Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du mardi 15 février 2022 à 17h15
Commission des affaires économiques

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement :

Je suis très heureuse de vous présenter aujourd'hui le bilan du quinquennat en matière de logement. Julien Denormandie et moi-même avons conduit une politique du logement volontariste sur le plan social, économique et écologique ; nous pouvons être fiers de beaucoup de réussites. Nous avons mené des réformes structurelles, incarnées par plusieurs textes que vous avez eu l'occasion d'examiner et d'enrichir, comme la loi ELAN, la loi « Climat et résilience » et la loi 3DS. En outre, nous avons apporté des réponses adaptées et immédiates aux besoins et aux urgences qui ont pu se manifester.

Ce quinquennat aura démontré un volontarisme et des résultats sans précédent en matière d'hébergement et d'accès au logement des personnes en situation de précarité. Les crédits attribués à l'hébergement et à l'accompagnement vers le logement ont augmenté de un milliard d'euros entre le dernier budget du quinquennat précédent et celui qui vient d'être adopté pour l'année 2022.

Grâce à ces crédits, nous avons pu, en cinq ans, accroître de 50 % le nombre de places d'hébergement. Au printemps 2021, nous avons atteint, pour la première fois, le volume de 200 000 places. Surtout, à cette date, nous avons mis fin à la gestion « au thermomètre » des places d'hébergement, ouvertes quand il fait froid et refermées dès que les beaux jours arrivent : désormais, les places d'hébergement sont maintenues. C'est une avancée historique qui permettra de retravailler la pluriannualité, c'est-à-dire les trajectoires, la qualité des places et leur adéquation aux besoins des personnes concernées, mais aussi d'œuvrer à la réduction progressive des nuitées hôtelières, remplacées par de vraies places en centres d'hébergement, dont la qualité est bien meilleure.

Je salue les grandes associations gestionnaires et leur engagement au quotidien ; elles sont des partenaires à part entière de l'État sur cette politique.

Le Gouvernement a opéré un profond changement de méthode au travers du plan Logement d'abord. Lancé au début de l'année 2018, celui-ci favorise l'accès direct au logement des personnes venant de la rue ou des structures d'hébergement. Ainsi, depuis le début du quinquennat, plus de 330 000 personnes ont accédé à un vrai logement, ce grâce au financement de 32 000 places d'intermédiation locative, à l'ouverture de 5 000 places en pensions de famille et à la production de 150 000 logements très sociaux, dits PLAI adaptés (prêt locatif aidé d'intégration adapté), soit plus qu'au cours du quinquennat précédent. Quant aux attributions de logements sociaux aux personnes issues de la rue ou de l'hébergement, elles ont progressé de 45 % entre 2017 et 2021.

Cette politique du Logement d'abord, ainsi marquée par un véritable changement de méthode, fondé du reste sur des travaux internationaux, n'est pas uniquement menée par l'État, mais aussi par les collectivités territoriales engagées sur le sujet. Quarante-cinq d'entre elles sont des territoires de mise en œuvre accélérée du plan Logement d'abord. Le Gouvernement partage avec elles la responsabilité de ces beaux résultats.

Enfin, nous avons œuvré au maintien des ménages dans le logement en renforçant la prévention des expulsions locatives. Nous avons prolongé à trois reprises la trêve hivernale et avons travaillé avec les préfets à la réduction des expulsions. En 2019, 16 700 expulsions ont eu lieu ; en 2020, c'est moins de la moitié. Pour ce qui est de l'année 2021, les chiffres resteront inférieurs à 2019.

Nous avons également renforcé la prévention et déployé vingt-six équipes mobiles pour aller au-devant des personnes qui ne sollicitent pas les services sociaux. Nous avons créé un fonds d'aide aux impayés de loyers doté de 30 millions d'euros, qui soutient les fonds de solidarité logement locaux, et avons abondé le fonds d'indemnisation des bailleurs à hauteur de 10 millions. Aucune solution n'a donc été laissée de côté pour prévenir les situations difficiles.

Je tiens à saluer à ce propos le député Nicolas Démoulin, qui a largement contribué à l'élaboration et à la mise en œuvre de ce plan d'action. Certaines de ses propositions ont été reprises dans la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Le Gouvernement a engagé des réformes majeures pour lutter contre l'habitat indigne et promouvoir la rénovation urbaine. La loi ELAN nous a permis, dès 2018, de frapper au portefeuille les marchands de sommeil, qui ont longtemps profité d'un état de quasi-impunité. Nous avons récemment créé une police unique de l'habitat afin de simplifier la mise en œuvre des procédures de lutte contre l'habitat indigne. Notre action a eu des effets très concrets : depuis 2017, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a déboursé 700 millions d'euros pour traiter 62 000 logements indignes.

