Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 30 novembre 2017 à 9h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Nous recevons ce matin les représentants des organisations syndicales de Nokia France. Cette entreprise a une longue histoire : elle est l'héritière d'Alcatel, qui a été l'une des filiales les plus performantes de la Compagnie générale d'électricité (CGE), aujourd'hui disparue.

Au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, le secteur des télécommunications a bénéficié d'un fort soutien de l'État et de l'opérateur historique de l'époque, par le jeu de la commande publique et d'un volontarisme affirmé en matière de recherche et développement (R&D).

Aujourd'hui, le marché des télécommunications s'est mondialisé. Les grands équipementiers doivent faire face à une concurrence massive d'origine asiatique, principalement chinoise, le numéro un mondial étant désormais Huawei. Nokia est confrontée à cette difficulté, comme d'autres équipementiers historiques, le suédois Ericsson ou encore l'américain Cisco.

Mais ce qui singularise Nokia France est d'avoir subi plus d'une décennie de restructurations, résultant de révisions stratégiques successives. La fusion de 2006 entre Alcatel et l'américain Lucent s'est traduite par un échec ; les dirigeants de l'époque en portent personnellement une lourde responsabilité. Au cours de cette même année 2006, Siemens s'est d'ailleurs débarrassé de ses activités télécom auprès de Nokia, en créant une éphémère filiale Nokia Siemens Networks.

Depuis janvier 2016, Alcatel-Lucent n'existe plus : l'entreprise a été intégrée, après rachat, au groupe finlandais Nokia, dont elle est la filiale française. Elle ne représente d'ailleurs qu'un peu plus de 10 % des effectifs mondiaux de Nokia. Le ministre de l'économie de l'époque, qui a autorisé l'opération d'investissement, déclarait, comme pour la cession de l'activité « Énergie » d'Alstom à General Electric : « Cette opération va permettre de créer un champion européen dans le domaine des technologies de communication, et de se positionner au meilleur niveau de la compétition mondiale. »

Aux termes des engagements de reprise par Nokia, sa filiale française devait conserver sa position traditionnelle de leader pour la recherche et développement et l'innovation technologique. L'embauche de 500 ingénieurs était initialement prévue afin de conforter les pôles d'excellence des sites de Nozay, dans l'Essonne, et de Lannion dans les Côtes d'Armor.

Nokia prévoit aujourd'hui un nouveau plan social portant sur 600 emplois, mais la direction a toutefois réaffirmé sa volonté d'embaucher un nombre important de nouveaux ingénieurs. Beaucoup d'observateurs doutent qu'il lui soit possible de tenir cet engagement, et même de la volonté du groupe de le faire.

Ce PSE fait suite à un précédent PSE de 2014, intervenu avant la prise de contrôle par Nokia. Au total, Alcatel-Lucent puis Nokia France auront été l'objet de huit plans sociaux en dix ans …

Il s'avérait donc évidemment nécessaire pour la commission d'enquête de rencontrer rapidement les organisations syndicales. Nous leur demanderons si les engagements pris par Nokia, il y a à peine deux ans, leur paraissent tenables, notamment au regard de ses orientations stratégiques.

Nokia semble, en effet, vouloir spécialiser sa filiale française sur trois pôles principaux : le développement de la 5G, la cybersécurité et l'internet des objets. Selon vos organisations, la politique de ressources humaines et les investissements en cours ou projetés sont-ils à la mesure d'une réelle ambition dans ces trois domaines ?

Je vous rappelle que les témoignages devant les commissions d'enquêtes se font sous serment. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

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