a pointé des déficiences dans un rapport de mars 2021. L'article 15 adapte le fonctionnement des exemptions, selon les recommandations de M. Thierry Repentin et de la Commission nationale SRU. J'ai eu l'occasion d'échanger avec M. Repentin et il m'a confirmé à quel point la loi SRU était un succès et devait être confortée sans être abîmée.

En ce qui concerne l'attribution des logements locatifs sociaux et la mixité sociale, nous pouvons être fiers de l'article 22 qui prévoit la reconnaissance du besoin des travailleurs essentiels de loger à proximité de leur lieu de travail. Je considère toutefois que la définition de ce caractère essentiel peut varier d'un territoire à un autre ; c'est la raison pour laquelle je propose un amendement la confiant aux conventions intercommunales d'attribution, pierres angulaires de la mixité sociale.

En revanche, plusieurs dispositifs introduits par nos collègues du Sénat posent problème. C'est particulièrement le cas de deux articles dont je proposerai la suppression : l'article 20 sexies, qui interdit les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) dans les communes comptant plus de 40 % de logements sociaux ; et l'article 22 quater, qui prévoit d'identifier des résidences présentant une fragilité sociale particulière, afin de permettre, d'une part, l'attribution prioritaire de leurs logements à des ménages « permettant un équilibre en matière de mixité sociale » et, d'autre part, le refus des ménages qui pourraient « accentuer cette fragilité ».

Les sénateurs expriment la préoccupation de ne pas « ajouter de la pauvreté à la pauvreté », que je partage pleinement. Mais leurs réponses me semblent inadaptées, quand elles ne sont pas juridiquement hasardeuses. En outre, il existe déjà des dispositions et des outils permettant d'éviter un tel résultat et d'œuvrer efficacement au rééquilibrage du peuplement d'un territoire. Le Gouvernement a ainsi publié une circulaire demandant aux préfets d'évaluer l'impact des nouveaux programmes de logements sociaux dans les communes qui en sont déjà fortement dotées. Quant aux collectivités, elles disposent de plusieurs leviers, à commencer par les conventions intercommunales d'attribution. Un quart seulement des intercommunalités qui le doivent ont mis en place de telles conventions ; il reste donc du chemin à parcourir.

D'autres articles du titre III du présent projet de loi apportent des précisions utiles qui enrichissent le droit en vigueur. L'article 26 permet d'élargir les opérations de revitalisation de territoire (ORT), que notre majorité a créées dans la loi ELAN. Des communes qui ne sont pas les villes principales de leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI) seront désormais éligibles. L'article 28 étend, pour sa part, les compétences des OFS et sécurise les outils qui sont à leur disposition. L'article 30 prévoit des simplifications en ce qui concerne les grandes opérations d'urbanisme.

S'agissant de l'encadrement des loyers, le projet de loi propose d'abord de porter de cinq à huit ans la durée de l'expérimentation en cours, à compter de la promulgation de la loi ELAN. Cette mesure revient à en fixer l'échéance au 21 novembre 2026. Ensuite, l'article 23 affirme de manière expresse la compétence de la commission départementale de conciliation pour l'examen des litiges relatifs à une action en diminution du loyer intentée par un locataire. Enfin, il complète le dispositif de la loi ELAN afin de plafonner le montant de la somme des loyers pouvant être perçus par un bailleur en cas de colocation à baux multiples. Le texte que nous examinons n'a fait l'objet d'aucune modification au Sénat sur ces derniers points. De fait, le dispositif me semble assez équilibré.

Cela ne signifie pas pour autant que le projet de loi règle tous les problèmes liés à l'encadrement des loyers. L'expérience acquise à Paris et à Lille depuis près de deux ans montre, en effet, que les textes peuvent donner lieu à interprétation et que des pratiques contestables subsistent. Je pense naturellement aux compléments de loyer sans rapport avec la localisation, l'agencement ou l'équipement d'un logement. Je peux comprendre la volonté de perfectionner le dispositif, de renforcer les contrôles et d'alourdir les sanctions, mais nous devons nous garder de mesures susceptibles de mettre en cause rétrospectivement l'équilibre d'un dispositif qui répond aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle. Aussi est-il raisonnable de poursuivre l'expérimentation de l'encadrement des loyers dans un cadre stabilisé et de nous donner les moyens d'en tirer les leçons en temps utile.

C'est avec le même souci de pragmatisme et d'efficacité que j'aborderai l'examen des articles 25 et 25 bis. Pour l'essentiel, ils visent à établir, sur des fondements juridiques uniformes, la définition de l'objet et des modalités de transfert de compétences de l'État relatives à la politique du logement et de l'hébergement. Ces délégations peuvent d'ores et déjà être réalisées au bénéfice des EPCI ainsi que des métropoles. Elles contribuent à l'enracinement territorial de politiques destinées à satisfaire l'un des besoins les plus essentiels de nos concitoyens, en capitalisant sur la connaissance du terrain et l'initiative locale. Aussi, je recommande leur adoption en des termes conformes à ceux votés par le Sénat.

L'article 25 bis A prête davantage à discussion, car il établit un statut d'autorité organisatrice de l'habitat, à ce jour inédit dans le code de la construction et de l'habitation. Chacun peut comprendre l'ambition d'une telle mesure, mais sa mise en œuvre pratique ne va pas de soi au regard de la diversité des acteurs, ainsi que de la répartition des compétences dans le champ de la politique de l'habitat. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d'apporter au texte adopté par le Sénat des modifications destinées à en préciser la portée.

Au-delà des enjeux de l'habitat, de l'urbanisme et de l'hébergement, nous aurons également à examiner des dispositions aussi diverses que celles relatives à la sécurisation des canalisations de gaz, à la mise en conformité des règlements de copropriété ou à l'expérimentation d'une nouvelle organisation du réseau et des missions des chambres d'agriculture. La délégation accordée par la commission des lois porte même sur un ultime article consacré à la dissolution de l'établissement public du Haras national du Pin.

La diversité des articles fait assurément la richesse de ce projet et je ne doute pas qu'elle stimule votre créativité. Je gage que nous pourrons faire œuvre utile en apportant les améliorations indispensables à un texte conçu pour faire progresser la décentralisation et la simplification des procédures administratives et des politiques publiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.