Par ailleurs, le Gouvernement a changé d'échelle concernant l'action sur les copropriétés dégradées. En 2018, il a lancé le plan Initiative copropriétés, doté de 2,7 milliards d'euros sur dix ans. C'est très nouveau puisque, d'habitude, l'action sur les logements sociaux dégradés passe par la programmation de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Les copropriétés dégradées sont longtemps restées l'un des angles morts de nos politiques publiques. Le plan Initiative copropriétés, qui identifie une quinzaine de sites suivis nationalement et une trentaine de sites complémentaires, nous permet de les accompagner et de leur proposer des solutions. En trois ans, l'ANAH a déjà engagé 500 millions d'euros pour réaliser des travaux sur près de 100 000 logements.

J'en viens aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous avons, grâce à Action Logement, plus que doublé les moyens de l'ANRU, son budget étant passé de 5 à 12 milliards d'euros depuis le début du quinquennat. D'ici à la fin du premier trimestre 2022, l'ensemble des quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) auront un projet validé par l'ANRU. Les chantiers ont déjà démarré dans plus de 330 d'entre eux, alors que l'objectif était fixé à 300 au 1er janvier 2022.

Ce quinquennat aura aussi été celui de l'essor d'un logement plus écologique et durable, avec une politique de rénovation énergétique sans précédent. Une sorte de révolution s'est opérée autour d'un outil très simple, MaPrimeRénov', que Julien Denormandie, alors ministre du logement, et moi, alors secrétaire d'État à l'écologie, avons conçue ensemble. Bien que cette prime ait été proposée à partir de janvier 2020, soit deux mois avant le début de la pandémie, elle a réussi à toucher 1 million de Français. Sur 1 million de dossiers déposés sur la seule année 2021, 660 000 ont déjà été engagés.

Le succès de MaPrimeRénov' est incontestable. C'est une mesure qui est juste socialement, puisque selon les calculs de l'ANAH, les deux tiers des aides vont à des ménages aux revenus modestes et très modestes, et juste écologiquement. Ces aides, ce sont autant de logements qui consomment moins d'énergie et émettent moins de carbone, et autant de factures réduites. C'est pourquoi nous avons tenu à ce que le dispositif, déjà renforcé par le plan de relance, soit maintenu à 2 milliards d'euros dans le budget pour l'année 2022.

Afin de rendre la rénovation énergétique accessible à tous, nous avons créé, par la loi « Climat et résilience », le service public de la rénovation de l'habitat. Lancé le 1er janvier 2022, France Rénov' se déploie à partir des guichets des collectivités territoriales, qui ont été unifiés. D'autres outils ont été créés pour accompagner les Français, tels que Mon accompagnateur rénov', progressivement mis en œuvre cette année, et les prêts avance rénovation, désormais distribués par deux réseaux bancaires, qui permettent de compléter le financement du reste à charge.

Avec la loi « Climat et résilience », nous avons pris la décision courageuse d'interdire la mise en location des passoires thermiques, à compter de 2025 pour les logements classés G et de 2028 pour les logements classés F. Je remercie l'Assemblée d'avoir voté cette mesure très importante à l'unanimité : c'est un signal pour les propriétaires. Avec MaPrimeRénov', qui a été ouverte aux propriétaires bailleurs, cela constitue un dispositif incitatif et leur donne de la visibilité sur la trajectoire adoptée.

S'ajoutent à ces mesures le nouveau diagnostic de performance énergétique, voté dans la loi ELAN et qui donne désormais une image fiable et opposable de la performance énergétique du logement, et l'audit énergétique obligatoire lors de la vente pour les passoires thermiques.

Le Gouvernement a également développé des mesures essentielles en faveur de la construction durable, telles que la réglementation environnementale des bâtiments neufs RE2020, qui est l'une des plus ambitieuses en la matière. Elle vise trois objectifs : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation, diminuer l'impact de la construction de bâtiments sur l'émission de gaz à effet de serre et garantir la fraîcheur en cas de forte chaleur.

La loi « Climat et résilience » a aussi fixé l'objectif Zéro artificialisation nette d'ici à 2050. Cela demandera encore beaucoup de pédagogie, et des discussions précises avec les élus locaux pour avancer vers la territorialisation. Fixé à l'échelle nationale, cet objectif implique de réduire par deux l'enveloppe de consommation des terres naturelles et agricoles à l'échelle de chaque région d'ici la fin de la décennie, et appelle un travail de territorialisation, qui sera soutenu par le fonds friches. Quelque 750 millions d'euros ont été déboursés pour financer des projets de construction sur des terres déjà artificialisées.

Le Gouvernement, sous ce quinquennat, a également promu l'accès de chacun à un logement abordable, qui est le garant de la cohésion sociale de notre pays. Le logement abordable, celui des classes moyennes et populaires, c'est d'abord le logement social ; 70 % des Français y sont éligibles. Le modèle français du logement social est universel. Il représente un motif de fierté, c'est important de le redire.

La loi ELAN de 2018 a engagé la consolidation du secteur via le regroupement des organismes d'HLM. Ce mouvement de fond est, pour l'heure, accompli à près de 90 %. La toute nouvelle loi 3DS, elle, pérennise la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU). Entre autres, elle rend permanente l'obligation de construire des logements sociaux dans tous les territoires qui en manquent, pour assurer la mixité à l'échelle du pays. Elle préserve les grands fondamentaux de la loi SRU – son périmètre d'application, le rythme de construction, le type de logements décomptés – et introduit en même temps des marges d'adaptation locale pour conforter son application dans certains territoires, des nouveaux moyens de contrôle et des sanctions financières.

