Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du jeudi 23 janvier 2020 à 9h35
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur :

Merci beaucoup, monsieur le ministre. Vous avez déjà balayé une bonne partie du champ de notre mission d'information.

Je voudrais d'abord revenir sur la sémantique. La concrétisation de la loi ne correspond pas tout à fait à son application, et c'est sur ce point que notre mission peut être extrêmement utile aux parlementaires et aux citoyens. S'agissant de l'application des lois au sens juridique du terme, nous avons relevé des progrès notables au cours de nos auditions. Là où nous pensons que le parlementaire a un rôle plus important à jouer, c'est dans la façon de faire ressentir la loi dans le quotidien de nos concitoyens, des entreprises, des collectivités locales ou de toute personne physique ou morale concernée de près ou de loin par les mesures adoptées par le Parlement. C'est là où le terme de concrétisation prend toute son importance : une mesure peut être appliquée sans pour autant se concrétiser dans le quotidien des gens. Il y a une zone grise qui est très difficile à appréhender. Il faut être aussi un élu de terrain et ne pas se contenter de vérifier : il faut également faire remonter des données en cas de mauvaise concrétisation de la loi, afin d'améliorer la situation. Nous pensons – je crois pouvoir parler au nom de l'ensemble de la mission – que c'est là que le bât blesse : il faut se demander ce qui se passe quand ça coince, et ce que l'on peut faire pour décoincer les choses quand des lois ou des réformes ont du mal à se concrétiser.

J'en viens à mes questions, en commençant par le rôle de votre ministère. Il est très intéressant de vous auditionner car il me semble que vos services peuvent jouer un rôle central dans le domaine sur lequel nous travaillons. Avez-vous des relations régulières avec tous les acteurs de la concrétisation de la loi ? J'ai l'habitude de dire que la chaîne, dans ce domaine, va du secrétaire général du Gouvernement jusqu'à l'agent de guichet. En ce qui concerne les OVQ, par exemple, vous fait-on remonter, au niveau des administrations déconcentrées, dans les départements, des problèmes de mise en œuvre des lois ? Avez-vous des relations régulières avec les onzièmes conseillers, nouvellement créés, chargés de suivre l'application des réformes au sein des cabinets ministériels ? Avez-vous, d'ailleurs, un onzième conseiller dans votre cabinet ? Vous avez évoqué la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Nous avons auditionné Thomas Cazenave lorsqu'il était responsable de cette structure. Avez-vous des relations régulières avec la DITP ? Jouez-vous un rôle actif en ce qui concerne le suivi de l'application et de la concrétisation des lois ?

Ma deuxième série de questions concerne le rôle du parlementaire sur le terrain. Vous avez souligné, et vous avez eu raison de le faire, que deux députés, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, sont désormais désignés dès le début de l'examen d'un projet de loi pour assurer le suivi de la publication des décrets d'application. Roland Lescure et Daniel Fasquelle nous ont ainsi présenté hier leur travail sur la loi PACTE. C'est extrêmement utile – on voit vraiment ce qui a été publié –, mais il reste toute la suite : les personnes concernées vivent-elles réellement la transformation que la réforme est censée réaliser ?

Comment peut-on, à votre avis – c'est une question ouverte et difficile –, institutionnaliser le rôle du parlementaire sur le terrain, avec toutes les parties prenantes ? Comme vous l'avez dit, les inspections générales sont sous l'autorité du pouvoir exécutif. Cela nous empêche-t-il de travailler avec elles ? Je ne le pense pas. Encore faut-il établir des règles, définir ce que le parlementaire peut faire avec les inspections générales. Ne soyons pas naïfs : si on ne l'écrit pas noir sur blanc, dans un texte, on ne progressera pas. Puisque les députés-maires n'existent plus, nous devons devenir des députés applicateurs. Il faut travailler avec d'autres acteurs, comme les inspections générales, mais pas seulement elles : il y a aussi des acteurs locaux, à commencer par les préfets.

Cette mission a pour vocation, comme l'a indiqué notre présidente, de proposer un outil de suivi permettant de faire remonter des problèmes. Nous avons pour ambition de créer, à terme, une plateforme grâce à laquelle chaque député qui suit tel sujet dans telle partie du territoire pourra faire remonter où cela coince et pourquoi. Cette plateforme pourrait-elle, à votre avis, fonctionner en lien avec vous, par exemple, du côté du Gouvernement, ou avec la DITP, afin qu'il y ait des allers-retours réguliers avec le Parlement sur ces questions ?

Vous avez indiqué, à juste titre, qu'on pourra améliorer la concrétisation de la loi si celle-ci est mieux faite. Je partage notamment l'idée que nous devrions voter des lois moins bavardes et faire davantage confiance à l'administration pour les détails. La relation de confiance entre le Parlement et l'administration reste quand même à améliorer et doit dépasser le « je t'aime, moi non plus ». C'est ce qui explique que nous entrions trop dans les détails quand on fabrique la loi, de peur qu'elle ne soit pas bien appliquée. Il y a un vrai problème : il faut qu'on arrive à se reparler mieux et qu'on réapprenne à s'aimer – je le crois vraiment.

Une idée avait été mise sur la table lorsque nous avons débattu de la révision constitutionnelle à l'été 2018 : soumettre certains amendements – pas tous – au Conseil d'État, comme on le fait pour certaines propositions de loi, par le truchement du président de l'Assemblée nationale. Cela vous paraît-il une idée intéressante pour remédier à la difficulté que vous avez soulignée ? Tout ne peut pas figurer, par définition, dans les études d'impact puisque des amendements vont modifier le texte initial. Comment pourrait-on, dès le stade de la fabrique de la loi et des études d'impact, mieux associer l'ensemble des parties prenantes ? Les rapporteurs des projets de loi le font souvent : ils auditionnent des acteurs qui vont être concernés. Dans le cadre du projet de loi sur les retraites, l'ensemble des filières et des métiers vont ainsi être auditionnés. Peut-on aller plus loin au stade de l'étude d'impact, et peut-être du Conseil d'État, dans l'association de toutes les parties intéressées ? J'ai tendance à penser qu'en les mettant dans la boucle et en tissant une relation de confiance – c'est une remarque faussement naïve – on peut mieux concrétiser et appliquer la loi.

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