En juillet 2020, le Président de la République avait annoncé un nouvel acte de décentralisation, avec un projet de loi qui devait répondre au mouvement des gilets jaunes. Or, loin d'être un nouvel acte de décentralisation, ce texte comporte une série de mesures concrètes relatives à l'organisation des collectivités territoriales. Il souffre d'un excès de timidité remarquable, pour reprendre les mots de la rapporteure du Sénat, laquelle regrette aussi un inventaire à la Prévert. Pire encore : les maires restent dépossédés de la plupart des décisions en matière de logement social au profit du préfet, privilégié par le projet de loi initial du Gouvernement.
Le titre III traite ainsi de l'urbanisme et du logement. Madame la ministre, vous semblez ne pas du tout rechercher le consensus, ce qui met en péril le résultat de la future CMP. Pourtant, le Sénat a effectué des avancées. Il a imaginé une nouvelle étape de territorialisation de la politique de l'habitat, avec la possibilité de reconnaître les intercommunalités comme autorités organisatrices de l'habitat. Le Gouvernement ne semble pas y être prêt.
Le Sénat a amélioré le texte en donnant de nouvelles marges de manœuvre aux collectivités locales, pour leur permettre de s'adapter à la réalité de leur territoire. Cette réalité du terrain est à l'origine des articles additionnels qui visent, par exemple, à résoudre les nuisances de voisinage importantes engendrées par l'absence de lien obligatoire entre le bail d'un logement aidé et l'aire de stationnement.
La ghettoïsation, qui contribue à alimenter des risques de séparatisme, est un autre problème dans certains quartiers. Les sénateurs ont proposé de limiter la construction des logements les plus sociaux quand le parc social représente déjà plus de 40 % des logements des communes concernées.
Ils ont aussi prévu certains aménagements à la marge de la loi SRU, qui méritent d'être conservés car ils donnent une place accrue aux élus locaux – en particulier, la mise en place d'une procédure contradictoire entre le préfet et l'exécutif local concernant le pouvoir de contrôle du préfet.
Les sénateurs ont également apporté des améliorations à la procédure de mutualisation des objectifs au sein d'un programme local de l'habitat (PLH), le dispositif actuel apparaissant illisible et incohérent.
Ils ont surtout cherché à rétablir, à raison, la place des communes et le rôle des maires dans la politique du logement. Ainsi, les communes contributrices devront donner leur accord avant de se voir imposer la construction de logements supplémentaires. L'avis conforme du maire serait désormais requis concernant le déconventionnement des logements aidés. Le transfert de la compétence du plan local d'urbanisme (PLU) au niveau intercommunal ne pourra pas se faire sans délibération explicite des communes membres. Les maires disposeront d'un droit de véto contre une baisse des droits à construire introduite par une simple modification décidée par l'EPCI.
Les sénateurs ont également opéré quelques ajustements, comme la possibilité de renouveler les contrats de mixité sociale au-delà de six ans, car une politique du logement, de l'aménagement et de l'urbanisme doit s'inscrire dans la durée.
Ce projet de loi se limite à des aspects organisationnels et fait l'impasse sur la question des moyens qui permettraient d'atteindre les objectifs partagés. Ainsi, le financement du logement social dans la zone 3 n'est pas évoqué. Le Sénat a certes demandé un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conséquences de l'application du zonage déterminant le financement du logement social, mais cela demeure insuffisant si l'on veut vraiment se donner les moyens de répondre aux besoins d'une politique d'aménagement plus équitable du territoire.
Le Gouvernement présente la dissociation du foncier et du bâti comme un élément susceptible de favoriser grandement la construction. J'en doute, même si le dispositif méritait d'être amélioré.
Le projet de loi initial prévoyait encore une fois une habilitation à légiférer par ordonnance ; les sénateurs ont eu raison de la juger trop floue et trop large.
Le gouvernement avait fixé trois objectifs au travers de la loi ELAN : construire plus, mieux et moins cher. Le résultat en est bien éloigné. Moins de 400 000 logements sont construits par an, et ce problème était déjà manifeste avant la crise sanitaire. Les coûts de construction n'ont pas diminué, même avant l'augmentation du coût des matières premières. Ce projet est censé accélérer la construction de logements sociaux, hors QPV. J'en doute. Il ne va quasiment rien y changer.
Ce projet ne correspond pas à une nouvelle étape majeure de la décentralisation. La déception est au rendez-vous, faute d'une politique volontariste pour vraiment donner à tous les territoires les moyens de produire du logement pour tous. Espérons que les débats à venir permettront de dessiner une véritable étape de la décentralisation.