Je vous remercie pour l'ensemble de vos interventions et vais m'efforcer de répondre avec honnêteté à vos questions.
Monsieur Démoulin, je vous remercie pour le travail que nous avons mené ensemble au service des plus modestes. Oui, je pense qu'une loi de programmation pluriannuelle est nécessaire. Il était absolument impossible d'y travailler avant de pérenniser les places d'hébergement : les services de l'État et les associations passaient leur temps à ouvrir des places en urgence, à les fermer puis à les rouvrir. Maintenant que la pérennisation est acquise, nous disposons d'une base budgétaire consolidée. Ce n'était pas le cas auparavant : les associations faisaient la trésorerie pour l'État, avançant l'argent, ce qui les mettait parfois dans de grandes difficultés vis-à-vis de leurs interlocuteurs bancaires. Aujourd'hui, l'État est en mesure de financer les places en temps et en heure.
Maintenant donc que ce préalable est acquis, la programmation pluriannuelle est indispensable. Reste à savoir si elle doit être définie par une loi de programmation pluriannuelle ou par un document contractuel avec le secteur : différents outils sont envisageables. Quoi qu'il en soit, nous devons donner de la visibilité au secteur. Chaque acteur associatif doit savoir si les places qu'il crée à tel endroit sont nécessaires à un, trois ou cinq ans, si elles doivent être transformées, si elles doivent être humanisées. Dans le cadre du plan de relance, l'ANAH a investi pour humaniser les places d'hébergement au sein de structures dont l'extrême vétusté appelait en urgence la réalisation de travaux, comme le centre d'hébergement d'urgence de la Boulangerie, à Paris.
Cette programmation pluriannuelle dont la forme reste à définir donnera au secteur la visibilité dont il a besoin, y compris pour être au rendez-vous de la qualité des places d'hébergement.
Monsieur Di Filippo, vous m'avez interrogée sur les difficultés du dispositif MaPrimeRénov'. Oui, ces difficultés existent ; je les ai moi-même reconnues et nous travaillons à les résoudre. Elles restent toutefois marginales quand on regarde les volumes. À partir d'octobre dernier, nous avons commencé à suivre les dossiers que nous n'arrivions pas à solder, notamment les dossiers présentés au paiement. Ces problèmes nous sont signalés tantôt par des parlementaires, ce dont je les remercie parce que cela nous fait toucher du doigt les problèmes concrets, tantôt en direct, y compris grâce à des alertes médiatiques.
Nous avons compté environ 3 500 dossiers en difficulté, les deux tiers présentés au paiement, le tiers restant à l'engagement. Des problèmes de gestion informatique, ou de gestion tout court, ont fait traîner leur traitement sur plusieurs mois. J'ai demandé à la directrice générale de l'ANAH d'élaborer un plan d'action dédié et mi-janvier, il restait environ 500 dossiers en difficulté à traiter. C'est presque terminé aujourd'hui, même s'il en reste toujours quelques-uns, et nous disposons à présent d'un système permettant d'identifier les nouveaux dossiers en difficulté, qui sont postérieurs à octobre-novembre et n'ont pu être traités en quinze jours.
Au total, 660 000 dossiers ont été engagés et 350 000 payés, la différence tenant au temps qu'il faut pour réaliser les travaux. Un dossier engagé, c'est quand un ménage demande MaPrimeRénov' et qu'on lui répond quel montant lui sera versé pour quel type de travaux. Ensuite les travaux sont effectués, et le ménage présente la facture au paiement. Bref, sur tous ces dossiers, il y en a bien qui ont connu des difficultés, les plus anciens ayant été identifiés et traités et les nouveaux faisant l'objet d'une procédure à part, mais cela reste moins de 1 % du total. Nous avons appris de ces difficultés et nous sommes efforcés d'améliorer les procédures de traitement. Mais sur l'ensemble, le taux de satisfaction reste très élevé. Je ne voudrais pas que ces 3 500 dossiers laissent à penser que MaPrimeRénov' ne fonctionne pas : 350 000 dossiers payés, ce sont 350 000 ménages contents d'avoir reçu de l'argent.
La politique foncière, Monsieur Lagleize, a effectivement été très importante sous ce quinquennat, même s'il reste beaucoup à faire. En témoignent la création du fonds friches et l'inscription de l'objectif Zéro artificialisation nette dans la loi « Climat et résilience ».
En 2021, 142 millions d'euros ont été déboursés au titre de l'aide à la relance de la construction durable, au bénéfice de 1 316 communes, avec 2 500 permis de construire aidés pour 67 000 logements autorisés. La mesure a bien fonctionné, nous allons la pérenniser dans le cadre des contrats de relance du logement.
