Intervention de Marc Fesneau

Réunion du jeudi 23 janvier 2020 à 9h35
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement :

J'ai bien noté l'éloge fait à M. Bolo ! Il n'est pas besoin d'avoir été un élu local pour sentir que cette pratique relève du bon sens : il me semble assez naturel qu'un parlementaire, qui s'implique dans son territoire et qui s'intéresse à la loi, aille discuter avec les citoyens, les chefs d'entreprise, les associations et les collectivités, et ce, qu'il soit de la majorité ou de l'opposition.

La relation entre les députés et l'administration est moins naturelle qu'auparavant, en raison de la suppression du cumul des mandats, mais cela ne signifie pas qu'on ne peut pas construire une autre relation. Un préfet parlait tout autant au député qu'au maire président de l'agglomération : quand c'était la même personne, cela garantissait une certaine fluidité ; les lieux de rencontre étaient d'ailleurs naturels, et l'interaction évidente. Mais le bon sens m'amène à dire que rien ne vous empêche de construire une relation qui vous permette en continu de juger de la concrétisation ou non de telle ou telle disposition législative, et de ses effets, positifs ou non. Vous en êtes d'ailleurs les acteurs, pour bon nombre d'entre vous.

Madame la présidente, vous avez évoqué l'éternelle question du calendrier – je salue du reste votre honnêteté intellectuelle. Nous nous y étions penchés lors de la réflexion sur la révision constitutionnelle. Les parlementaires réclament du temps, quand le Gouvernement trouve en général que cela va trop lentement. Le temps est d'ailleurs accéléré par le processus quinquennal : ce qui n'a pas été voté au cours des trois ou quatre premières années ne le sera pas avant la fin du quinquennat. Force est de reconnaître que le temps utile du quinquennat est plus proche de trente-six à quarante mois que de soixante ; cela est à prendre en compte dans l'application d'un programme défini lors des élections présidentielle et législatives. C'est une contrainte qu'il nous faut essayer de gérer collectivement, car j'inclus le Gouvernement dans cette barque. Nous nous efforçons de produire des textes qui ne soient pas trop volumineux ; ceux qui le sont tout de même, pour des raisons évidentes, qu'elles soient juridiques ou tiennent à son objet, aboutissent à un processus de fabrication de la loi plus long.

Ce que disait M. Barrot est juste : il vous appartient de vous doter, en plus du bon sens, d'outils permettant de guider votre action. Mais au-delà, la question est de savoir à quel endroit atterrit ce que vous percevez de la concrétisation ou de la non-concrétisation des lois… La remontée vers les commissions concernées – le cas des commissions spéciales pose une difficulté supplémentaire : il sera difficile de les reconstituer – est une bonne idée ; elles pourront ainsi se saisir de telle ou telle disposition de la loi, quitte à auditionner les ministres.

Je reviens sur l'exercice assez intéressant et qui mobilise beaucoup notre attention, que nous effectuons au Sénat. Dans le cadre d'une délégation du Bureau, une audition est organisée durant quelques heures, à laquelle je participe et qui permet à chaque commission de s'exprimer, essentiellement sur les décrets d'application ; mais d'autres sujets pourraient néanmoins y être abordés. Vous-mêmes pourriez utilement solliciter les ministres au sujet de telle ou telle application des lois ; cela se fait d'ailleurs dans certains cas. Une fréquence annuelle me semble judicieuse ; si elle était plus élevée, le processus itératif serait trop court.

Dernier point de réflexion : la loi, son application, sa concrétisation, mais après ? Lors de la réflexion sur la révision constitutionnelle, nous avions envisagé de fusionner la semaine de contrôle et la semaine d'initiative de l'Assemblée nationale. Cette réflexion était alors partagée par le Gouvernement – j'étais parlementaire à l'époque. L'objectif était de tirer quelque chose d'une évaluation et d'aboutir éventuellement à des évolutions législatives. Cette idée ne doit pas être abandonnée : je trouve utile et même politiquement sain qu'une loi puisse évoluer après qu'on a pris le temps de son évaluation, lorsque l'on constate qu'elle ne produit pas les effets escomptés et qu'elle donne lieu à des biais parce que les acteurs ne répondent pas forcément comme on l'aurait voulu. Cela étant, l'évaluation nécessite un peu de temps et le quinquennat n'en offre pas beaucoup : cinq ans, c'est peu pour englober le moment du vote de la loi, celui de son application et celui de son éventuelle correction.

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