En fin de compte, nous avons trouvé un bon équilibre. Je tiens à saluer votre commission, tout particulièrement Mickaël Nogal, pour le travail qui a été accompli, ainsi que le Sénat, avec lequel nous avons fini par converger.

Sur les trois premières années du quinquennat, la construction de logements sociaux s'est maintenue à un rythme moyen de 110 000 logements par an, ce qui est tout à fait satisfaisant. Ce rythme a toutefois été perturbé par la crise sanitaire et le renouvellement des exécutifs municipaux. Ainsi, moins de 90 000 logements sociaux ont été agréés en 2020.

En 2021, nous avons lancé une mobilisation générale en faveur du logement social, avec le soutien du mouvement HLM, de la Caisse des dépôts et d'Action Logement. Des aides à la pierre exceptionnelles ont été octroyées, pour un montant de 1,5 milliard d'euros sur deux ans. La commission Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, de son côté, a proposé des mesures pour soutenir les collectivités accueillant des logements sociaux, telles que la compensation d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Nous avons constaté un rebond : en tenant compte de la reconstitution de l'offre et des logements sociaux en outre-mer, on a dénombré 105 000 logements sociaux en 2021, soit une progression de 8 %. C'est donc mieux qu'en 2020, mais ce n'est pas suffisant. Avec les aides et les conditions économiques actuelles, nous devrions être capables d'agréer ou de produire 120 000 logements sociaux par an. Toutefois, je constate que certains territoires ne sont pas au rendez-vous, n'allant pas au bout des agréments de permis de construire ou de logements sociaux. En 2021, les principales métropoles délégataires des aides à la pierre n'ont atteint que deux tiers de leurs objectifs alors que la moyenne nationale s'établit à 80 %, voire à 86 % là où l'État a gardé la main. La ville de Strasbourg, où je me suis rendue hier, n'a atteint que 56 % des objectifs. Et la situation n'est guère meilleure à Paris, Nantes ou Rouen… Ces villes portent une responsabilité dans notre capacité à répondre aux besoins des Français.

C'est bien pour cela que le logement social doit s'inscrire dans une mobilisation collective plus large pour la construction. D'où les mesures que le Gouvernement a prises en la matière, fondées entre autres sur le rapport Rebsamen.

En matière de construction, le bilan du quinquennat est très positif. La délivrance des permis de construire a repris : 470 000 en 2021. Qu'il s'agisse des logements autorisés ou des logements mis en chantier, leur nombre est plus élevé que sous le quinquennat précédent, ce qui signifie que l'impact de la crise a été totalement effacé. En plus d'avoir retrouvé un rythme annuel satisfaisant, nous sommes parvenus à compenser l'absence totale de mises en chantier et de délivrance de permis de construire pendant la première moitié de l'année 2020, du fait du confinement et des élections municipales.

Mais la construction n'est jamais qu'une part du stock de logements. Il faut donc continuer à travailler sur le parc de logements existants, ce pour quoi nous avons pris des mesures significatives. La loi ELAN a clarifié l'encadrement des loyers et la loi 3DS a ouvert une nouvelle période de candidature. Le dispositif Louer abordable, quant à lui, a été refondu et rebaptisé « Loc'Avantages ». Il permet, sous conditions de ressources, de louer un logement existant à un loyer inférieur au prix du marché tout en bénéficiant d'une réduction d'impôts importante.

La garantie des loyers VISALE (visa pour le logement et l'emploi) est l'un des beaux succès du quinquennat. Elle est gérée par Action Logement au titre de la convention cadre conclue avec l'État. Elle a été étendue en 2018 à tous les jeunes de moins de 30 ans, aux titulaires du bail mobilité et aux salariés en mutation professionnelle, puis en 2021 à tous les salariés percevant des revenus inférieurs à 1 500 euros nets par mois. Résultat : 6 millions de salariés de plus de 30 ans potentiellement éligibles. Certes, VISALE a été créée sous la législature précédente, mais c'est sous l'actuelle que nous sommes parvenus, collectivement, à la faire monter en puissance. En 2021, 230 000 contrats ont été signés, soit dix fois plus qu'en 2017, au bénéfice des étudiants, des jeunes et des locataires modestes.

Voilà le bilan de cette politique du logement volontariste d'un point de vue social, économique et écologique que je défends. Notre action s'est appuyée sur des textes fondateurs. Il me reste à saluer les membres de cette commission et, plus généralement, l'ensemble des parlementaires. Les débats ont été vifs et précis, marqués par l'intervention de spécialistes et aussi très politiques. Nos échanges ont permis d'enrichir les textes, d'accomplir de véritables avancées et de faire évoluer parfois le projet du Gouvernement, toujours à bon escient. Je vous en remercie.

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