Concernant les plus-values immobilières, nous devons effectivement travailler sur l'impact de la fiscalité sur la détention foncière. Il ne faut pas que la fiscalité, parce qu'elle a été pensée dans une autre logique, incite à la rétention foncière, voire à la maximisation des plus-values foncières.
Merci, Monsieur Potier, d'avoir souligné la qualité de notre dialogue. Les décrets d'application de la loi « Climat et résilience » seront publiés rapidement, en particulier concernant l'artificialisation. Ces décrets ne sont pas vraiment urgents, puisqu'ils ont vocation à piloter l'après-2030, mais ils sont tout de même nécessaires pour nous faire passer de la notion de consommation des terres naturelles et agricoles à celle d'artificialisation nette.
Ces décrets ont été soumis au Conseil national d'évaluation des normes qui, ayant considéré qu'il ne disposait pas du temps nécessaire pour statuer, a demandé l'ouverture d'une nouvelle séance qui aura lieu soit en février, soit en mars. Soyez assurés que le Gouvernement tient à prendre ces décrets rapidement.
Pour ce qui est de Mon accompagnateur rénov', conformément à la loi, nous allons conserver une séparation stricte entre les entreprises qui font les travaux et les entreprises qui conseillent de faire les travaux, afin d'éviter qu'elles ne se trouvent juges et parties. Les textes ne sont pas encore prêts ; je tiendrai une réunion de discussion informelle avec les collectivités locales en fin de semaine. Nous devons véritablement veiller à maintenir une « muraille de Chine » pour éviter aux ménages d'avoir affaire à des entreprises qui, dans leur propre intérêt, poussent à la réalisation de certains travaux.
J'ai toujours émis des réserves sur le modèle d'accompagnateur intégré tel qu'il a été proposé par Boris Vallaud, car il nécessiterait de créer un énorme opérateur public. La Caisse des dépôts n'est pas du tout en capacité d'assurer ce rôle. D'une certaine manière, il me semble beaucoup plus efficace de procéder de bas en haut, grâce à MaPrimeRénov', à France Rénov' et à Mon accompagnateur rénov'. Certes , cela ne fait pas un accompagnateur unique, mais ces aides répondent de facto à l'objectif visé par M. Vallaud.
S'agissant du NPNRU, nous sommes en fin de programmation et nous reprenons des dossiers dont le contexte politique peut avoir changé depuis les élections municipales de 2020 : un maire nouvellement élu n'a pas forcément la même conception de la rénovation urbaine que son prédécesseur. Le cas de la commune de Lucé est encore plus particulier, puisqu'elle souhaite réintégrer un programme qui a été validé par une intercommunalité. Il nous faut étudier ce cas précisément. De manière générale, nous sommes en train de reprendre les dossiers de façon à nous adapter aux évolutions politiques qui ont pu se produire.
Pour répondre à Mme Pinel, si l'on regarde la chronologie de la production de logements, les chiffres sont incontestables : 2 158 400 permis de construire ont été accordés entre 2012 et 2016 et 2 270 400 sur les années 2017 à 2021. On en a compté 423 000 en 2013, 381 000 en 2014 et 405 000 en 2015 : pour ces trois années sur cinq, on est donc loin des 450 000 permis. Sous l'actuel quinquennat, on a toujours dépassé le nombre de 450 000, sauf en 2020 – on en connaît la raison.
Donc non, il n'y a pas eu de décrue progressive des permis de construire sous l'actuel quinquennat. Il aura connu une année objectivement basse, contre trois sous le quinquennat précédent, et une fourchette habituelle tournant entre 450 000 à 480 000 permis.
C'est également vrai des mises en chantier. Pour rappel, les premières mises en chantier d'un quinquennat remontent à des permis de construire délivrés au cours du précédent. Si l'on met de côté la première année donc, 1 770 000 mises en chantier ont été réalisées sous ce quinquennat, contre 1 670 000 sous le précédent.
Notre action en faveur de la production de logements a donc été plus performante – ce n'est pas une interprétation, je ne fais que restituer les chiffres. Julien Denormandie et moi-même avons fait du logement une priorité. Nous avons défendu de nombreuses réformes et je considère que notre volontarisme s'est traduit dans la réalité.
