Mes chers collègues, notre commission s'est effectivement saisie des articles 3 et 4 du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui traitent de la santé des étudiants, thème qui nous concerne. Il est proposé de supprimer le régime de sécurité sociale dérogatoire des étudiants et d'instaurer une nouvelle contribution destinée à favoriser l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif.
Ces évolutions législatives s'inscrivent dans le cadre des orientations du « Plan étudiants » présentés par la ministre de l'enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Mieux se soigner, telle est l'ambition affichée d'un des volets de ce plan. Outre le financement et le renforcement des services de santé universitaires, la constitution de dix centres de santé supplémentaires, dont le nombre passera de vingt-quatre à trente-quatre d'ici à 2019, et la création d'une Conférence de prévention étudiante, il est ainsi proposé le rattachement des étudiants au régime général de la sécurité sociale.
Le régime de sécurité sociale étudiante a en effet montré ses limites au cours des dernières années. De plus, les étudiants cotisaient 217 euros chaque année pour être affiliés au régime général obligatoire, alors même qu'ils n'étaient pas salariés et sans que cela garantisse un accès effectif aux soins.
Plusieurs rapports se sont émus des difficultés rencontrées par les étudiants pour faire valoir leurs droits à la protection sociale. L'Union fédérale des consommateurs Que choisir (UFC-Que choisir), en 2012, et le Défenseur des droits, plus récemment, en 2015, ont recueilli des témoignages accablants : délais de remboursement pouvant atteindre une année, taux de décroché insuffisant, absence de réponse téléphonique aux réclamations dans la plupart des cas. S'agissant de l'accès aux droits, 26 % des étudiants ayant participé à l'appel à témoignages du Défenseur des droits ont indiqué avoir rencontré des difficultés pour s'affilier. Or la non-affiliation entraîne, de facto, une rupture des droits à la sécurité sociale, avec toutes les conséquences que cela implique : l'étudiant ne peut pas être remboursé de ses dépenses de santé ni bénéficier du tiers payant et encore moins obtenir une attestation de droits indispensable pour effectuer un stage.
La Cour des comptes, de son côté, a effectué une mission entre 2012 et 2013 dont les conclusions étaient aussi sans appel, avec un service dégradé, particulièrement à La Mutuelle des étudiants (LMDE) où un appel sur quatorze avait une chance d'aboutir et où le stock de courriers non ouverts était impressionnant. Dans un autre registre, la Cour des comptes a également pointé des coûts de gestion supérieurs à la moyenne.
Malgré les efforts faits par ces mutuelles depuis ces constats, ce régime paraît bien à bout de souffle.
Créé dans un contexte historique particulier d'après-guerre, il avait pour ambition de conforter l'autonomie des étudiants en créant une sécurité sociale qui leur soit propre. C'est pourquoi en 1948, la gestion du régime obligatoire de l'assurance maladie a été déléguée à la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF, devenue LMDE) qui a été chargée de gérer et liquider les prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité. En 1972, cette mission de service public a été confiée également à la dizaine de mutuelles régionales qu'on appelle les Sociétés mutualistes étudiantes régionales (SMER). En presque soixante-dix ans, le nombre d'étudiants a explosé, passant de 150 000 en 1948 à 2,5 millions en 2016. L'année passée, ce sont 1,8 million d'assurés et 569 millions d'euros de remboursements que les mutuelles ont dû gérer.
Il devient donc nécessaire de faire évoluer ce modèle hérité de l'après-guerre et de l'adapter.
Il a déjà connu quelques avancées. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a instauré le principe de protection universelle maladie (PUMA), qui permet aux étudiants d'être considérés comme des assurés autonomes, et un décret fixe les modalités d'organisation de ces délégations de gestion ; il est prévu qu'il puisse y être mis fin en cas de défaillance caractérisée de l'organisme délégataire. Par ailleurs, à la suite d'importantes difficultés financières, la mutuelle LMDE a été mise sous sauvegarde judiciaire et a conclu un partenariat avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le 1er octobre 2015. Depuis lors, elle ne gère plus que l'accueil au guichet et les affiliations. Selon la CNAMTS et la direction de la sécurité sociale, le service offert aux étudiants s'est notablement amélioré. Le taux de décroché s'élève désormais à 92 % et le délai moyen de remboursement pour des feuilles de soins électroniques est de six jours.
L'article 3 du projet de loi poursuit cette logique et met fin à la délégation de gestion du régime obligatoire d'assurance maladie des étudiants.
Les mutuelles pourront continuer à proposer des prestations au titre de la couverture complémentaire. Les étudiants relèveront désormais du régime de leurs parents. Leurs conditions d'affiliation seront simplifiées : ils n'auront plus, chaque année universitaire, à s'inscrire à une mutuelle, ce qui évitera les risques de rupture de droits, et n'auront plus à opérer de transfert de régime à la fin de leurs études dans la grande majorité des situations. Le calendrier proposé sera progressif puisque seuls les nouveaux entrants bénéficieront du nouveau système à la rentrée de 2018 ; les autres attendront celle de 2019.
D'autre part, la cotisation forfaitaire maladie de 217 euros dont ils devaient s'acquitter chaque année est supprimée.
Le texte prévoit pour le personnel des mutuelles étudiantes régionales des garanties identiques à celles proposées en 2015 pour le personnel de la LMDE : bonne intégration sociale et proposition d'affectation correspondant au niveau de qualification, pas de mobilité géographique subie. Ainsi, 436 personnes représentant 424 équivalents temps plein (ETP) avaient été transférées dans cinquante-six organismes du régime général, sans difficulté majeure. La CNAMTS a été autorisée à intégrer 395 ETP dans ses plafonds d'emplois. Il est également prévu le versement éventuel d'une indemnité aux mutuelles pour préjudice anormal et spécial.
Conscient que les étudiants restent néanmoins une population spécifique, particulièrement du point de vue de la prévention, le texte consolide les actions de prévention menées par l'assurance maladie à destination de la jeunesse. Une ligne sera dédiée à ces actions au sein du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS pour les jeunes âgés de seize à vingt-trois ans.
Le « Plan étudiants » complète ce dispositif législatif en créant une Conférence de prévention chargée de recenser les actions prioritaires et de suivre l'état de santé des étudiants. Elle associera des représentants de l'université, des étudiants et de l'assurance maladie.
La médecine préventive n'est pas oubliée. Une nouvelle contribution « vie étudiante », objet de l'article 4, renforcera les services universitaires de médecine préventive, notamment leur dispositif d'étudiant relais qui permet des actions de prévention par les pairs. Ces services seront incités à se transformer en centres de santé.
Voilà donc les principales évolutions proposées par ce texte, qui ne pourront que contribuer à améliorer la couverture santé des étudiants, à simplifier leurs démarches administratives et à améliorer, plus largement, leurs conditions de vie.