Orange vient d'acheter, pour son coeur de réseau, des produits de cybersécurité de la marque Huawei – ce qui, renseignements pris auprès de mes homologues chez Orange, s'explique tout simplement par le fait qu'Orange est allé au moins cher. Il est clair que l'État chinois investit massivement dans l'éducation et la R&D. Nous bénéficions nous aussi de quelques financements publics, avec le CIR, mais comme on l'a dit, ceux-ci ne sont pas suffisamment adaptés à nos besoins. Que nous reste-t-il pour nous protéger, si ce n'est remettre partout des barrières douanières ? Ce n'est peut-être pas le souhait de l'Europe, mais notre rôle est de vous interpeller : si l'Union européenne est la plus grande zone de libre-échange, c'est qu'elle est en fait la seule, car les États-Unis et la Chine pratiquent tout autrement !
Ce que la CGT propose, c'est de reconquérir la filière dans ses trois principaux secteurs : celui des composants, notamment avec STMicroelectronics, car si l'on veut avoir une chance de maîtriser la cybersécurité, il faut commencer par les composants ; celui de la fibre optique, où les industriels français sont très peu présents, alors qu'il serait souhaitable de pouvoir s'assurer au minimum une certaine souveraineté en la matière au niveau européen ; enfin, celui des produits télécom associés.
Par ailleurs, il me semble qu'il faudrait revoir le modèle économique, car il ne paraît pas normal de laisser les GAFA gagner énormément d'argent en exploitant des réseaux dont ils ne supportent pas les coûts. Les opérateurs qui gèrent les réseaux gagnent un peu d'argent, même si c'est devenu difficile pour eux. Quant à nous, qui fournissons les infrastructures de réseaux, on nous étrangle en nous imposant des prix de plus en plus bas ! Il faut changer cela en faisant en sorte que les GAFA soient, eux aussi, contributeurs de l'installation des réseaux télécom dont ils tirent tous leurs bénéfices.