Le rapport de la Fondation Abbé Pierre, qu'a évoqué M. Jumel, a une accroche qui laisse penser que ce quinquennat n'est pas un succès pour le logement. Cependant, dans le détail, il reconnaît un certain nombre d'avancées, en matière de rénovation et d'hébergement d'urgence, et salue le plan Logement d'abord. Il est assez critique sur la dynamique du logement social, même si les chiffres finaux des agréments de logements sociaux ne seront pas très en deçà de ceux du quinquennat précédent – mais ils le seront, je le reconnais. La Fondation Abbé Pierre a un rôle d'interprétation qui la conduit, dans sa synthèse et dans sa communication, à être critique, ce qui est bien la mission d'une organisation non gouvernementale ; son analyse de détail est un peu plus nuancée.
Le rythme d'agréments de logements sociaux était, au début du quinquennat, proche de celui du précédent. Il a connu un gros trou en 2020 et une année 2021 qui, contrairement à la production, n'a pas permis de rattraper le retard. L'État, Action Logement et les partenaires sociaux, ainsi que les communes et les intercommunalités doivent poursuivre leurs efforts.
S'agissant de la déshumanisation des bailleurs sociaux, il me semble qu'avec le seuil de 12 000 logements et la faculté de s'adosser à une société anonyme de coordination (SAC), on a trouvé un équilibre entre masse critique – parfois utile au plan technique et pour les financements – et proximité. Les exemples positifs sont nombreux, mais je reconnais qu'agréger plusieurs petits bailleurs instaure forcément une relation différente.
Quant à l'objectif Zéro artificialisation nette, il a suscité beaucoup d'inquiétude. Sa déclinaison doit être territorialisée : il n'est pas question de réduire de 50 % uniformément et d'interdire les constructions partout ; on tiendra compte non pas des zones à urbaniser, mais de la consommation réelle. Nous continuerons à travailler avec les élus locaux sur ce sujet, et les décrets contribueront sans doute à les rassurer.
Madame Beaudoin-Hubiere, merci de dire que la procédure anti-squats fonctionne. Selon l'Observatoire des squats, il y a eu 200 squats de résidences privées, qu'elles soient principales ou secondaires, en 2021, d'après les dossiers qu'ont fait remonter les préfets. Peut-être y en a-t-il eu un peu plus dans les faits, mais le nombre d'affaires ne doit guère dépasser les 300. Néanmoins, ces intrusions insupportables sont souvent vécues comme un drame. Nous nous sommes donc engagés à y remédier, et vous avez voté la disposition correspondante dans la loi ASAP.
Il y a beaucoup de départements où la procédure fonctionne bien, mais il y en a encore, c'est vrai, dans lesquels les préfets ne sont pas habitués à l'appliquer, et les services de police et de gendarmerie pas suffisamment informés. Nous venons de monter un partenariat avec les huissiers de justice pour qu'ils soient les premiers relais des propriétaires ; nous en discutons avec les avocats. L'information concernant cette procédure continue d'être diffusée dans tous les réseaux administratifs. D'une manière générale, il suffit qu'une préfecture utilise la procédure une fois pour lancer le mouvement. En tout cas, vous pouvez compter sur la volonté du ministère du logement et du ministère de l'intérieur pour la faire connaître.
La situation des jeunes, Madame Deprez-Audebert, est effectivement préoccupante. Nous nous étions engagés à produire 60 000 logements étudiants au cours du quinquennat. On arrive à ce chiffre si l'on additionne les logements des CROUS, les logements sociaux et les logements libres, mais parmi ces derniers, certains sont à des prix tels qu'il ne me semble pas possible de les agréger sans autre forme de procès aux deux autres catégories.
Olivier Dussopt et moi-même avons demandé qu'une mission soit conduite sur le dispositif Censi-Bouvard, cette aide fiscale vouée à soutenir la production de résidences pour personnes âgées ou pour étudiants. L'idée est de connaître les caractéristiques qualitatives de ce que l'on finance, et surtout les prix de sortie : je ne suis pas sûre qu'il faille soutenir fiscalement la construction de résidences au prix du marché.
Le Gouvernement a lancé un plan national de lutte contre les logements vacants, en lien avec les collectivités volontaires, car les choses se passent pour l'essentiel à l'échelle locale. Je suis prête à travailler avec les grands ministères potentiellement concernés, comme l'éducation nationale, pour mobiliser les logements vacants qui se trouveraient dans le parc de l'État.
Monsieur Orphelin, nous œuvrons en faveur de la rénovation globale. MaPrimeRénov' Sérénité, nouveau nom du dispositif Habiter Mieux Sérénité, permet de mobiliser des certificats d'économie d'énergie (C2E). Cela représente 40 000 à 50 000 dossiers par an. MaPrimeRénov' pour une rénovation globale peine en effet à démarrer, mais le dispositif Habiter Mieux Sérénité assure aux ménages modestes et très modestes la possibilité d'accomplir une rénovation globale et performante, puisqu'un gain d'efficacité énergétique minimal est imposé, ce qui n'existait pas auparavant.
Dans la stratégie nationale bas-carbone, les objectifs sont formulés en équivalents de rénovation globale. Or comment compter en équivalents de rénovation globale cinq changements de chaudières effectués dans cinq logements différents ? Et par ailleurs, quelle est la qualification du parc ? C'est une querelle de chiffres, et j'ai institué l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) afin d'y voir plus clair.
Nous nous sommes d'abord efforcés de caler le nombre de passoires thermiques, ou logements classés F et G : on sait aujourd'hui qu'il y en a un peu moins de 5 millions. Le diagnostic de performance énergétique a fini par être fiabilisé, après une difficulté l'été dernier qui a été surmontée. Nous devons maintenant essayer de comprendre le bilan énergétique des rénovations réalisées : c'est cela qu'il faut traduire en équivalents de rénovation globale. Ce travail n'ayant pas été achevé, je ne peux pas vous dire où nous en sommes de l'objectif de la SNBC. J'espère que l'ONRE sera en mesure de nous éclairer d'ici la fin de l'année.
Ce qui est sûr, c'est qu'il est nécessaire de monter le niveau d'exigence de chaque rénovation réalisée. Nous devons proposer aux propriétaires, occupants ou aux bailleurs, d'aller un cran plus loin que le geste simple. C'est toute l'idée de la loi « Climat et résilience » selon laquelle, à compter du 1er janvier 2023, les ménages devront obligatoirement passer par Mon accompagnateur rénov' pour obtenir un financement dépassant un certain montant. Les ménages seront ainsi conduits vers une rénovation plus globale et performante.
Nos objectifs me semblent donc semblables. Seulement, le chemin qu'a pris le Gouvernement s'appuie davantage sur la responsabilité individuelle, l'incitation et l'accompagnement.
Monsieur Nogal, je vous remercie à mon tour et suis heureuse de pouvoir parler logement avec vous lors d'une de vos dernières séances. C'est vrai, une confusion entre sans-domicile et sans-abri est parfois entretenue. Aujourd'hui, il y a environ 10 000 personnes à la rue, le nombre exact étant par définition difficile à connaître. Le recensement conduit par l'INSEE cette année, couplé à la Nuit de la solidarité, qui est devenue nationale, permettront d'y voir plus clair.
À l'issue de la Nuit de la solidarité parisienne 2022, nous avons constaté, pour la deuxième année consécutive, une baisse significative du nombre de personnes à la rue – moins 30 % en deux ans. Nous le prenons avec humilité mais c'est l'ordre de grandeur à avoir en tête, dans l'attente du recensement national.
Par ailleurs, la solidarité nationale assure à 200 000 personnes un hébergement généraliste et à 100 000 personnes un hébergement en tant que demandeur d'asile. La Fondation Abbé Pierre en convient tout à fait. Je ne peux pas laisser dire que 300 000 personnes se trouvent à la rue, ce n'est pas vrai. En réalité, 300 000 personnes sont hébergées chaque nuit et environ 10 000 restent à la rue. Nous devons continuer à travailler pour ces dernières, et pour proposer un vrai logement aux autres, notamment les demandeurs d'asile dont la demande a été acceptée.
Quant au label RGE, il appelle toute notre vigilance. Pour continuer à développer la rénovation énergétique, encore faut-il avoir des artisans. Pour l'heure, 59 000 entreprises ont reçu le label RGE. La labellisation augmente, mais pas assez vite. Nous travaillons donc, avec la CAPEB et la Fédération française du bâtiment, à la fois à un programme C2E dédié et à la qualification « au coup par coup », c'est-à-dire par chantier, qui permet de labelliser plus vite les petites entreprises. Nous avons absolument besoin d'avoir davantage d'entreprises labellisées RGE pour réaliser les travaux.
J'ai demandé à la DGCCRF d'augmenter les contrôles, car nous devons avoir confiance dans ces entreprises. Le recours au dispositif Coup de pouce pour les opérations d'isolation à 1 euro était un nid à fraudes. Il y a été mis fin progressivement. L'interdiction du démarchage téléphonique pour la rénovation énergétique a aussi contribué à limiter le nombre d'escroqueries, même s'il en reste. Du reste, nous veillons à bien ajuster les barèmes afin d'éviter que des aides artificiellement trop élevées n'attirent les entreprises fraudeuses.